Vaca Muerta, le pari risqué de la fracturation hydraulique en Argentine

site gazier argentine

Un site gazier à Campo Maripe, en Argentine, le 27 novembre 2019 © AFP Emiliano Lasalvia

A Sauzal Bonito, petit village de la Patagonie argentine, le sol n’arrête pas de trembler et les maisons se fissurent. La faute au mégagisement d’hydrocarbures non conventionnels de Vaca Muerta, assurent des habitants hostiles à la fracturation hydraulique.

« Les secousses ont commencé il y a trois ans. Ma maison a été touchée, il y a des morceaux de mur qui tombent », raconte Marisol Sandoval, mère de trois enfants. Trois habitations, déclarées inhabitables par le gouvernement local, ont dû être reconstruites.

Sur ces plaines semi-désertiques, au pied de la Cordillère argentine, cohabitent des puits pétroliers et de gaz, des sites de fruiticulture et des restes de dinosaures.

De nombreuses compagnies pétrolières opèrent à Vaca Muerta, considéré par le département américain de l’Energie comme la deuxième réserve mondiale de gaz de schiste, et situé au quatrième rang mondial pour le pétrole de schiste.

Une manne financière pour ce pays fréquemment secoué par des crises économiques et constamment à la recherche de devises.

Mais les habitants du coin mettent en garde depuis plusieurs années contre la fracturation hydraulique.

Ce procédé consiste à créer des fissures souterraines et y infiltrer un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques pour permettre l’extraction de gaz ou de pétrole capturé dans la roche

« Ils disent que cette ressource leur appartient et que l’économie du pays en dépend. Mais ils affectent l’écosystème. L’eau et l’air ont été contaminés, les plantes se sont asséchées, des maladies sont apparues. Ils perforent, puis s’en vont. Et nous, on reste », déplore Lorena Bravo, porte-parole de la communauté locale des indiens Mapuche, opposés aux géants pétroliers.

Le gisement de Vaca Muerta s’étend sur 30.000 kilomètres carrés en Patagonie, à cheval sur les provinces de Neuquen, Rio Negro, la Pampa et Mendoza. Il représente 43% de la production totale de pétrole du pays, qui était de 505.000 barils par jour en juillet, et 60% de celle de gaz, de 144 millions de mètres cubes.

« Illégal »

Il y a encore quelques années, Añelo était un hameau qui vivait de l’élevage des chèvres et agneaux.

A présent, quelque 8.000 personnes y vivent, la plupart travaillant dans les hydrocarbures, au milieu des hôtels et d’un casino géant.

Aux alentours, se sont installés des indiens Mapuche qui assurent avoir été déplacés à cause des conséquences de la fracturation hydraulique.

« C’est une activité illégale sur un territoire Mapuche. Nous n’avons pas été consultés, alors que c’était notre droit », revendique Jorge Nahuel, une des représentants de cette communauté à Neuquen.

D’autres localités, comme Allen et Fernandez Oro, ont vu leurs champs d’arbres fruitiers diminuer face à l’avancée des groupes pétroliers, qui achètent ou louent les terrains pour les exploiter.

Cette zone est la principale région de production de pommes et de poires du pays.

« L’activité pétrolière existe depuis longtemps dans la région, mais elle se déroulait toujours dans des zones inhabitées. Au-delà de la fracturation hydraulique, ces dernières sept ou huit années, on a assisté à un changement: le rapprochement des exploitations des centres de population et des zones de production agricole », explique Agustin Gonzalez, de la faculté d’agronomie à Neuquen.

Selon cet expert, 20.000 hectares de production ont été perdues en 30 ans. Et cela a un impact sur le réchauffement climatique, assure-t-il, une exploitation d’arbres fruitiers absorbant bien plus de CO2 qu’un sol désertique.

Mariano Lavin, le maire de de Fernandez Oro, tente de contenir les géants des hydrocarbures avec ses maigres moyens. Il s’apprête à approuver un nouveau règlement local pour encadrer cette activité sur le territoire de sa commune.

« Après l’exploitation pétrolière, la terre n’est plus utilisable », explique-t-il.

Bien que les puits représentent une manne pour les provinces et les municipalités, Mariano Lavin estime que ce n’est pas suffisant. « On préfère la poire, la pomme, le vin et la bière », produits localement.

© AFP

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