Pédagogie et conservation de la biodiversité au nouveau zoo de Vincennes

Le zoo de Vincennes entièrement rénové ouvre ses portes samedi 12 avril. Ce nouveau zoo se distingue de l’ancien par sa forme mais aussi par le rôle qu’il entend jouer dans la protection des animaux. Le directeur scientifique et vétérinaire en chef du parc zoologique de Paris, Alexis Lécu, s’en explique.

Le zoo de Vincennes rouvre ses portes samedi 12 avril. Quelle est sa mission?
Alexis Lécu – Un zoo a deux missions principales et essentielles. La première est la pédagogie. Quand les visiteurs viennent au zoo, ils peuvent voir les animaux, ils peuvent les sentir (ils ne peuvent plus les toucher). Ce contact imprime une image très forte, en particulier chez l’enfant, mais aussi chez l’adulte, qui a plus d’impact que le visionnage d’un documentaire. L’observation des animaux est renforcée par des explications scientifiques grâce à différents dispositifs (panneaux, animations…), et c’est un discours qui ne fonctionne que si l’animal a été vu ou cherché dans le parc.

La deuxième porte sur la conservation des espèces menacées dans leur milieu naturel.

En quoi le zoo participe-t-il à la conservation des espèces ?
Le but fondamental du zoo est d’éviter l’extinction des espèces dans la nature. Le zoo participe à la conservation des espèces en s’impliquant dans les programmes d’élevage en captivité. Je peux citer l’exemple des grands hapalemurs (espèce de lémuriens) que nous avons ici. Ces animaux sont en danger critique d’extinction. Ils vivent exclusivement à Madagascar où il n’en existe plus que 600 individus.

Le parc apporte également son soutien à des projets de préservation des espèces dans leur milieu naturel. Les espèces présentes dans le zoo sont le miroir de celles présentes dans la nature et nous apportent une connaissance plus fine des espèces, de leur comportement et de leur mode de vie. Les recherches menées au Museum dans des domaines variés (biologie de la reproduction, génétique, médecine vétérinaire…) améliorent cette connaissance et apportent une expertise sur place quand il y a besoin.

En outre, les sommes générées par le zoo peuvent permettre d’apporter un soutien financier à ces projets.

Prévoyez-vous de réintroduire des animaux dans leur milieu naturel ?
Les réintroductions en milieu naturel existent, mais sont rares. En effet, les conditions à réunir sont nombreuses. Et elles ne sont pas que scientifiques : on ne peut pas arriver dans un pays d’Afrique qui est en guerre civile et lui imposer une réintroduction alors que le pays à d’autres priorités… Cela dit, des exemples  existent : le cheval de Prevalski, les vautours fauves, l’addax, la gazelle…

A Vincennes, le lamantin de notre zoo fait partie d’un programme d’élevage européen, qui concerne 30 à 35 individus. Il va faire des petits qui devraient, à terme, être relâchés dans le parc national de Guadeloupe.

Le zoo de Copenhague a beaucoup fait parler de lui ces derniers temps, notamment avec l’euthanasie du girafon Marius, euthanasié pour éviter un risque de consanguinité. Quelle est votre réaction ?

Chaque parc zoologique possède son propre libre arbitre et son code d’éthique. Celui du zoo de Copenhague est différent du notre. La culture danoise est très différente de la nôtre et s’il est normal pour eux de montrer l’abattage d’une girafe, il serait évidemment impensable pour nous de le faire. Au parc zoologique de Paris, cela fait longtemps que nous avons décidé d’euthanasier le moins possible d’animaux et de le faire uniquement pour des raisons de santé.

Mais comment éviter les risques de consanguinité ?
Nous avons pris le parti de ne mettre nos girafes à la reproduction que si nous savons où placer les jeunes. Il faut anticiper, communiquer avec les confrères du réseau et s’adapter pour ne pas se retrouver dans la situation du zoo de Copenhague. En outre, des plans d’élevages européens existent pour chaque espèce et nous connaissons le coefficient de consanguinité de la plupart d’entre elles. Nous ne mettrons pas le mâle et la femelle ensemble si nous savons que cela donnera des résultats médiocres sur le plan génétique.

Vous avez évoqué la mission pédagogique du zoo, mais est-ce la même chose d’observer un animal au zoo ou dans son milieu naturel?
C’est différent, bien sûr. Mais nous avons dressé la liste de tous les éléments dont un animal a besoin dans la nature pour vivre et pour exprimer l’ensemble de ses comportements et nous avons tenté de reconstituer cet environnement au zoo.  Le rocher dans l’enclos du rhinocéros a beau être complètement artificiel, il joue le même rôle pour l’animal que celui qu’il trouvera dans le milieu naturel : il pourra y frotter ses cornes, le gratter du pied et y trouver de l’ombre, et c’est l’essentiel. Tout le monde n’a pas les moyens d’aller faire un safari en Afrique et encore une fois, regarder un documentaire, même si c’est très instructif, aura moins d’impact qu’un contact direct.

Certaines espèces emblématiques sont absentes au zoo. Pourquoi ?
Dans cette logique de reconstitution d’un milieu qui soit adapté au bien-être de l’animal, il a fallu faire des choix car nous n’avons que 14 hectares. Un ours a besoin d’un hectare entier car il passe 80% de son temps à chercher de la nourriture. Si nous avions consacré cet espace à l’ours cela aurait été au détriment des loups et des girafes. Toutes les espèces d’ours (ours à lunette, pandas…) sont passées dans l’ancien zoo, mais nous ne sommes plus dans cette logique de collection. Cela dit, la biodiversité à Vincennes est plus importante que dans l’ancien zoo. Si le visiteur continue à venir au zoo pour voir des espèces emblématiques telles que le lion ou les girafes, il pourra également découvrir des espèces qu’il ne connaissait pas comme le pudu des andes, l’oryx algazelle ou certaines espèces d’oiseaux ou d’amphibiens. C’est l’intérêt pédagogique du nouveau zoo.

Propos recueillis par Hélène GÉLOT

 

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