Iroise : le premier parc naturel marin

Cité maritime au glorieux passé, Le Conquet, l’un des principaux ports de pêche bretons, est réputée pour ses crustacés dont le tourteau, et ses poissons « nobles » – raie, lotte, ou turbot. C’est aussi l’escale pour les bateaux qui assurent le trafic des passagers et des marchandises vers les îles d’Ouessant et l’archipel de Molène. C’est là, « au bout du monde », qu’est installé le premier parc naturel marin de France.

Un nouvel outil pour protéger les aires marines…

La mer d’Iroise est apparue comme le lieu d’expérimentation idéal pour ce nouveau statut officialisé en 2001 et qui vise à protéger les zones maritimes présentant un intérêt particulier pour la biodiversité et pour les activités humaines dépendantes de la mer.

Cet espace de 3 550 km2 rassemble sur une échelle relativement réduite toute la diversité marine que l’on peut trouver sur les côtes. Les fonds marins sont extrêmement diversifiés, et l’hydrologie particulière à laquelle ils sont soumis génère des fronts thermiques qui contribuent à la présence d’espèces qu’on ne retrouve nulle part ailleurs, comme le corail noir découvert tout récemment à Ouessant. Ces conditions exceptionnelles permettent de suivre l’état de l’environnement et son évolution à une échelle extrêmement vaste.

En croisant toutes ces données scientifiques et socio-économiques, on comprend les raisons pour lesquelles la mer d’Iroise a été choisie comme « zone test » pour accueillir le premier parc naturel marin.

… et gérer durablement les ressources

Pour mieux nous rendre compte de la situation, nous embarquons pour une virée sur l’archipel de Molène, en compagnie de Yannis et Thomas, agents techniques de l’environnement.

Leur mission : suivre de près l’évolution du champ d’algues molénais, l’un des plus grands et diversifiés en Europe avec plus de trois cents espèces d’algues parmi lesquelles la digitata ou les pioka. Ces algues constituent la base de l’alimentation de plusieurs milliers d’espèces… dont la nôtre sous forme d’algues et de gélifiants ! Elles sont à l’origine d’une activité humaine très importante : 340 bateaux embarquant près de 700 marins pêchent là chaque année plus de 40 000 tonnes d’algues, soit 80% de la production française de végétaux marins !

un écosystème en péril

Problème : leur diversité est menacée et les algues vertes, prédatrices, prolifèrent. La récolte utile a nettement chuté ces dernières années, passant de 65 000 à moins de 50 000 tonnes en huit ans. Effet d’une surexploitation ou du changement climatique ? Le programme Ecokelp a pour but de déterminer les causes de cette diminution, pour proposer des modes de gestion plus durables d’une ressource qui conditionne la richesse du milieu et le maintien de l’activité économique.

L’Iroise est aussi un refuge particulièrement riche et prolifique pour la faune et la flore. Notre excursion nous donne à rencontrer des phoques gris – l’emblème de l’archipel – de grands dauphins venus narguer notre bateau, et de nombreux oiseaux. Ce patrimoine naturel très riche vaut à l’archipel d’être classé « Réserve de la Biosphère » par l’UNESCO depuis 1988.

De nouveaux parcs marins d’ici 2015

Bien sûr, il y a eu des réticences à la création du parc, des incompréhensions. « Certains pêcheurs de loisirs l’ont vu comme un outil liberticide, n’ayant pour objet que de fabriquer un sanctuaire. » Mais les équipes du parc ne sont pas là pour faire la police. La concertation avec les structures représentatives des pêcheurs professionnels a été plus aisée.

Un exemple à suivre ? Le modèle a vocation à s’étendre à un périmètre représentatif des côtes Atlantique et Méditerranée et dans les zones d’Outre-mer – ainsi en est-il du Parc naturel marin de Mayotte créé en 2010. L’Iroise inaugure un concept voué à s’étendre : la création de 8 nouveaux parcs est prévue d’ici 2015, avec pour objectif de couvrir 5% du territoire marin.

Pour aller plus loin…

Algues vertes et algues « tueuses »

Les algues « tueuses », qui envahissent chaque année certaines plages bretonnes, ont alimenté l’actualité avec les décès d’un homme et d’un cheval en 2009.

On attribue principalement leur prolifération sur les plages bretonnes à la surcharge en nutriments (azote, phosphore) des rivières qui rejoignent la mer. Ces éléments proviennent des eaux usées domestiques et des rejets des industries, mais surtout des élevages industriels (volailles, porcs, vaches laitières). Malgré la réglementation, les efforts de mise aux normes et les condamnations européennes, la Bretagne est l’une des régions du monde les plus polluées par les effluents d’élevage.

En même temps, on observe sur certaines côtes bretonnes une réduction pouvant atteindre jusqu’à 40 % des herbiers d’algues brunes comme les Fucus, qui sont connus aussi sous le nom de varechs ou goémons. Ces algues sont sensibles à la pollution et elles sont des indicateurs du bon état sanitaire du milieu littoral.

NOTE

1 Loi n° 2006-436 du 14 avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux.

Cette bonne pratique est extraite de l’ouvrage Le Tour de France du développement durable de Bertrand Guillier, Hélène Roy et Gilles Vanderpooten, paru aux Editions Alternatives

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