Ayant pour objectif de représenter la société civile à la COP30, 6 militantes écologistes européennes sont à l’origine du Women Wave Project. En partant en voilier ce mercredi 8 octobre de Saint-Nazaire direction Belém, elles souhaitent remettre la lutte pour le climat à l’avant de l’agenda politique. Participer aux COP est de plus en plus difficile pour la société civile, notamment en termes de logements, de transports ou encore de visa. Pourtant, elle permet d’influencer les Etats responsables de la crise climatique lors des négociations.
À bord du voilier L’esprit d’équipe se trouvent 3 navigatrices, ainsi que les 6 activistes françaises et belges. Parmi elles, Camille Etienne, Adélaïde Charlier et Lucie Morauw, qui militent pour une justice sociale et climatique. Mariam Toure est militante pour les droits humains et Maïté Meeûs pour le droit des femmes. Enfin, Coline Balfroid documente ce projet comme vidéaste et réalisatrice.
Oser prendre l’espace durant la COP30
Selon les activistes du Women Wave Project, être présentes à la COP permet de s’assurer que la voix des militants pour la justice climatique soit entendue. C’est également s’assurer que des femmes puissent avoir accès à des endroits décisionnels importants, comme lors de ces négociations. Cette COP30 est d’autant plus symbolique puisqu’elle a lieu 10 ans après l’Accord de Paris. Adélaïde Charlier, habituée des COP, partage son inquiétude face aux nombreux reculs environnementaux : « cette année, un rapport scientifique a déclaré que l’on a dépassé les 1,5 degré de réchauffement planétaire. La chercheuse Valérie Masson-Delmotte a précisé qu’on ne pourrait probablement plus jamais réussir à revenir en dessous des 1,5 degré ». Malgré les alertes scientifiques de plus en plus pressantes, les mesures en faveur de l’environnement et du climat stagnent, voire reculent.
Au-delà des objectifs de l’Accord de Paris qui semblent difficilement atteignables, cette COP est importante pour les trajectoires à venir. Tous les 10 ans, les Etats membres de l’ONU doivent annoncer leurs ambitions climatiques, en donnant cette année leur vision pour 2035. Selon Adélaïde, les Etats responsables du réchauffement climatique, comme ceux de l’Union Européenne, n’ont pas été à la hauteur. C’est l’occasion pour eux de réhausser ces objectifs.
Ces activistes font partie de certaines délégations, elles auront donc accès aux lieux des négociations. Un des principaux objectifs, en tant que représentantes de la société civile, sera d’influencer les budgets alloués à la transition. En effet, derrière les objectifs climatiques, il existe de nombreux enjeux financiers lors des négociations. Ces militantes espèrent pouvoir influencer la question des financements, auprès des Etats historiquement responsables du dérèglement climatique, pour une transition juste.
Camille Etienne, figure reconnue de l’activisme en France, a la volonté de « s’inviter » là où elle n’est pas invitée. Elle dénonce la présence massive des lobbies : « aujourd’hui, on a plus de personnes qui représentent les intérêts de l’industrie fossile que de membres de la plus grande délégation des Etats ». Elle appréhende, avec la communauté scientifique, la question de la géo-ingénierie. Peu traitée dans le débat public, elle consiste à modifier artificiellement le climat par le déploiement de technologies, visant à contenir le réchauffement planétaire. Selon l’activiste, il s’agit d’une approche risquée pour des raisons de gouvernance et de ressources.
La convergence des luttes
Cette expédition a réussi à réunir de multiples profils, chacune mettant en avant une cause importante à ses yeux, liée à la lutte climatique. Le voilier part d’ailleurs sous l’égide des branches française et belge d’Amnesty International. Margaux Jaymond, chargée de plaidoyer justice climatique à Amnesty International France, insiste sur la responsabilité des Etats : « la cour de justice internationale a sorti cet été un avis qui montre que l’action et l’ambition climatique des gouvernements n’est pas un choix politique, mais une obligation juridique au regard du droit international ».
Elle justifie ainsi l’importance de cette lutte : « la crise climatique, c’est la plus grande crise des droits humains dans le monde. Elle impacte les droits, pas seulement des personnes qui les défendent, mais de nous toutes et tous, par son ampleur ». Cette COP est aussi particulière en raison du nombre de personnes indigènes qui seront présentes, une première pour ce type de rencontre.
Mariam Toure, fondatrice de la Jeunesse Populaire, rappelle que les minorités et les pays du Sud sont les premiers impactés par le dérèglement climatique. En se rendant à ces négociations, il s’agit pour la militante de se réapproprier l’espace public, pour défendre une lutte climatique, sociale, antiraciste et féministe. Elle ajoute que le sommet des peuples se tiendra aux mêmes dates que la COP à Belém, une opportunité pour faire entendre la voix des minorités : « ce n’est pas juste une question de climat, une planète qui est de moins en moins habitable, ce sont aussi des gens qui meurent ».
Maïté Meeûs souhaite quant à elle apporter une approche genrée des politiques climatiques. Selon l’ONU, 80 % des déplacés climatiques sont des femmes, pourtant seulement 35 % des délégués et seulement 10 % des chefs de délégation étaient des femmes. « Comment espérer des politiques climatiques justes, si la moitié de l’humanité n’est pas assise à la table des négociations ? »
La science au cœur de la lutte climatique et du projet
Selon Camille Etienne, la science doit rester au cœur de cette démarche. Aujourd’hui, elle est poussée à partir à la COP en voilier en raison du dérèglement climatique, qui est un constat scientifique. Face à cette alerte, l’activiste juge l’inaction des Etats et le retrait des médias sur ce sujet comme irresponsables : « on est dans un moment où l’intégralité des budgets pour la recherche sont baissés, pas seulement aux Etats-Unis, on voit des répercussions qui arrivent aussi en Europe et dans d’autres pays. La parole des scientifiques est de moins en moins écoutée et mise en avant aujourd’hui dans l’espace médiatique et politique. On se retrouve avec une hausse du climatoscepticisme, y compris chez les moins de 25 ans ».
Les activistes ne souhaitent pas s’emparer de la science, mais plutôt travailler main dans la main avec cette dernière. En pratique, elles resteront en lien direct avec le co-président du groupe 1 du GIEC, Robert Vautard, en coordonnant des actions jusqu’à Belém. En parallèle, le Women Wave Project mènera à bien un projet de recherche participative durant le transatlantique. Camille Etienne et une chercheuse à bord collecteront des données sur des espèces cryptiques à l’aide de filtres, pour faire du séquençage ADN. L’eau filtrée sera envoyée à l’université de Montpellier, pour obtenir les résultats grâce à leur laboratoire. « C’est le moment de mettre en haut de l’agenda l’idée que la science, les scientifiques, les chercheurs, ont envie de faire des alliances avec la société civile », renchérit Camille Etienne.
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