Microfinance et Catastrophes Naturelles

Les catastrophes naturelles survenues ce début d’année nous rappellent qu’au-delà de la crise économique mondiale et des nombreux débats sur la viabilité de notre infrastructure financière, nous restons toujours à la merci de la nature. Un tremblement de terre meurtrier à Haïti, un autre au Chili et une tempête secouant l’ouest de l’Europe sont autant de défis que notre maîtrise technologique ne nous permet pas encore de relever. Nous devons alors nous interroger sur notre aptitude à réagir face à ces catastrophes. Nos modes d’interventions sont-ils adéquats, et permettent-ils réellement d’asseoir les fondations d’un pays ou d’une région à reconstruire ?

Une catastrophe naturelle appelle une réaction immédiate conjointe des pouvoirs publics et de la communauté internationale. Les bâtiments s’effondrent, les moyens de communication sont coupés, les infrastructures sont inutilisables ; il est donc essentiel de secourir et de reconstruire. L’aide humanitaire se met alors en branle et, à grands renforts d’images chocs relayées par les médias, mobilise les Etats et populations pour venir en aide aux sinistrés. Si cette aide est essentielle, elle reste « court termiste » et ne répond pas aux enjeux d’une reconstruction durable. Pour y pallier, elle a besoin d’outils complémentaires qui peuvent impliquer les populations locales dans leur propre renaissance. La microfinance est l’un de ces outils.

La microfinance est un instrument évolutif qui sait s’adapter au contexte pour répondre au mieux aux besoins des microentrepreneurs. Depuis la création du microcrédit et les premiers prêts accordés par Muhammad Yunus il y 30 ans à des femmes du Bangladesh, la microfinance s’est largement développée et englobe désormais de nombreux produits. La microassurance en est un exemple probant, puisqu’au-delà du traditionnel prêt à court terme d’une petite somme d’argent, elle sécurise les revenus des familles pauvres et leur octroie des garanties pour faire face aux catastrophes ou aux décès. La microfinance dispose aussi d’un réseau, plus ou moins structuré selon les pays, d’organisations locales ayant une bonne connaissance de leur région et des communautés. En s’appuyant sur ces atouts, les acteurs de la microfinance peuvent participer à la reconstruction post-catastrophe et se lancer dans l’assistance durable.

Deux options s’offrent alors aux acteurs de la microfinance qui souhaitent se lancer dans l’assistance durable. Tout d’abord, les institutions de microfinance (IMF) peuvent adopter des mesures de prévention comme un fonds d’urgence, ou structurer leur réseau afin d’anticiper les risques de propagation de la crise aux autres IMF. Ensuite, elles ont à leur disposition des moyens d’intervention pour décharger les sinistrés : rééchelonner des prêts, réviser les termes des contrats, voire, dans des cas extrêmes, accorder des prêts d’urgence. L’action des IMF doit être rapide mais ne doit pas mettre en danger leur viabilité financière. Les IMF, par leur ancrage local, peuvent suivre au plus près le rétablissement des populations.

Le Bangladesh, bénéficiaire de l’action de la microfinance après les terribles inondations de 1998, donne un parfait exemple de l’association vertueuse entre l’aide humanitaire d’urgence, et l’action pérenne de la microfinance. L’accès des microentrepreneurs aux services financiers a été déterminant dans le redressement de l’économie ; l’épargne les a sauvés de la ruine et le microcrédit a permis la relance progressive de l’activité.

La microfinance n’est toutefois pas une solution miracle, car elle possède aussi ses propres limites. Le manque de liquidités en cas de crise par exemple, bloque complètement les IMF et ne peut être résolu que par une aide d’urgence de la part de donateurs internationaux. De plus, il convient de rester vigilant et d’accompagner les IMF locales pour limiter les risques de dérives car certaines institutions pourraient abuser de la fragilité des victimes. Ces catastrophes naturelles en chaîne ouvrent néanmoins le débat sur la création de nouveaux outils d’assistance, et plus largement sur les questions de développement des pays du Sud ; la microfinance est alors une piste de réflexion des plus prometteuses, et mérite les espoirs que l’on a placé en elle.

Microfinance et Catastrophes Naturelles

par Jacques Attali, Président de PlaNet Finance

Texte courtoisie de l’auteur

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    • Jean-Pierre CANOT

    Les limites de la microfinance, l’exemple de l’agriculture.
    La microfinance tend à devenir la panacée à l’ensemble des problèmes de développement, notamment agricole, au point que tous les projets se rapportant à ce dernier ne s’articulent qu’autour du pivot central « crédit » à condition que celui–ci corresponde aux principes de la microfinance.
    […] On ne parle plus désormais en matière de développement agricole dans les pays émergents que de microprojets financés par la microfinance dérivée directement de l’initiative de Mohamad Yunus. La crise actuelle où le système bancaire tend à limiter les crédits, est l’occasion pour certains de considérer que le microcrédit est une des solutions, sinon la solution, à cette crise.
    Dans la recherche de solutions de financement pour les plus démunis que le système bancaire traditionnel maintient à l’écart de ses interventions, on oublie systématiquement le modèle coopératif qui il y a plus de cent ans apportait la réponse à l’agriculture française notamment.
    Muhammad Yunus et la Grameen Bank du Bengladesh n’ont pourtant quoi qu’on en dise rien inventé du tout, ce qui n’enlève d’ailleurs rien à leur mérite.
    La Grammeen Bank, et tous les modèles de microfinance qui en découlent, ne sont que la première étape du modèle coopératif inventé par les Babyloniens. Après l’expérience des pionniers de Rochdale ou des producteurs de micocoulier dans le Gard en France, le système a été il y a cent ans à la base des modèles européens de la coopération agricole, notamment le Crédit Agricole français, que l’on oublie systématiquement dans les programmes de développement au profit du seul modèle de Muhammad YUNUS, prix Nobel de la Paix, porté désormais aux nues.
    Le problème est que malgré tous ses mérites, le modèle mis en œuvre dans cette seule première étape, ne marche pas – à l’échelle de l’économie globale – et ne marchera jamais, pas plus d’ailleurs que les modèles coopératifs européens pris dans leur forme actuelle et que nous nous acharnons à développer en vain depuis les indépendances.
    Il faut pour mobiliser le maximum de ressource bancaire vers le secteur agricole sous forme de prêts, bancariser les populations rurales de façon à ce que tous les flux financiers résultant de leur activité – essentielle dans les pays en développement, il s’agit du secteur primaire – restent dans ce secteur et ne s’évadent pas vers la banque commerciale. Celle–ci dans la meilleure des hypothèses fera semblant d’aider l’agriculture en avançant des fonds aux organismes de microfinance qu’elle crée la plupart du temps sous forme de filiales.
    […]

    Jean-Pierre Canot, Extraits de « Apprends-nous plutôt à pêcher ! » : http://lafrancetoutfoutlecamp.blogspot.com/
    http://ah-la-microfinance.blogspot.com/
    http://reviensilssontdevenusfous.blogspot.com/