Violations des droits de l’homme à bord des bateaux de pêche illégaux

Les conditions de vie lorsqu’on est membre d’équipage sur un bateau de pêche sont difficiles et souvent dangereuses. C’est même considéré comme un des métiers les plus périlleux au monde. Mais outre les risques liés aux conditions météorologiques et aux prises en elles-mêmes, l’industrie de la pêche est le théâtre de certaines des pratiques les plus condamnables sur un lieu de travail.

Les opérations de pêche pirate, tout particulièrement, se caractérisent souvent par les pires conditions de travail qui soient et par des exactions généralisées. Les enquêtes menées par l’Environmental Justice Foundation (EJF) ont apporté la preuve que les membres d’équipage des navires de pêche illégaux travaillent dans des conditions s’apparentant à l’esclavage et sont quotidiennement exploités et victimes de mauvais traitements.

Dans un récent rapport (30 septembre 2010) intitulé « All at Sea – the Abuse of Human Rights aboard Illegal Fishing Vessels », l’EJF passe en revue les violations des droits de l’homme et démontre, documents à l’appui, comment le manque de réglementation internationale, y compris en ce qui concerne l’utilisation de pavillons de complaisance, permet aux responsables de la pêche pirate de perpétuer leurs sévices en toute impunité ou presque.

Exploitation et mauvais traitements

Parmi les terribles conditions de travail, souvent illégales, imposées aux membres d’équipage des bateaux illicites, non déclarés et non réglementés (INN), on note l’exploitation financière, des soins de santé, une alimentation et des conditions de logement déplorables, de mauvaises conditions de sécurité, des violences verbales et physiques et des cas d’incarcération et d’abandon. Les cas les plus extrêmes correspondent à la définition que l’Organisation internationale du travail donne du travail forcé et comprennent l’isolement physique, la contrainte, la rétention des papiers d’identité et le non-paiement des salaires.

Certains membres d’équipage de navires INN ont dit avoir été frappés, battus à coups de barre de métal, privés de sommeil, emprisonnés sans eau ni nourriture et forcés à continuer de travailler lorsqu’ils étaient blessés. Ces violences vont parfois même jusqu’au meurtre. Les documents de voyage sont souvent confisqués et cachés. Des cas d’abandon ont également été rapportés. Les violations en matière de salaires sont une pratique courante et se traduisent souvent par l’obligation de payer des « frais d’agence » ou le non-paiement en fin de contrat.

Il arrive que des membres d’équipage versent l’équivalent de plusieurs salaires mensuels pour acquitter ces « frais d’agence » et il y a des exemples de pêcheurs qui travaillent plusieurs années d’affilée sans être payés. Ils sont pour la plupart issus de pays en développement, sont souvent analphabètes, sont recrutés dans les campagnes où le travail est rare et n’ont aucune idée de ce qui les attend à bord d’un bateau pirate ni en mer.

Les enquêtes menées par l’EJF se sont portées sur la pêche pirate au large des côtes d’Afrique de l’Ouest, mais le problème est bel et bien international. Le rapport de l’EJF comporte en effet des études de cas émanant d’organismes comme la Fédération internationale des ouvriers du transport (FIOT) et l’United Nations Inter-Agency Project on Human Trafficking (UNIAP) qui soulignent l’exploitation de membres d’équipage travaillant sur des bateaux de pêche pirates en l’Asie du Sud-Est, dans l’océan Pacifique et l’océan Indien et même en Antarctique.

Carence internationale

Si les responsables de la pêche pirate peuvent continuer à violer les droits de l’homme, c’est parce que la communauté internationale est totalement incapable de ratifier la mise en place d’instruments permettant de garantir un minimum de sécurité et de respect du droit du travail à bord des navires.

Et quand, en plus de cela, les États du pavillon ne font pas respecter la réglementation en vigueur, les armateurs peuvent laisser leurs bateaux se détériorer jusqu’à ce qu’ils ne soient plus considérés comme en état de prendre la mer et ne pas fournir les équipements de sécurité nécessaires. Étant donné que les cadres réglementaires relatifs aux conditions de travail à bord des navires de pêche n’ont soit pas été adoptés, soit pas été ratifiés, soit pas fait l’objet d’une mise en application en bonne et due forme par la communauté internationale, il n’existe aucune législation protégeant les ouvriers sur les bateaux de pêche pirates.

L’utilisation de pavillons de complaisance par des navires de pêche INN est également considérée comme un problème important. Les États de complaisance n’ont généralement pas la possibilité et/ou pas la volonté de faire appliquer les lois relatives à la pêche et au travail sur les navires battant leur pavillon, ce qui facilite le travail des responsables de la pêche INN puisqu’ils courent moins de risques d’être repérés et sanctionnés. Tout le monde sait qu’il est facile, rapide et peu onéreux d’obtenir un pavillon de complaisance, si bien que les bateaux pirates peuvent en changer et être rebaptisés à plusieurs reprises au cours d’une saison pour échapper aux autorités. Soutenus par des sociétés-écrans, des joint-ventures et des propriétaires invisibles, les pavillons de complaisance entravent sérieusement la lutte contre la pêche INN, car il est très difficile de localiser et de punir les véritables propriétaires des navires qui pratiquent cette pêche et/ou exploitent leurs membres d’équipage.

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