Des récoltes de poissons stables mais menacées

Les pisciculteurs et les flottes de pêche mondiales ont attrapé 132,5 millions de tonnes de poissons et fruits de mer en 2003 (dernières informations en date disponibles), valeur légèrement inférieure au record de 133 millions en 2002 (…).

La quantité mondiale de poissons et fruits de mer disponibles par personne a légèrement reculé, passant de 21,5 kg en 2000 à 21 kg actuellement (…). Le stock mondial de poissons a été gonflé par l’augmentation de la production halieutique, puisque les récoltes sauvages en provenance des rivières, lacs, baies et océans ont chuté de 81,4 millions de tonnes en 2002 à 77,7 millions en 2003.

En fait, l’écart entre la pêche sauvage et la pêche d’élevage continue de se rétrécir. Depuis 1997, les récoltes sauvages ont chuté de 13 % par rapport au pic de 87 millions de tonnes, alors que la pêche issues de la pisciculture a augmenté de plus de 50 %, passant de 35,8 millions de tonnes à 54,8.

À l’échelle mondiale, la pêche est fortement concentrée à tout point de vue. D’après les estimations, sur les 30 000 espèces de poissons existantes, seulement 1 000 sont consommées par les hommes, et seules quelques espèces de poissons constituent la grande partie de la prise.

Par exemple, le lieu jaune d’Alaska, l’anchois du Pérou, le thon bleu de l’Atlantique et le maquereau du Chili représentent environ 13 % des prises sauvages mondiales (soit approximativement 11 millions de tonnes). Moins de 10 espèces, principalement les carpes, les loups de mer, les tilapias et le saumon, dominent l’aquaculture mondiale.

Par ailleurs, seuls sept pays se partagent près de deux tiers du tonnage total pêché : la Chine (47,3 millions de tonnes), le Pérou (6,1 millions), l’Inde (5,9 millions), l’Indonésie (5,7 millions), les États-Unis et le Japon (5,5 millions chacun) et le Chili (4,2 millions).

Dans les pays en développement, les trois quarts du tonnage péché sont des poissons sauvages. Les habitants de ces pays, très nombreux, consomment la majorité des stocks de poissons mondiaux, bien que par personne, cette consommation se révèle en moyenne plus faible que dans les pays développés (24 kg par an et par personne dans ces derniers contre 14,5 kg dans les pays en développement).

Pour presque 1 milliard de personnes, principalement en Asie, le poisson fournit 30 % de leurs sources de protéines contre seulement 6 % à l’échelle mondiale. Le commerce des produits de la mer s’est considérablement développé au cours de ces dernières décennies, notamment grâce aux progrès des systèmes de réfrigération des bateaux et à la rapidité des transports. Depuis 1961, le volume échangé a été multiplié par quatre pour s’élever à 26,8 millions de tonnes, alors que sa valeur marchande a été multipliée par neuf pour atteindre 61 milliards de dollars en 2005. Les industries du poisson ont exporté 10,8 millions de tonnes de poissons surgelés en 2001, quantité plus de 22 fois supérieure à celle de 1961 ; les crevettes et les calamars enregistrant une croissance rapide.

Alors que les experts de la pêche n’ont cessé d’affirmer que les réserves mondiales de poissons s’appauvrissaient dans les océans, des études récentes indiquent que les poissons d’eau douce, qui représentent 8,7 millions de tonnes sans compter la pisciculture et la pêche sportive, rejoignent les poissons de mer en tant qu’espèces menacées par la surpêche, la pollution et la destruction des habitats.

Les grandes espèces telles que le loup de mer du Mékong, le cabillaud du Murray ou l’esturgeon des Grands Lacs sont menacées d’extinction. La quantité des prises s’accroît même dans les pays en développement tels que l’Inde, le Bangladesh, l’Égypte, la Tanzanie et l’Ouganda, qui dépendent fortement des espèces d’eau douce, sources d’alimentation et d’emploi, même si la taille et la quantité des poissons diminuent et que d’autres sources montrent que l’écosystème est perturbé.

Toutefois, les grands chefs et amateurs de poissons tentent d’encourager le développement de pratiques de pêche plus adaptées afin d’éviter les extinctions d’espèces. Par exemple, les vives réactions du public fin 2004 ont permis d’interdire la vente de soupe d’aileron de requin dans des lieux célèbres de Hong Kong, tels que l’université principale et le parc d’attraction Disney. Les requins, dont le nombre a chuté de 70 % à l’échelle mondiale, sont particulièrement recherchés pour leurs ailerons qui peuvent se vendre jusqu’à 700 dollars le kilo et qui constituent l’ingrédient principal de cette soupe tant prisée par les populations chinoises du monde entier.

L’établissement de réserves marines à grande échelle (zones où la pêche est interdite pour que les poissons puissent se reproduire et grandir en toute liberté) est une stratégie plus ambitieuse qui permettrait de reconstituer les réserves mondiales de poissons.

Des études ont prouvé que les populations de poissons se reconstruisent rapidement dans ces réserves. Elles ont également montré que les prises de poissons dans les zones proches et la taille des poissons avaient augmenté de façon spectaculaire depuis que ces réserves avaient été installées. Une étude récente a estimé que l’implantation de telles réserves à échelle mondiale coûterait entre 5 et 19 milliards de dollars par an et créerait 1 million d’emplois.

Brian HALWEIL

Vital signs, 2006-2007. Worldwatch Institute.

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