L’ONG Oxfam met en garde contre les signes d’un colonialisme vert alimenté par la demande en ressources pour la transition, dans un rapport publié le 24 septembre. La transition énergétique, qui est considérée comme un secteur d’avenir, dépend de ces ressources. Mais, les pays du Sud, qui détiennent environ 70 % des réserves de minerais stratégiques, en tirent de fait très peu de bénéfices. Pourtant, en dépit de l’indépendance de ces pays, cette situation s’inscrit dans la continuité d’une logique coloniale, avec la majorité des bénéfices qui se concentrent dans les poches des 1 % les plus riches.
Le rapport d’Oxfam, intitulé Transition injuste : Reprendre le contrôle de l’avenir énergétique face au colonialisme climatique, montre comment les inégalités s’aggravent encore aujourd’hui. Les exemples ne manquent pas et s’apparentent plutôt à des pillages massifs des ressources, comme le lithium, le cobalt, et le nickel. Ces projets s’accompagnent souvent d’un accaparement des terres, de violences, et de dommages environnementaux, au détriment des communautés vivant dans ces pays.
Selon Oxfam, nous nous tenons à un carrefour décisif, où la transition vers les énergies renouvelables pourrait contribuer à combler les profondes inégalités qui alimentent la crise climatique ou les aggraver.
Des investissements rentables… mais pas pour tous
En 2024, l’Asie du Sud-Est, le Moyen-Orient et l’Afrique ont chacun capté 2 % des investissements mondiaux dans les énergies propres, et l’Amérique latine 3 %. Et, ce alors que ces pays sont riches en ressources, ils ne bénéficient pas d’un partage équitable des bénéfices, ni du déploiement des technologies. Alors que l’Amérique latine détient près de la moitié des réserves mondiales de lithium, elle ne capte qu’environ 10 % de la chaîne de valeur générée par la filière des batteries au lithium. Le constat est pire pour les entreprises minières qui ne perçoivent que 2 centimes pour chaque dollar de valeur finale.
La France figure parmi les pays bénéficiant de ce colonialisme vert. À travers les nombreuses filiales de Total Energies, de nombreux projets destinés au marché européens laissent à la marge l’économie des pays en développement. En 2024, le projet Chbika au Maroc vise à produire un hydrogène vert afin de réduire la dépendance européenne aux énergies fossiles russes. La production d’hydrogène vert sert seulement à répondre à la demande européenne, et non aux besoins locaux. « L’implantation d’un tel projet soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses » selon Selma Huart, chargée de plaidoyer Transition juste. Elle déclare : « ce modèle extractiviste est d’autant plus problématique qu’il vient avec des conséquences environnementales locales non négligeables ». Les communautés locales ne consentent d’ailleurs pas toujours à ces projets.
Le cercle vicieux d’une mauvaise répartition
Ce colonialisme vert creuse des inégalités déjà existantes, comme l’accès à l’électricité. 85 % des personnes sans accès à l’électricité vivent en Afrique subsaharienne. Le rapport dénonce une répartition injuste. L’énergie consommée par les 1 % les plus riches de la planète suffirait à répondre sept fois aux besoins énergétiques fondamentaux de toutes les personnes privées d’électricité. Une meilleure redistribution de l’accès à l’énergie fait partie des enjeux pour une transition juste. En effet, aujourd’hui, les 10 % les plus riches consomment la moitié de l’énergie mondiale, tandis que la moitié la plus pauvre de l’humanité n’en consomme que 8 %.
En dominant l’architecture financière internationale, les pays riches enferment les pays du Sud dans une spirale d’endettement, qui freine leur propre développement. Ceux qui bénéficient du colonialisme vert assurent ainsi leur transition, tandis que les pays en développement restent à la traîne.
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3 commentaires
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Guy J.J.P. Lafond
Quel dommage pour le 1% le plus riche de l’espèce humaine de toujours répéter les mêmes abus!
Nous pouvons changer le cours de l’Histoire si nous arrivons à construire tous ensemble, le Nord et le Sud réunis, une société civile civilisée, mondiale, influente et propre.
S.v.p. action!
Guy J.J.P. Lafond (VELO) – in
https://mobile.twitter.com/UNBiodiversity/status/1395129126814691329
Raphaël
Merci pour avoir mis en lumière ce problème évident mais méconnu. Le terme ‘Colonialisme vert’ va faire couler de l’encre … électronique
Kahn Didier
Cet article mériterait d’être approfondi. Quelle est la part de la Chine, des la Corée du Sud, du Japon, des pays arabes producteurs de pétrole dans l’accès colonialiste à ces ressources ? Cela permettrait de condamner notre pays mais aussi de l’appréhender sous un aspect relatif.