1001 Fontaines pour demain: Une histoire d’eau

Dans le village voisin, Sovana attend patiemment le passage de la charrette de « Teuk saat » (eau propre en khmer). Depuis deux ans, une petite station de production d’eau potable a vu le jour à Anlong Tamei, dans le nord ouest cambodgien. Avant, la jeune femme faisait boire à sa famille l’eau boueuse de la mare. Aujourd’hui, malgré un salaire dérisoire, Sovana peut se faire livrer à domicile des bonbonnes de vingt litres. De l’eau de boisson parfaitement saine qui préservera ses enfants de nombreuses infections – choléra, colibacilloses, typhoïde ou violentes diarrhées- et leur évitera de manquer trop souvent l’école. Ou de mourir. Grâce à ce service désormais accessible aux communautés rurales, finis les maladies liées à la consommation d’eau insalubre et les dépenses ruineuses en médicaments. Sovana remercie tous les jours le ciel de bénéficier de cet accès à l’eau potable.

Aujourd’hui dans le monde, 1,2 milliards d’individus n’ont pas cette chance. Contraints de boire l’eau souillée des mares, des rivières et des lacs pollués, 4000 enfants de moins de 5 ans meurent chaque jour de maladie d’origine hydrique, ces sources présentant un taux élevé de contamination organique, souvent d’origine fécale (déjections humaines et animales). Pour Virginie Legrand, Chay Lo et François Jaquenoud, ces injustices sont intolérables. Un soir, lors d’un dîner entre amis passé à « refaire le monde », ils se promettent de trouver ensemble une solution pour lutter contre ces inégalités, et donner accès au plus grand nombre à une eau de boisson saine. Ainsi naîtra en 2004, l’association 1001 fontaines pour demain.

L’idée : utiliser l’eau disponible sur place, le plus souvent l’eau de surface (mares, rivières) et la purifier par une exposition aux radiations des ultra-violets -les UV ayant un effet bactericide- sans en altérer ni le goût, ni la qualité chimique.

Pour moins d’un centime d’euro par litre, la distribution s’effectue en bonbonnes de vingt litres, désinfectées, fermées, scellées. Et 100% recyclables. L’exploitation est assurée par une famille du village qui va garantir la pérennité des installations et du service fourni à la communauté. Sur place, 1001 fontaines pour demain assiste ces exploitants en herbe pendant un an afin qu’ils deviennent de vrais entrepreneurs autonomes. Ces derniers sont soigneusement choisis par la communauté villageoise. « Ils doivent savoir lire et écrire. Etre honnête, courageux. Avoir l’esprit entrepreneurial et la volonté de travailler six jours sur sept», explique François Jaquenoud. Il faut également pouvoir compter sur eux. Le respect des horaires est très important. Sinon les clients vont laisser tomber leurs bonnes résolutions, et boire de nouveau l’eau de la mare qui est gratuitement à leur disposition ». Grâce au programme « Parraine moi … une fontaine ! », l’association récolte également des dons pour fournir gratuitement dans les écoles primaires des villages où elle est implantée, ainsi que dans les foyers, une eau de boisson saine à plus de 9000 enfants.

Aujourd’hui, les trois fondateurs peuvent s’enorgueillir du chemin accompli. L’association doit son succès à la complémentarité de leurs compétences, et à une volonté commune de vouloir changer le monde.

Virginie, tour à tour manager marketing, directrice des ventes et directrice du développement international pour Arthur Andersen ou American Express, décide un jour de mettre sa carrière entre parenthèses pour se lancer dans l’humanitaire et « se sentir utile ». Elle part avec l’association Enfants du Mékong, au Cambodge, un pays qu’elle connaît aujourd’hui parfaitement.

C’est là-bas qu’elle va rencontrer Chay Lo. Un CV long comme le bras et une détermination sans borne, le jeune Cambodgien possède un diplôme d’ingénieur en génie rural spécialisé dans la gestion de l’eau. Sorti deuxième de l’Institut Technologique du Cambodge, il décroche une bourse pour deux années d’études supplémentaires à l’Ecole Nationale des Eaux et Forêts de Paris. Un parcours exceptionnel couronné en 2007, par le Prix international de la Junior Chamber International (JCI) qui récompense, chaque année, « les dix jeunes les plus remarquables de la planète ». Plutôt que jouer les cols blancs en Occident dans une grosse entreprise du CAC 40, Chay Lo choisira de mettre ses compétences au service de son pays. Il devient le chef de projet de 1001 fontaines pour demain. François Jaquenoud peut lui aussi se vanter d’avoir un parcours aussi brillant qu’atypique. Après vingt ans de service chez Anderson Consulting (aujourd’hui Accenture), comme consultant puis associé, cet ingénieur civil des Mines décide de lever le pied pour « donner un nouveau sens à sa vie » et se consacrer entièrement à la création de 1001 fontaines pour demain. Il en est aujourd’hui le directeur exécutif.

Convaincus de l’utilité de leur démarche, les trois amis et fondateurs de 1001 fontaines pour demain se lancent à corps perdu dans la recherche de financements. « Le nerf de la guerre ». Accenture et Enfants du Mékong deviendront historiquement de solides partenaires, ainsi que les groupes Danone, Saur, l’Institut Mérieux, etc…

Six ans plus tard, 30 000 personnes bénéficient d’une eau potable à leur domicile et dans les écoles. L’association a participé à l’installation de stations de production dans 36 villages au Cambodge et une expérimentation est en cours sur quatre autres villages à Madagascar. Pour Jean-François Rambicur, président de l’association depuis un an, « le modèle vertueux de 1001 fontaines est destiné à être transposé dans d’autres pays où l’accès à l’eau est un problème». Prochaines destinations : l’Inde et le Bangladesh.

Un commentaire

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    • Ines

    Bonjour,
    Merci pour votre article qui est une réelle prise de conscience.