Rio+20 : Vers des OMD de l’écologie ?

Alors que 50 000 personnes sont attendues à Rio pour le sommet de la Terre (Rio+20), les annonces pessimistes ou optimistes se succèdent. Deux personnalités françaises symbolisent ces différences d’attitude et de perception.

Brice Lalonde, ancien ministre de l’écologie, militant historique et infatigable de la planète, a choisi de mener le combat de l’intérieur. Il a été nommé coordinateur exécutif de l’événement pour les Nations Unies (ce qui est par ailleurs une remarquable reconnaissance de son engagement et de ses compétences). Il perçoit « une bonne volonté pour arriver à quelque chose. Pour beaucoup de gens c’est le début d’un cycle, une aventure qui commence. »

A l’inverse, Nicolas Hulot, célèbre écologiste et président de la fondation qui porte son nom, a annoncé qu’il refusait d’aller à Rio. Il « ne sert à rien d’aller à Rio pour constater l’incapacité de nos États à coordonner leurs volontés« , selon lui et « Il vaut mieux un crash diplomatique à Rio que des engagements mous ». Qu’en est-il ? Que peut-on espérer ?

Si le sommet promet d’être un grand événement international, et par le nombre de délégués et par celui de personnes accréditées, il faut remarquer des absences symboliques : Angela Merkel a annoncé qu’elle ne viendrait pas, tout comme David Cameron. Barack Obama laisse encore planer un petit suspens, mais sa venue est très improbable, d’autant que la campagne présidentielle américaine a commencé et que l’environnement n’a pas l’air d’en être un enjeu. Même si d’autres chefs d’Etats font le déplacement (dont François Hollande), ces absences sont le signe que le sommet n’a réussi qu’à susciter une mobilisation modeste au niveau international – moins que Copenhague, qui pourtant a été un échec. La crise économique a relégué l’écologie loin derrière les préoccupations économiques immédiates.

Dans ce contexte, l’issue la plus favorable que l’on puisse raisonnablement espérer est probablement la signature d’une déclaration commune énonçant une série de grands principes et proposant des objectifs généraux. Cette déclaration n’engagerait personne – Un texte contraignant semble hors de portée des négociations internationales depuis l’échec de Copenhague. Ce pourrait devenir en quelque sorte des Objectifs du millénaire de l’environnement (OME). Cette expression fait référence aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), que les Nations Unies se sont donnés en 2000 pour les 15 années suivantes : réduire l’extrême pauvreté, améliorer l’accès à l’éducation primaire, promouvoir l’égalité des sexes, augmenter l’accès à l’eau potable, aux soins, etc.

Ce genre de pétition de principe n’est pas complètement vain. Les OMD ont permis de focaliser des énergies, ils ont proposé un cadre d’action ou donné un appui moral et organisationnel a certaines organisations gouvernementales ou non gouvernementales. Bref : ils ont défini un agenda, au sens anglais du terme : ils ont construit un programme global.

Bien sûr, leur impact est mesuré et reste même difficile à analyser. Le premier des OMD atteint l’a été l’année dernière avec la diminution par 2 du nombre de personnes ne disposant pas d’un accès à l’eau potable. Ces dernières années, l’amélioration de la scolarisation ou la diminution de la pauvreté, ont été substantielles, même si la situation est très inégale selon les continents. Mais est-ce vraiment le résultat de l’engagement international ou bien plutôt le fruit du développement économique, en particulier en Asie ? Quant aux fonds consacrés à ces OMD, n’ont-ils pas étés pris sur d’autres budgets ?

Même si les OMD restent en deçà de ce qu’il faudrait obtenir pour notre planète (abolir la faim et les inégalités les plus criantes,…), le vote historique qui les a officialisé a constitué une étape importante. De la même manière, si des OME étaient définis et votés par tous les pays du monde, cela serait un pas. Un petit pas mais un pas quand même.

Un pas vers où ? Il y avait 8 Objectifs du millénaire ; la conférence de Rio+20 s’est donné 7 sujets prioritaires : l’emploi digne, l’énergie, la durabilité des villes, la sécurité alimentaire, l’eau, les océans et la préparation aux catastrophes…

Mais même ce genre d’accord reste encore loin d’être acquis. A l’heure où j’écris ce texte, il y a encore beaucoup trop de points de désaccords entre les délégués. Certaines personnes bien informées doutent donc que même ce genre de document puisse être signé par les représentants des Etats avant la fin du sommet. Mais c’est probablement le seul objectif atteignable.

En effet, l’ère des grands accords internationaux est désormais derrière nous. Les quelques décennies qui vont de la chute du mur de Berlin à la fin du XXe siècle ne formeront probablement qu’une parenthèse pendant laquelle la toute puissance occidentale, privée de tout rivaux, nous a fait croire que notre modèle économique et social, et aussi notre manière d’aborder la diplomatie et les grands enjeux internationaux allait triompher. Mais aujourd’hui, avec des grandes puissances comme la Chine qui refusent toute ingérence, toute atteinte à leur souveraineté nationale – comment croire à un grand accord ?

Ce n’est pas que la Chine, ou le Brésil qui accueille le sommet, soient moins écolo que d’autres. La Chine, pour ne parler que d’elle, a entrepris des transformations profondes vers une économie verte : elle construit plus de panneaux solaires et d’éoliennes que le reste du monde, par exemple. Elle a mis en place des lois extrêmement fermes contre la déforestation sur son sol. Mais sa transition écologique, elle veut la faire à sa manière et ne supporte pas que quiconque la lui impose.

Ce refus d’ingérence n’est pas le propre des pays émergents. Les Etats-Unis aussi, ou en tout cas leur Parlement, refusent qu’on rogne leurs prérogatives (en refusant de signer le protocole de Kyoto ou de se soumettre à la cour pénale internationale, par exemple).

Espérer un grand accord international est donc devenu plus qu’une chimère : c’est désormais un anachronisme. Dès lors, comment avancer ? Peut-être, au niveau international, par des pétitions de principe à l’image des OMD. A condition de les mettre en œuvre au niveau national, par des initiatives gouvernementales ou non, en impliquant les entreprises et la société civile. Peut-être au travers d’accords bilatéraux plutôt que multilatéraux.

D’une certaine manière, c’est un renoncement par rapport aux espérances d’il y a quelques années. Surtout, c’est probablement insuffisant par rapport aux enjeux et à l’urgence écologique. Mais il n’y a pas mieux.

Et c’est une manière de revenir à la différence entre optimistes et pessimistes. Derrière leurs divergences, il y a peut être une différence d’analyse. Mais il y a surtout une question de tempérament, de point de vue, de niveau d’espérances et de stratégies.

Comme le dit, en substance, Nicolas Hulot : même si le sommet de Rio+20 parvient à mettre en place des OME, cela restera très en deça de ce dont nous avons besoin. Le temps est aux actes, et non plus aux mots. Mais comme le dit en substance Brice Lalonde, il faut tirer tout ce que l’on peut de moments historiques comme les grandes négociations internationales.

Notre avenir dépendra de la capacité de ces deux tendances à travailler ensemble. Car il est trop tard pour être pessimiste.

Un commentaire

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    • Claudec

    Rio – Fondamentaux
    « Si nous continuons dans cette voie, si nous ne faisons rien pour enrayer l’accroissement de la population, nous allons en payer le prix, nous allons nous retrouver dans un monde surpeuplé. La démographie a un impact sur le développement économique, sur l’environnement et sur les ressources de la Terre qui sont limitées.»
    Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies (1997 – 2006) – (s/Démographie responsable.org)

    Or, en dépit des variations de la croissance démographique soufflant le chaud et le froid et de la sempiternelle annonce de son ralentissement, celui-ci est non seulement peu probable mais quasiment exclu pour de nombreuses raisons parmi lesquelles :
    – La tendance observée depuis la naissance de l’espèce humaine, et plus particulièrement au cours de ses deux derniers millénaires.
    – Les effets du progrès, notamment sanitaire.
    – Les résultats de l’action humanitaire, encourageant les naissances et retardant la mort des plus malheureux, à défaut de les empêcher de souffrir de leur misère.
    – Les conséquences dramatiques d’une inversion de la tendance en termes de vieillissement de la population et de réduction du nombre des actifs.
    – L’aveuglement, l’imprévoyance et l’égoïsme des hommes, tous assis, sans exception, sur leurs habitudes et leurs avantages acquis – pour ceux qui ont le bonheur d’en bénéficier.
    – La cacophonie régnant chez la plupart des partisans d’un contrôle démographique.
    – L’opposition farouche des opposants à ce dernier.
    etc. ,
    la prise de conscience de réalités fondamentales serait nécessaire, de toute urgence.

    Pour en savoir plus à propos de la plus impitoyable de ces réalités, affichez « Fatalitas, l’abominable pyramide sociale » dans votre moteur de recherche.