La poussière retourne à la poussière

Elle s’infiltre partout… dans les yeux, le nez, au plus profond des poumons. Quand les conditions le permettent, la poussière se laisse emporter par le vent et fait le tour du monde. En avril cette année, dans les alpes suisses, des skieurs ont pu faire le tragique constat de cette mobilité quand 80.000 tonnes de sable fin se sont abattues sur Genève et les stations de Zermatt et Verbier, donnant à la neige une couleur brun rouge. Ce sable arrivait du Sahara nord-africain, distant de milliers de kilomètres.

Cette extraordinaire mobilité fait de la poussière une formidable source de pollution. Le mois dernier, les Nations Unies ont attiré l’attention du monde sur le nuage marron au-dessus de l’Asie, un mélange nocif de particules et de gaz issu des incendies de forêts, des pots d’échappement et de millions de petits fourneaux inefficaces carburant au bois et aux déjections animales. Une forme de pollution dont on pense qu’elle tue plusieurs milliers de personnes par an dans la région et qu’elle affecte le climat.

On réunit sous le terme « particules en suspension« , communément appelées « particules fines », la poussière et autres particules en suspension dans l’air qui ont des tailles et des compositions étonnamment variées, depuis celles, minuscules, de carburant partiellement brûlé qui sortent des pots d’échappement de voitures, bus et autres camions, jusqu’aux énormes, en comparaison, grains de pollen en passant par la poussière de roche issue des carrières et les résidus de suie dites « cendres volantes » issues de la combustion du charbon. Certaines particules fines sont simplement pénibles, comme les films de poussière rouge – également en provenance du Sahara – que les londoniens trouvent parfois sur leur pare-brise. D’autres sont tout bonnement dangereuses.

Ces dix dernières années, les médecins ont observé avec une inquiétude grandissante comment les plus petites particules affectent la santé. Elles sont probablement responsables de près de 10.000 morts prématurées par an en Grande-Bretagne. Les personnes atteintes de maladies des poumons et du cœur sont les plus vulnérables. Quand on les respire, les poussières fines s’infiltrent jusqu’au fond des poumons, exacerbant l’inflammation des affections respiratoires et allant jusqu’à provoquer des crises cardiaques chez les personnes souffrant de problèmes cardiovasculaires.

Il est bien connu que, dans les années 50, Londres a connu des nuages de pollution, mélanges toxiques de fumée et de brouillard (smoke et fog = smog) issue des centrales électriques au charbon et des feux domestiques, dont on pense qu’ils ont causé la mort d’au moins 4.000 personnes. Plus récemment, en 1991, le nombres de morts causées par les maladies respiratoires, dans cette même ville, a connu une hausse de 22% lors d’une période de quatre jours de « smog« . On ne peut choisir l’air que l’on respire. Il est vital qu’il reste respirable. […]

Grâce à des instruments toujours plus sophistiqués, on peut surveiller des particules de plus en plus fines. Cela a contribué à détourner la recherche des plus grosses particules comme celles qui gravitent autour d’un chantier et salissent le linge ou les fenêtres avoisinantes mais ne constituent pas un risque pour la santé, vers les particules microscopiques qui, elles, sont dangereuses.

Les particules fines sont complexes. Elles peuvent être constituées de plusieurs matériaux. Le pollen enrobé de diesel constitue une concoction particulièrement toxique. Certaines sont sous forme d’aérosol, c’est-à-dire de minuscules gouttes en suspension dans l’air issues des vagues et bulles qui éclatent en mer, des fumées industrielles ou dégagées par des surfaces brûlantes voire même des feux et des cuisinières électriques. Les particules solides vont du gravier des carrières et des chantiers à la suie contenue dans les fumées rejetées par les cheminées industrielles et les pots d’échappement.

Cette diversité est un cauchemar pour les scientifiques qui tentent de comprendre le comportement de ces particules dans l’atmosphère, ainsi que pour ceux qui évaluent la pollution de l’air. Chaque type se comporte différemment et a un effet différent sur la santé. […]

Viennent ensuite les innombrables particules secondaires qui se forment dans l’atmosphère. Un gaz comme le SO2 s’oxyde dans l’atmosphère pour former des composés tels que le sulfate d’ammonium et l’acide sulfurique. L’oxyde d’azote blanc se transforme en sels et en nitrates d’ammonium. Les particules secondaires ont généralement un diamètre de 10 micromètres (millièmes de millimètre). Certaines sont issues de sources de combustion comme les véhicules, mais la plupart sont naturelles. On estime à 2 milliards de tonnes par an la quantité de particules secondaires naturelles qui se forment dans l’atmosphère, ce qui est énorme comparé aux 300 millions de tonnes que nous produisons.

C’est simple, ce sont des sources naturelles qu’émanent la plus grosse quantité de particules en suspension dans l’air. Elles en émettent 10 fois plus que les humains. Ce n’est pas forcément un problème. Les particules naturelles comme les poussières minérales sont souvent inertes et l’on pense qu’elles affectent moins la santé. Les particules les plus dangereuses sont les plus fines, or c’est nous qui les produisons quasiment toutes.

En définitive, nous, les hommes, pouvons donc exercer un certain contrôle sur l’ampleur de notre impact sur l’environnement et essayer de limiter les dégâts.

Qu’est-ce qui rend les plus petites particules si dangereuses? En général, les particules dont le diamètre dépasse 10 micromètres se déposent dans le nez et la gorge qui sont bien protégés par le mucus. Celles mesurant entre 4 et 10 micromètres de diamètre sont piégées par le mucus qui tapisse les voies respiratoires et qui est constamment repoussé par des milliards d’infimes poils vers la bouche où il est avalé. Par contre, les particules de moins de 4 micromètres de diamètre sont à même d’atteindre les surfaces non protégées d’échange gazeux des poches microscopiques appelées alvéoles (voir la figure).

On ne sait pas encore exactement pourquoi les gens souffrant de maladies pulmonaires et cardiovasculaires y sont si sensibles. Chez les asthmatiques, par exemple, la poussière tend à exacerber l’inflammation des poumons. Après une longue exposition, les mastocytes du système immunitaire dans l’épithélium des bronchioles deviennent sensibles aux particules. Si l’exposition est prolongée, ces cellules libèrent de l’histamine et d’autres médiateurs d’inflammation.

L’histamine fait se contracter les muscles lisses qui tapissent les voies respiratoires, rétrécit les canaux et stimule la production de mucus. Il dilate les capillaires et les rend plus perméables, ce qui provoque un gonflement des tissus, c’est-à-dire un œdème.

Dust to Dust John MEREFIELD

New Scientist – 21 septembre 2002

© New Scientist, Reed Business Information

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