Soyons ambitieux : réduisons nos émissions de gaz à effet de serre de 30% d’ici à 2020

Les efforts actuellement de?ploye?s par l’Europe pour sortir de la re?cession ne doivent pas nous faire oublier la question urgente du mode?le e?conomique que nous de?sirons construire.

Si nous ne faisons pas en sorte que la reprise e?conomique mette nos pays sur la voie d’un mode?le durable a? faibles e?missions de carbone, l’incertitude demeurera et nous devrons faire face aux cou?ts significatifs engendre?s par la volatilite? des prix de l’e?nergie et par un climat de plus en plus instable.

Pourtant, une formidable occasion s’offre a? nous: celle du renforcement de notre propre reprise e?conomique, de l’ame?lioration de notre se?curite? e?nerge?tique et de la lutte contre le changement climatique par le de?veloppement des secteurs e?nerge?tiques a? faibles e?missions de carbone et de l’exploitation de nouvelles sources d’emplois et d’exportations.

Mais l’Europe n’est pas seule. Une course mondiale vers une e?conomie durable a? faibles e?missions de carbone a commence?. Les concurrents e?conomiques de l’Europe ne sont pas en reste.

La principale question a? laquelle l’Europe est confronte?e est de savoir si elle sera capable de saisir cette occasion, en conduisant le monde dans ses efforts de cre?ation de ce nouveau mode?le a? faibles e?missions de carbone, en vue de renouer avec la croissance e?conomique.

Nous sommes convaincus qu’elle en est capable ; les incitations susceptibles de provoquer les changements requis en matie?re de mode?les d’investissement ne sont cependant pas en place.

L’objectif actuel de l’Union europe?enne (UE) visant a? une re?duction des e?missions de carbone de 20 % d’ici a? 2020 par rapport a? 1990 constitue un obstacle essentiel ; c’est un objectif qui semble en effet de?sormais insuffisant pour effectuer une transition vers un mode?le faiblement consommateur de carbone.

Apre?s tout, la re?cession elle-me?me a entrai?ne? une re?duction des niveaux d’e?missions du secteur marchand de l’UE de 11 % par rapport a? la pe?riode d’avant la crise.

Du fait en partie de cette diminution, le cours actuel du carbone est largement trop bas pour entrai?ner des investissements significatifs dans des emplois et des technologies verts.

Si nous nous en tenons a? ce taux de 20 %, l’Europe est susceptible de perdre cette course vers un mode?le a? faibles e?missions de carbone face a? des pays tels que la Chine, le Japon ou les E?tats-Unis. Ceux-ci s’efforcent en effet de cre?er un environnement plus attractif pour les investissements en adoptant des politiques de promotion des mode?les a? faibles e?missions de carbone, et en canalisant les ressources de leurs plans de relance vers des investissements dans des activite?s a? faibles e?missions de carbone.

C’est pourquoi nous sommes aujourd’hui convaincus de la ne?cessite?, pour l’UE, d’adopter un objectif de re?duction des e?missions de carbone de nature a? ve?ritablement inciter a? l’innovation et a? l’action dans le contexte international : une re?duction de 30 % d’ici a? 2020. Cela repre?senterait une ve?ritable tentative de limitation de l’augmentation de la tempe?rature mondiale a? deux degre?s – soit le seuil critique au-dela? duquel le danger climatique sera important –, en renforc?ant la de?termination de ceux qui pre?conisent de?ja? une action ambitieuse et en encourageant davantage les pays attentistes. Cela constituerait e?galement un choix e?conomique judicieux.

En adoptant un objectif plus ambitieux, non seulement l’UE influerait directement sur l’e?volution des cours du carbone d’ici a? 2020, mais elle enverrait e?galement un signal fort quant a? sa de?termination a? mettre en place un cadre politique propice a? l’e?mergence, sur le long terme, d’un mode?le a? faibles e?missions de carbone. Nous ne devons pas perdre de vue que ce sera le secteur prive? qui fournira la tre?s grande majorite? des investissements requis pour la construction de ce mode?le; le passage a? un objectif de re?duction de 30 % permettrait une certitude et une pre?visibilite? accrues pour les investisseurs.

Les entreprises europe?ennes sont de?ja? en position de tirer profit de ces nouvelles occasions. Leur part de marche? internationale actuelle s’e?le?ve a? 22 % du secteur des biens et des services faiblement consommateurs de carbone, gra?ce au ro?le de leader joue? de?s le de?but par l’Europe en matie?re de lutte contre le changement climatique. Mais le reste du monde rattrape son retard. Les engagements de Copenhague, bien que moins ambitieux qu’escompte?s, ont entrai?ne? un effort ge?ne?ralise?, en particulier en Chine, en Inde et au Japon.

Il apparai?t d’autant plus opportun de mener des actions pre?coces que cela permettrait de re?duire les cou?ts, d’apre?s les estimations. En raison de la baisse des e?missions due a? la re?cession, le cou?t annuel de la re?alisation de l’objectif de re?duction de 20 % d’ici a? 2020 a baisse? d’un tiers, passant de 70 a? 48 milliards d’euros.

Le cou?t d’un passage a? 30 % est de?sormais estime? a? 11 milliards d’euros de plus que le passage originel a? un objectif a? 20 % de re?duction, soit un surcou?t de moins de 0,1 % de la valeur de l’e?conomie de l’UE. De plus, un report de l’engagement de l’Europe comporterait un cou?t e?leve? : d’apre?s l’Agence internationale de l’e?nergie (AIE), le cou?t de chaque anne?e de retard de l’investissement dans les sources d’e?nergie a? faible e?mission serait compris entre 300 et 400 milliards d’euros au niveau mondial.

Ces cou?ts ont en outre e?te? calcule?s sur la base d’une hypothe?se prudente d’un baril de pe?trole a? 88 dollars US en 2020. Or, e?tant donne? les contraintes qui pe?sent actuellement sur les investissements axe?s sur l’offre, la croissance rapide de la consommation en Asie et les retombe?es de la mare?e noire au Golfe du Mexique, les cours du pe?trole pourraient continuer d’augmenter; selon un des sce?narios de la AIE, celui-ci pourrait atteindre le montant nominal de 130 dollars US le baril.

L’augmentation des prix du pe?trole entrai?nerait une diminution du cou?t de la re?alisation de l’objectif de re?duction des e?missions de carbone quel qu’il soit, et, selon certains sce?narios, les retombe?es e?conomiques directes de la re?alisation de l’objectif de 30 % s’ave?reraient, au bout du compte, positives. Les entreprises et les me?nages e?conomiseraient davantage, gra?ce a? une diminution de leur consommation d’e?nergie -et, par voie de conse?quence, des importations-, et cet objectif n’entrai?nerait pas de cou?ts supple?mentaires pour l’e?conomie.

Certains secteurs a? forte consommation d’e?nergie devront affronter des cou?ts plus e?leve?s que la moyenne. Nous essayons de?ja? de les prote?ger par l’allocation gratuite de quotas d’e?missions quand utile, et des mesures alternatives pourraient s’ave?rer ne?cessaires, a? terme, pour empe?cher les fuites de carbone. La ve?ritable menace a? laquelle ces secteurs sont confronte?s n’est cependant pas celle des prix du carbone mais celle de l’effondrement de la demande sur les marche?s europe?ens du ba?timent et des travaux public. Le moyen le plus su?r d’augmenter la demande des mate?riels induite par ces secteurs est de mettre en place des incitations a? l’investissement dans des infrastructures a? grande e?chelle et a? faibles e?missions de carbone -utilisateurs voraces d’acier, de ciment, d’aluminium et de produits chimiques-. Nos de?partements ministe?riels charge?s de l’industrie travaillent avec ces secteurs afin de s’assurer qu’ils ge?rent cette transition avec efficacite?, et nous nous efforc?ons de maximiser les chances de l’industrie de l’UE.

Nous devons donner a? nos entreprises la possibilite? de se de?velopper sur le plan national tout en continuant d’affronter la concurrence internationale. Le passage aux 30 % entrai?nerait au moins un doublement des marche?s a? faibles e?missions de carbone par rapport au maintien de l’objectif actuel de 20 %. L’essentiel du surplus de croissance concernerait les secteurs porteurs tels que celui des activite?s relatives aux e?conomies d’e?nergie.

Esquiver la discussion sur les 30 % nous conduirait a? un ralentissement dans notre course a? la re?duction des e?missions de carbone. Nos entreprises gagneraient une pre?cieuse avance si nous prenions rapidement les mesures ne?cessaires. C’est pourquoi nous croyons que le passage a? l’objectif d’un taux de 30 % de re?duction des e?missions est le bon choix pour l’Europe. C’est une politique favorable a? l’emploi, a? la croissance, au renforcement de la se?curite? e?nerge?tique et a? la lutte contre le risque climatique. C’est avant tout une politique pour l’avenir de l’Europe.

Tribune commune parue dans la presse européenne de la France de l’Allemagne et du Royaume uni sur l’engagement vers les 30% de réduction des émissions de carbone

de Jean-Louis BORLOO, pour la France, ministre d’E?tat, ministre de l’E?cologie, de l’E?nergie, du De?veloppement durable et de la Mer, en charge des Technologies Vertes et des Ne?gociations sur le Climat (parue dans « Le Monde » date? du 16/07/2010)

Norbert RO?TTGEN, pour l’Allemange, ministre fe?de?ral de l’Environnement,

de la Protection de la Nature et de la se?curite? nucle?aire d’Allemagne (parue dans « Frankfurter Allgemeine Zeitung »)

Chris HUHNE, ministre britannique l’Environnement (parue dans « Financial Time »)

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