Vers une gouvernance mondiale de l’eau pour sortir de la spirale de l’échec

Alors que les médias français ne vivent qu’au rythme des élections présidentielles, les acteurs qui comme la Fondation France Libertés défendent le droit à l’eau pour tous espèrent voir venir le jour prochain ou enfin les questions humanistes seront à l’esprit de tous les citoyens.

Le mois de mars serait propice pour évoquer le bien commun car la France et la ville de Marseille accueillent le 6ème Forum Mondial de l’Eau et le choix fait par notre Président de l’ouvrir le 12 mars le mettra certainement en une de tous nos médias.

Mais que retiendront-ils ?

Retiendront-ils comme c’est le cas de Brice Lalonde l’image d’un forum réunissant les industriels et les Etats et donnant la parole aux ingénieurs afin de porter les solutions qui feront tourner le business en aidant si possible les plus pauvres en même temps que cela contribuera à enrichir nos multinationales ?

Retiendront-ils la volonté de communication portée par Publicis grâce au budget estimé à 3 millions d’euros engagé par le Forum faisant de cet évènement une vitrine au profit d’une campagne électorale très éloignée des enjeux de l’eau pour tous ?

Rien n’est certain, mais je suis pratiquement sûr que les 3 milliards de femmes et d’hommes qui n’ont pas accès au moindre assainissement au jour où nous vivons nous dans notre confort occidental seront dans les paroles mais pas dans les actes.

C’est bien là la faiblesse majeure de ce Forum Mondial de l’Eau. Ce bel évènement qui au fil des éditions démontre son incapacité à faire émerger une vraie gouvernance mondiale de l’eau. Les discussions sont belles, les invitations nombreuses, les budgets étrangement disproportionnés en ces temps de crise, mais que reste-t-il au lendemain de l’évènement quand tous les acteurs repartent vers leurs contrées ? Pas grand-chose jusqu’à maintenant. Même le droit à l’eau rejeté lors du précédent Forum à Istanbul a du être porté par la Bolivie à l’Assemblée générale des Nations Unies pour voir le jour. Mais depuis, rien. Pas un des pays occidentaux qui pourrait impulser un vrai grand changement en faveur de l’eau pour tous n’a fait le choix d’inscrire ce droit dans sa constitution.

Preuve en est, l’objectif porté par la France à Marseille sera de faire ratifier la convention de partage des eaux des fleuves transfrontaliers qui date de 1997 et qui attend toujours d’être ratifiée. La France l’a fait en 2010. On me dira, c’est mieux que rien. A condition toutefois que la ratification soit effective.

Mais est-ce suffisant ? Non, absolument pas. Ce n’est pas suffisant, ce n’est pas courageux. La résolution de l’Assemblée générale de juillet 2010 votée par la majorité des nations sans qu’aucune ne vote contre ouvrait la voie royale pour un grand courage de la communauté de l’eau à Marseille : faire d’un droit théorique un droit effectif dont nous puissions nous enorgueillir.

Certains pays ont fait ce pas et notamment la Bolivie afin que la Guerre de l’eau de Cochabamba ne puisse jamais se reproduire mais aussi l’Afrique du Sud qui après avoir instauré le Droit à l’Eau pour Tous a travaillé pour mettre ce droit en application. Ce n’est pas chose facile et l’exemple de Soweto est hautement symbolique avec le combat que mènent les habitants contre une multinationale afin de préserver leur droit d’accès aux bornes fontaines publiques et gratuites (« Eau, Planète et Peuples » les 9 et 10 mars à Marseille accueillies par le Conseil Régional Provence Alpes Côtes d’Azur. Nous espérons ainsi faire passer un message essentiel en amont de la grande messe de l’eau.

Il ne suffit pas d’argent, il ne suffit pas de solutions techniques, il faut de l’engagement, il faut de la volonté politique pour qu’enfin l’Humanité puisse faire ressortir ce qu’elle a de plus précieux : sa capacité au partage. Nous savons que les moyens financiers existent mais ils ne sont mis à la disposition de nos objectifs.

Les solutions techniques sont nombreuses et le Forum Mondial de l’Eau compte les dénombrer à force de communications. Mais ces solutions sont-elles celles portées par les peuples ? Si oui, sommes-nous prêts à les financer même si cela ne ramène pas de business pour notre économie en mal de croissance ? Sommes-nous prêts à faire des choix vraiment désintéressés et généreux ?

Avec Danielle Mitterrand, nous avions l’habitude d’entendre les uns ou les autres nous traiter d’utopiste. Pourtant nous savions que si la volonté politique était là nous pourrions changer la donne. En ces temps de crise, certains économistes se plaisent à rêver que les nations puissent fournir un effort digne de celui des Etats-Unis d’Amérique durant la seconde guerre mondiale qui en quelques semaines avait transformé leur industrie marchande en économie de guerre.

Avant qu’il ne soit trop tard, changeons notre économie capitaliste égoïste en économie de partage et de coopération pour enfin, au moins pour nos biens communs, partager l’essentiel, la force de vie, la vraie valeur, l’eau. L’Humanité est-elle prête à mettre en œuvre des volontés positives plutôt que de toujours évoluer sous la contrainte. Ce sont les contraintes qui ont parsemées notre histoire de guerres inutiles. Derrière le droit à l’eau pour tous, c’est cet espace politique profondément humaniste qu’il est possible d’entrevoir.

Il n’est jamais trop tard et alors que les résultats du Fora de Marseille seraient un tremplin formidable pour que nous puissions porter à RIO +20 autre chose que la simple économie verte qui n’est rien d’autre qu’une incapacité à changer de paradigme. Nous pouvons, nous devons nous projeter encore plus loin en imaginant qu’en 2015 les Objectifs du Millénaire pour le Développement fassent la part belle à l’accès à l’eau et à l’assainissement.

Rappelons que dans les premiers objectifs adoptés en 2000, l’eau est rangée au point 3 de l’objectif 7 au fin fond d’un document qui en compte 8. L’eau ne compte pas. Pourtant, comment imaginer l’objectif 1, l’éducation, sans accès à l’eau ? Comment imaginer l’objectif 2, la santé, sans accès à l’eau potable et à l’assainissement ?

Le combat que nous menons peut paraître epsilon au regard des évolutions qui agitent le monde depuis notamment les révolutions arabes pourtant il n’en est rien. Les biens communs seront au cœur de l’identité humaniste. Les biens communs de la connaissance montrent la voie en ces temps modernes. Ils permettent aux peuples de tous pays, d’échanger, de se connaître, de s’organiser, de changer la donne. Mais nous aurons grandi lorsque nous attacherons réellement la place qui leur revient à ceux qui sont le cœur de l’histoire de nos civilisations : les biens communs du vivant.

Pour tous ceux d’entre vous qui veulent croire à cette idée et venir la partager avec nous, rendez vous les 9 et 10 mars à Marseille afin que notre énergie constructive vienne servir ceux qui en ont le plus besoin. Rejoignez-nous et apportez votre pierre à cet édifice que nous essayons de construire et de faire émerger : une vraie gouvernance mondiale de l’eau désintéressée et au service de l’Humanité.

Vers une gouvernance mondiale de l’eau pour sortir de la spirale de l’échec

Emmanuel POILANE, Directeur de

Texte courtoisie de l’auteur

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