Pesticides : quels risques ?

Quelles sont les activités de l’UIPP ?

L’UIPP, l’Union des Industries de la Protection des Plantes, est une organisation professionnelle très ancienne, créée en 1918, qui a pour mission […] d’assurer la promotion et la défense des métiers de la protection des plantes, pour ses 19 adhérents qui sont des sociétés qui inventent, développent et mettent en marché les produits phytopharmaceutiques : « phyto » pour plantes et « pharmaceutiques » pour médicaments, donc les médicaments pour les plantes.

Ces « pesticides » sont avant tout utiles pour l’agriculteur ou le jardinier pour se débarrasser des agresseurs que sont les mauvaises herbes, les insectes ou les maladies.

Quels sont les risques des pesticides sur la santé ?

Aujourd’hui il n’y a aucune preuve qui permette de faire une corrélation certaine entre l’apparition de certaines maladies et l’exposition aux produits phytopharmaceutiques. Ce qui est vrai c’est que certaines publications scientifiques ont mis en évidence dans des conditions précises, en général dans des études sur cellules en laboratoire, un certain nombre de choses qui interrogeaient le citoyen, les médias…

Nous participons à des études épidémiologiques, avec l’INSERM en particulier, pour mieux connaître l’effet à long terme des produits sur la santé, que ce soit sous l’angle cancer ou celui de la fertilité masculine. Lorsque l’on fait la synthèse de plus de 1000 études qui ont été réalisées au niveau international sur les aspects touchant à la cancérologie, il est aujourd’hui impossible de mettre une corrélation entre produit et apparition de certaines maladies.

Comme vous le savez, les méthodes d’analyses évoluent. On est aujourd’hui capable de déceler des traces infimes de produits, soit dans l’eau, soit dans l’air, ce qui explique les publications récentes qui mettent en évidence des traces de produits phytopharmaceutiques. Mais si l’on prend l’exemple des produits (phytopharmaceutiques) retrouvés dans l’eau, comme le précise l’avant-dernier rapport IFEN, 98% des échantillons prélevés étaient conformes à la réglementation européenne. Je crois qu’il s’agit d’un point important pour le consommateur : présence ne signifie pas risque. Bien entendu, il faut rester dans la norme réglementaire […].

Selon la FAO, l’agriculture biologique pourrait subvenir aux besoins alimentaires de la planète…

A l’UIPP, nous ne partageons pas les analyses qui consistent à dire que nous pouvons nourrir la planète à partir de l’agriculture biologique. Je crois que plusieurs expériences, en particulier dans les pays qui ont déjà une certaine maîtrise de l’agriculture, montrent que l’agriculture biologique peut seulement répondre aux besoins de 2 à 10% de la population.

Il est donc aujourd’hui totalement utopique d’imaginer que l’on puisse nourrir la planète à partir de l’agriculture biologique, sachant que les études qui ont été faites sur certaines productions montrent que les mauvaises herbes, les insectes, les maladies peuvent être responsables de 40 à 50% de baisse de rendements. On ne voit donc pas comment on pourrait, à partir de l’agriculture biologique, être capable de répondre aux besoins alimentaires, d’ailleurs en croissance, de la planète.

[…]

Il est évident qu’à certaines périodes, on a demandé aux agriculteurs de produire plus, toujours plus et donc on est passé dans des phases d’agriculture intensive avec un certain nombre de conséquences négatives au niveau environnemental, qu’il a fallu modifier.

A partir des années 70/80 le concept de l’agriculture raisonnée s’est développé ; on peut le pousser un peu plus loin pour aller vers l’agriculture intégrée, qui est la démarche préalable à l’agriculture biologique. Mais aujourd’hui, si l’on souhaite concilier économique, environnement et social, nous pensons que l’agriculture raisonnée est la voie qui permet d’atteindre ces objectifs.

Les actions initiées par l’UIPP.

ADIVALOR est une société qui a été créée en 2001 à l’initiative de l’UIPP : elle fédère les agriculteurs, les distributeurs et les adhérents de l’UIPP. Elle a pour objectif de collecter et détruire les emballages vides de produits phytopharmaceutiques ainsi que les PPNU (Produits Phytosanitaires Non Utilisables, les stocks historiques qui n’ont pu être utilisés dans le temps). Dans une démarche responsable, il fallait que nous gérions ces stocks pour éviter toute contamination ou impact environnemental. Nous avons mis en place un procédé de destruction qui a été validé par l’ADEME (Agence de développement et de Maîtrise de l’Energie). Nous avons travaillé avec le Ministère de l’Ecologie. Ce dispositif est aujourd’hui très opérationnel, reconnu et constitue un peu un modèle dans le monde de l’agriculture, en tant que structure de collecte des déchets.

Deuxième initiative importante dans le domaine des bonnes pratiques, c’est ce que l’on appelle les études de bassins versants. Un bassin versant est une petite vallée dans laquelle il y a des agriculteurs, des parcs, des jardins, des collectivités. A partir d’un diagnostique des pratiques, soit des agriculteurs, soit des conseillers, soit des espaces verts, on identifie celles qu’ils faut changer et améliorer, de manière à minimiser l’impact des traitements au niveau environnemental ou santé humaine. Ceci passe par le réglage des pulvérisateurs, la mise en place de bandes enherbées, on évite de traiter au dessus des cours d’eau… C’est le bon sens et les bonnes pratiques, appliqués aux produits phytosanitaires.

Les enjeux de l’UIPP.

Les enjeux pour l’UIPP sont de plusieurs ordres. Le premier est un enjeu d’acceptabilité social. Aujourd’hui, le « grand public » n’a pas conscience de l’utilité de nos produits. Ils sont utilisés soit par l’agriculteur, soit par le jardinier pour un usage bien spécifique, une utilité agronomique. Or aujourd’hui le consommateur ne parle des produits phytopharmaceutiques que sous l’angle des risques […].

Il y a un gros travail qui est réalisé dans ce domaine : nos produits sont parmi les plus réglementés au niveau de l’industrie et en conséquence cette crainte ou ces peurs sur notre secteur d’activités ne devraient pas exister. Le deuxième enjeu est d’ordre réglementaire. Notre secteur, qui pourtant est déjà extrêmement réglementé, continue d’être sous pression réglementaire. Nous souhaitons la mise en place de législations qui soient basées sur la science, qui soient prédictibles, et qui fassent bien la part des choses entre l’utilité et les risques afin de prendre des décisions qui soient basées sur des données scientifiques et non pas par application abusive du principe de précaution.

Jean Charles BOCQUET (Interview de Claire Ciangura).

NaturaVox – Septembre 2007

Un commentaire

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    • B. Ledroit

    Pesticides quels risques ?
    À propos du rapport parlementaire «Pesticides et santé» du 29 avril 2010 de l’ OFFICE PARLEMENTAIRE D’ÉVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
    Ce rapport se réfère aux conclusions des Académies de Médecine et d’Agriculture avec la participation des professeurs Aurengo, Tubiana et Boffetta, soutenant le très faible lien entre Cancer et Environnement. Rappelons que le 13/09/2007 les médias énonçaient les résultats d’un rapport datant des années 2002 présenté en 3 versions.
    dont un dossier de presse aux conclusions discutables.

    Orienté sur les causes avérées, le rapport élude à la connaissance du public l’essentiel de celles qui ne le sont pas (causes non avérées 75 %). Le mode de présentation des chiffres est critiquable sur le plan mathématique, car un décès peut être comptabilisé 2 ou 3 fois. S’il s’agit par exemple des patients obèses, fumant et buvant ayant succombé à un cancer… Conscients de cette «ambiguïté» les auteurs durent surcharger les histogrammes de la mention suivante :
     » les pourcentages annoncés ne s’additionnent pas « .
    L’interprétation destinée au grand public est douteuse. La cause chimique passe pour être
    négligeable (moins de 1 %). Son expression réelle, non expliquée, est écartée au rang des «causes non avérées».
    On annonce essentiellement que les causes sont imputables aux risques comportementaux (tabac, alcool, hormones). Il est navrant de confondre les causes environnementales avec des postures comportementales culpabilisantes. C’est ainsi que l’obésité, le manque d’exercice, passeront pour des “causes”, tandis qu’il ne s’agit que des facteurs favorisants. À la lecture de ce rapport, la cause chimique sera contestée ; par ceux-là mêmes qui en tirent un profit lucratif, laissant à la charge des autres les dépenses de santé.

    Ce n’est qu’en octobre 2008 que le courrier International publiera une note sur les anomalies mathématiques constatées :
    « Les chercheurs doivent faire de gros progrès en calcul »

    Le rapport « Pesticides et santé » est d’un intérêt certain pour la Nouvelle-Calédonie si l’on se réfère aux propos des professeurs Aurengo, Tubiana et Boffetta (Pages 61-62) :
    « Les pesticides font l’objet d’une réglementation particulièrement stricte au niveau européen, la directive 91/414 réglemente la mise sur le marché des pesticides à usage agricole. Depuis 1991 date de mise en œuvre de cette directive, près de la moitié des substances actives, en particulier les plus dangereuses, ont été retirées du marché. Il demeure néanmoins que les agriculteurs peuvent être exposés de manière significative et développer des intoxications ».

    Ce sont précisément de telles substances qu’il faudrait interdire en Nouvelle-Calédonie.

    Les préoccupations du consommateur
    Que peut-il consommer sans crainte ? Que penser des études scientifiques ?

    1) Des fruits et des légumes 5 fois par jour, peut-on les consommer sans crainte ?
    La consommation de légumes n’est pas la cause des cancers. Mais il y a lieu de se préoccuper des pesticides qu’ils peuvent véhiculer. On utilisait autrefois des molécules à toxicité aigüe, provoquant des réactions violentes. Aujourd’hui leur action est lente et insidieuse. La molécule étrangère est capable de pénétrer un organisme de s’y installer et d’agir selon l’opportunité.
    Il faut donc raisonner en terme de probabilités et non de fatalité. Les agressions naturelles sont quotidiennes, qu?elles soient chimiques, physiques (radiations), biologique (virus), l’homme peut en ajouter (pesticides). Un organisme en bonne santé saura réagir sauf s?il se fragilise ou est trop sollicité (fœtus, enfant, vieillard, malade).

    2) Quelle démarche scientifique permet de tolérer des « résidus » dans nos assiettes ?
    Ce sont le plus souvent les estimations épidémiologiques qui attirent l’attention des chercheurs sur les causes suspectées de cancers. Ces études ne constituent qu’une étape qui doit être validée par les biologistes dont la mission revient à expliquer le mécanisme de cancérisation. Il est un fait certain que ces derniers incriminent des molécules dont les effets délétères impliquent des relations de dose, de fréquence et de répétitions. Ces données constituent un outil permettant de calculer la prise de risque à sa valeur minimale, durant la vie du consommateur lambda. C’est ainsi que sont définies les Limites Maximales de Résidus tolérées dans l’alimentation.
    Exemple de démarches épidémiologiques aux conclusions discutables…

    • Le cancer de la prostate : Une étude, publiée dans la revue “International Journal of Oncology”, montre un lien possible entre l’exposition à certains pesticides et le cancer de la prostate aux Antilles. Les courbes d’augmentation des cancers de la prostate divergent entre la France métropolitaine et les Antilles françaises depuis l’année 1983. L’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) explique que : ‹‹ la plus grande fréquence du cancer de la prostate en Martinique par rapport à la métropole pourrait être due à l’origine ethnique de la population ››. Cette explication ne vaut pas pour les taux de cancer de la prostate en Nouvelle-Calédonie. Où l’incidence est prédominante chez les sujets d’origine métropolitaine. Notons qu’une cause pathologique non environnementale (héritée) ne se maintient dans une population qu’à la faveur de circonstances « exceptionnelles ». En effet, les facteurs génétiques non favorables sont en principe éliminés naturellement au fil des générations. Il est parfois aisé de confondre les causes environnementales avec des postures comportementales culpabilisantes. Par exemple : l’obésité, le manque d’exercice, qui passent pour être des “causes”, ne sont que des facteurs favorisants. La cause chimique bien qu’avérée reste contestée ; par ceux-là mêmes qui en tirent un profit lucratif, laissant à la charge des autres les dépenses de santé.

    • A Nouméa des pesticides sur les fraises : Les écologistes ont dénoncé l’abus de pesticides retrouvés sur des fraises (5 substances). Telle que la carbendazime représentant un risque sérieux durant la grossesse. Les autorités répliquèrent de la façon suivante : ‹‹ Quand on met en danger la vie d’une entreprise, on se doit d’être prudent… ››.
    La Nouvelle-Calédonie ne s’explique pas la cause de ses records mondiaux sur le plan de la mauvaise santé (cancer de la thyroïde). L’incrimination des molécules chimiques étant
    systématiquement éludée sous le prétexte que de telles causes ne seraient pas avérées. Elle serait bien inspirée en préconisant le suivi médical des sujets à risque comme le préconise l’INVS en Martinique. Par exemple, le dosage de molécules xénobiotiques dans le sang et les phanères témoignerait de la volonté de résoudre ce problème.

    3) Quelle est la cause des cancers ?
    Le processus de cancérisation doit suivre un chemin correspondant à la levée des contrôles cellulaires portant sur plusieurs gènes. Il faut donc du temps pour que les cellules cumulent ces mutations. L’âge est un facteur prédisposant, mais ce n’est pas une cause. Les facteurs dits comportementaux culpabilisants (obésité, sédentarité) ne sont pas des causes, mais des postures propices à la mise en relation avec une cause. Quelles sont-elles ?
    On sait que plus de 80 % des cancers ont une source non génétique (Kanavos 2006) c’est-à-dire qu’ils sont occasionnés par des facteurs environnementaux qui peuvent altérer soit les cellules souches, soit les mécanismes de contrôle. La cause chimique est la première qui fut évoquée, elle reste difficile à mettre en évidence (à l’exception du tabac).

    – Katsusaburo en 1915 testant le goudron à dose très faible sur 137 lapins dut attendre 1 an pour constater que 7 d’entre eux avaient développé une tumeur.
    – Bruce Ames a mis au point en 1975 un test qui permet de définir une substance mutagène. Des bactéries mutantes incapables d’assimiler l’histidine (un acide aminé) sont mises en présence d’une substance à tester. Cette dernière sera considérée comme “mutagène” si elle est capable de produire la mutation inverse en rendant aux bactéries la possibilité de se développer.
    – Robert Bellé en 2007 utilise les gamètes d’oursin. Même si l’oursin ne développe pas de cancer son particularisme permet de suivre les étapes biochimiques relatives aux points de contrôle de l’ADN endommagé. Ce modèle permet de tester la toxicité potentielle à très faible dose et à long terme d’une molécule (un pesticide), c’est-à-dire sa toxicité chronique.

    La dose ne fait pas le poison
    La notion de Valeur Toxicologique de Référence (VTR) est une notion comparable à la LMR avec une approche rejetant la notion de seuil pour les produits potentiellement cancérigènes ou mutagènes. Il est admis que ces molécules et quelque soit la dose, peuvent induire un cancer ou un dérèglement irréversible de la multiplication cellulaire. C’est ainsi qu’en Belgique la LMR est fixée à zéro pour tout aliment destiné aux enfants.
    La notion de LMR (dans l’assiette) est une notion pernicieuse, quand elle se réfère à des seuils que l’on fixe arbitrairement, sans tenir compte du contexte culturel, social, environnemental. Les habitudes alimentaires peuvent varier d’un facteur de 1 à 10 et davantage, par exemple pour la consommation du riz. Les nourrissons, enfants et femmes enceintes présentent un risque accru avec des conséquences parfois irréversibles…
    Bernard Ledroit