Les coraux sains sont les plus fortement touchés par la hausse des températures

CHAPEL HILL – Selon les chercheurs de l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill, les maladies coralliennes touchent plus fortement les colonies les plus saines de la Grande Barrière de corail. En effet, la proximité entre les coraux permettrait aux épidémies de se répandre plus facilement.

Bien qu’elles soient liées à la hausse des températures, les maladies coralliennes restent imprévisibles à cause de leurs étonnantes variations entre les années et les lieux. Une équipe internationale de chercheurs, dirigée par l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill, a suivi la trace d’une infection, le blanchiment des coraux, sur 48 récifs de la côte australienne. Cette étude a été menée sur plus de 1.500 kilomètres de la Grande Barrière de corail pendant six ans. Bien que la hausse des températures ait été le facteur déclencheur de la maladie, l’équipe a découvert un lien étroit entre le syndrome du blanchiment et la couverture corallienne qui permet de mesurer l’état de santé des récifs.

L’étude a révélé que les récifs à plus forte couverture corallienne, lorsque celle-ci représente plus de 50% du fond océanique, avaient connu des irruptions majeures après des années de forte chaleur. La maladie était généralement absente sur les récifs à faible couverture corallienne.

Comprendre les causes de l’apparition des maladies permettra aux écologistes de protéger les coraux qui sont le fondement des récifs. Ils abritent en effet les espèces marines destinées au commerce et assurent la protection des lagunes côtières. « De plus en plus d’espèces de coraux sont touchées par de nouvelles maladies chaque année. Ces maladies mènent à la perte globale des coraux qui forment les récifs et au déclin d’autres espèces importantes dépendantes des récifs« , a déclaré l’auteur en chef de l’étude, John Bruno, titulaire d’un doctorat et professeur-assistant en écologie et en conservation marine de la Faculté de sciences et d’art de l’université de Caroline du Nord. « Nous nous sommes pendant longtemps doutés que le changement climatique était à l’origine des maladies. Les résultats de notre étude suggèrent que la hausse des températures océaniques accroît le degré de gravité des maladies« , a-t-il ajouté.

Les résultats ont été publiés le 8 mai 2007 sur la revue en ligne PLos Biology. Cette étude est l’une des plus étendues et des plus longues jamais réalisées sur la température des océans et les maladies coralliennes. Qui plus est, c’est la première étude à démontrer de manière concluante qu’il existe bel et bien un lien entre la gravité des maladies et la température des océans, comme l’a affirmé John Bruno.

Les colonies bigarrées de coraux de la Grande Barrière qui attirent tant les touristes vivent au sommet de squelettes calcaires élaborés à partir des sécrétions de carbonate de calcium produites par chaque corail ou polype. Les polypes fournissent la structure du corail, mais ce sont les algues symbiotiques unicellulaires vivant dans les cellules du polype qui donnent au corail sa couleur vive. Les algues apportent au polype la nourriture dont il a besoin pour survivre. Lorsqu’une maladie ou des conditions environnementales stressantes frappent une colonie corallienne, les polypes rejettent leurs algues. La perte de ces algues entraîne le blanchiment du corail.

Au cours de l’étude, les chercheurs ont suivi la trace des récifs sujets au blanchiment, l’épidémie qui frappe les coraux à l’origine de la formation des récifs du Pacifique. La maladie se traduit par la formation d’une bande blanche ou par l’apparition de squelettes de coraux dénudés s’étendant à toute la colonie au fur et à mesure que la maladie progresse. (Le blanc n’est pas l’unique couleur des coraux malades, d’autres syndromes s’expriment sous forme de bandes noires, de taches jaunes ou encore de points sombres.)

Les scientifiques de l’Institut Australien des Sciences Marines ont chaque année appliqué sur ces mêmes récifs les méthodes épidémiologiques semblables à celles destinées aux hommes. Ils ont découvert la présence de la maladie sur ces récifs dès le commencement de l’étude, c’est-à-dire en 1998. Toutefois, la fréquence du syndrome a été multipliée par 20 en 2002 après une forte chaleur estivale. La température de la surface de l’eau a été contrôlée sur chaque site en faisant appel aux satellites de l’agence américaine responsable de l’étude de l’océan et de l’atmosphère, la NOAA.

Selon John Bruno, même lors du pic de la maladie en 2002, la fréquence du syndrome s’est révélée extrêmement variable selon les récifs. Aucun cas de maladie n’a été enregistré sur les 45% de récifs à faible couverture corallienne. En revanche, 88% des récifs ayant un taux de couverture élevé enregistraient au moins un cas de maladie par colonie. Le syndrome du blanchiment a plus fortement touché les récifs à couverture corallienne élevée situés dans les eaux les plus chaudes. La plupart des irruptions de maladie se sont produites dans les îles Cooktown/Lizard ainsi que dans le secteur des Capricorn Bunkers de la Grande Barrière de corail, qui comptent parmi les récifs les plus sains du Pacifique, selon John Bruno.

L’étude a également révélé que le stress causé par la hausse anormale des températures est nécessaire, mais n’est pas suffisant pour le déclenchement de la maladie. La couverture corallienne doit également être élevée. « Il faut compter un seuil de couverture corallienne d’environ 50% pour que la maladie se déclenche » affirme M. Bruno.

« La forte couverture en coraux pourrait faciliter l’expansion de l’infection de différentes manières, explique-t-il. L’abondance pourrait accroître les vecteurs de maladie, tels que les poissons, ou bien engendrer plus de compétition. En effet, les polypes coralliens se battent entre eux via des tentacules et des filaments digestifs qui provoquent des lésions et endommagent les tissus, permettant à l’infection de s’immiscer à l’intérieur des cellules. Qui plus est, la proximité existant entre les colonies de coraux pourrait faciliter l’expansion de la maladie.« 

La recherche a en partie été financée par des subventions de la National Science Foundation (une agence gouvernementale indépendante des États-Unis), de l’agence de protection environnementale STAR des États-Unis, du programme de conservation des récifs coralliens de la NOAA, de l’Institut Australien des Sciences Marines et de l’université de Caroline du Nord à Chapel Hill.

« L’étude a permis de développer des méthodes fiables destinées à démontrer que les températures élevées ont été l’un des principaux facteurs du déclenchement de la maladie. Ces méthodes vont également être utilisées pour étudier l’influence du climat sur les irruptions de maladies dans d’autres régions du monde,  » a déclaré Drew Harvell, titulaire d’un doctorat, professeur d’écologie et de biologie évolutive de l’université de Cornell et co-auteur de l’étude. Les travaux de Drew Harvell ont été soutenus par le Programme de préservation du corail du Fonds pour l’environnement mondial. Ce programme développe de nouvelles méthodes scientifiques destinées à améliorer l’étude du climat et des influences locales sur la durabilité des coraux.

Les co-auteurs de cette étude sont Elizabeth Selig, diplômée en écologie à la Faculté de sciences et d’art, Kenneth Casey, du centre national des données océanographiques de la NOAA, Cathie Page et Bette Willis, du centre d’excellence sur l’étude des massifs coralliens (ARC) et de l’école de marine et de biologie tropicale de l’université James Cook à Townsville en Australie, C. Drew Harvell, de l’université de Cornell, Hugh Sweatman, de l’Institut Australien des Sciences Marines à Townsville en Australie et Amy Melendy du département d’épidémiologie de la section santé publique de l’université de Caroline du Nord.

Healthy reefs hit hardest by warmer temperatures

Dr John BRUNO

Université de Californie du Nord à Chapel Hill

7 mai 2007

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