Cancun : une réussite mexicaine

L’accord international de Cancun est à la fois le succès de la diplomatie du Sud et celui d’une femme politique exemplaire.

Il est cinq heures du matin, les gens sont épuisés. Les têtes tombent sur les épaules, mais chacun garde un sourire aux lèvres. Une mauvaise musique techno insuffle quelques dernières bribes d’énergie. Non, ce n’est pas une « after » parisienne mais le bus qui ramène les délégués à leur hôtel, après ce qui est devenu l’accord de Cancun.

Malgré l’épuisement, il reste de cette énergie qui a marqué depuis ses tous premiers moments la dernière réunion du sommet international sur le climat, à Cancun. Car dès l’entrée de Patricia Espinosa, la présidente de la conférence, la salle s’est levée pour l’applaudir, longuement. Un geste très inhabituel. Et les applaudissement ne se sont que très peu interrompus tout au long de la nuit.

Tous ceux qui avaient pu lire le texte de synthèse que son équipe avait produit dans la journée avaient pu l’apprécier. De l’avis de presque tous, il représentait un remarquable compromis. Dès le début, une quinzaine de délégués interviennent tour à tour pour vanter à la fois le texte et la méthode de la présidence mexicaine. Chacun est ponctué d’une vague d’applaudissements. Ce sont non seulement les pays directement et évidemment menacés par le changement climatique comme les Maldives, le Bangladesh qui prennent la parole ; les représentants des pays africains des pays les moins avancés, mais aussi l’Europe, les USA, la Chine, le Brésil et même les Emirats Arabes Unis, font de même. Tous mettent, aussi, en avant la méthode remarquable d’ouverture, de transparence et de qualité dans le dialogue mise en place par la présidente mexicaine.

Jamais, probablement, un concert n’a été autant applaudi. Pourtant, il y peu de notes ; les mots se ressemblent, les applaudissement disent toujours les mêmes éloges.

Un seul pays dénote dans cette partition : la Bolivie. Ses représentants dénoncent les insuffisances du texte et expriment une nette désapprobation. Les applaudissements se dirigent alors rapidement, aussi, contre les représentants boliviens. Après plusieurs heures, et alors que les applaudissement ne tarissent pas de la part des représentants de tous les autres pays, la présidente passe outre les réticences boliviennes.

Ce matin, donc le texte est passé. On a très rapidement dit beaucoup de choses sur cet accord et sur ses points principaux (dont le fond « vert » et la REDD+). Qu’il reste insuffisant, bien sûr. Que, parce que c’est un réél compromis, il mécontente un petit peu beaucoup de personnes même s’il les satisfait presque toutes.

Mais il y en a deux autres sur lesquels je voudrais revenir.

Tout d’abord, c’est l’émergence d’une diplomatie du Sud. Alors que la présidence danoise -un pays habituellement remarqué pour ses qualités diplomatiques- avait piteusement échoué à Copenhague, c’est le Mexique qui fait preuve des talents diplomatiques nécessaires à réaliser un accord. On sait que les pays du Sud prennent très rapidement une place majeure dans les relations internationales – en particulier les BASICS (Brésil, Afrique du Sud, Inde et Chine). Aujourd’hui, à Cancun, le sud, dont fait partie le Mexique même s’il se situe dans l’hémisphère nord et appartient à l’OCDE, a montré qu’il prenait également sa place comme négociateur, comme organisateur des relations internationales. Et cela de manière exemplaire, dans l’ouverture, la transparence, le compromis.

Ensuite, c’est le succès d’une femme. Les femmes ne sont pas nécessairement plus douces, diplomates ou attentives que les hommes. Et l’échec de Copenhague tient aussi à la méthode de la présidente danoise, Connie Hedegaard. Mais Cancun doit beaucoup à Patricia Espinosa. Bien entendu, elle n’est ni la première ni la seule femme politique dans le Sud, tout particulièrement quelques jours à peine après la libération de Aung San Suu Kyi . Mais elle donnera, il faut l’espérer en tout cas, envie à toute une génération de jeunes femmes l’envie de prendre la part qui leur revient dans l’avenir de leur pays et de notre monde.

Le texte de Cancun est une étape, ce n’est que cela. Il permet de remettre en place un système de négociations multilatérales qui a paru dépassé et de relancer une dynamique dans la lutte contre le changement climatique, après un sommet de Copenhague catastrophique. Mais il n’est pas que cela. Il est aussi le signe que notre monde change peut être d’avantage qu’on ne le savait.

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