La grève des transports publics ouvre un boulevard au vélo

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Pendant la grève, à partir du 5 décembre 2019, de nombreux Français vont essayer le vélo, comme ultime recours pour leurs trajets quotidiens, et ils pourraient bien l'adopter. © AFP/Archives Martin BUREAU

Transports en commun supprimés, routes paralysées par les voitures… Pendant la grève, à partir de jeudi, de nombreux Français vont essayer le vélo, comme ultime recours pour leurs trajets quotidiens, et ils pourraient bien l’adopter.

« Me voilà arrivée. Pas fatiguée, pas transpirante, prête à attaquer une journée de boulot », confie Alix, ingénieure de 34 ans, en garant une bicyclette près de son lieu de travail à Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris.

Depuis mai 2017, elle a délaissé sans regret le RER B au profit d’un vélo à assistance électrique pour parcourir les 14 km qui séparent son domicile parisien de son bureau.

« C’est nettement plus fiable que le RER. C’est très agréable aussi, j’ai la chance de passer par des coins sympas de Paris. Et puis c’est écologique, économique et ça fait un peu d’activité physique ».

Alix pourrait faire de nombreux émules ce mois-ci, avec une grève dure annoncée dans les transports publics à partir de jeudi.

« C’est ce qui s’est passé lors de la grève de 1995. Il y a plein de vélos qui sont sortis des caves », rappelle Stein Van Oosteren, porte-parole du Collectif Vélo Ile-de-France. La grève, « c’est le moment parfait pour se mettre au vélo, parce que c’est un événement qui oblige à mettre en question ses habitudes ».

Dimanche, il organisait une balade de Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine) à Paris « pour aider les gens à découvrir cette solution ».

Bien souvent, ils sont freinés par le manque d’information sur les pistes disponibles. Sur internet, des cyclistes engagés ont donc décidé de partager leurs trajets et d’encourager des novices avec la carte « Covélotaf ».

L’application Geovelo, qui calcule les itinéraires les plus adaptés aux cyclistes, connaît aussi un grand succès. « Les principaux freins à la pratique du vélo c’est l’insécurité routière et le manque d’infrastructure. On répond à un besoin », explique le directeur du développement, Antoine Laporte-Weywadale, qui constate un doublement des trajets enregistrés en période de grève.

« RER V »

« Il y a eu des efforts dans Paris, c’est plus agréable aujourd’hui, mais si tout le monde prend son vélo, les pistes cyclables sont très vite saturées », constate néanmoins Roman Potoki, consultant parisien qui se rend tous les jours en vélo à Nanterre ou La Défense pour travailler.

Le chemin est encore long, malgré les 1.000 km de pistes cyclables annoncés d’ici à 2020 par la maire de Paris, Anne Hidalgo, soit moitié plus qu’en 2015.

Ces lignes s’arrêtent bien souvent à la frontière que constitue le périphérique, et les associations réclament désormais un « réseau express vélo » ou « RER V » avec des pistes de grande capacité traversant la région parisienne.

Le vélo représente 4% des déplacements dans Paris intramuros. « Cela ne paraît pas beaucoup, mais c’est 20 fois plus » qu’il y a 40 ans, souligne l’économiste et urbaniste Frédéric Héran, rappelant qu’il « avait quasiment disparu dans les années 1970 ».

A l’échelle de la Région, la part du vélo atteint seulement 2%, mais elle a augmenté de 30% entre 2010 et 2018, alors que les déplacements en voiture ont baissé durant la même période (-5%) pour la première fois de l’après-guerre, selon une étude récente pilotée par Ile-de-France Mobilités, l’autorité régionale des transports.

Depuis les années 1980, l’espace urbain a été en grande partie reconquis grâce aux politiques de la ville, au détriment de l’automobile.

« C’est un phénomène propre à toutes les grandes villes des pays occidentaux », note M. Héran. Il relève que dans les agglomérations les plus avancées, comme à Copenhague, plus d’un tiers des déplacements se font déjà à vélo.

Dans les villes en retard, comme en France, « la hausse est de 10% à 15% par an, poursuit cet expert. Cela représente un doublement tous les sept ans, c’est exponentiel ».

Selon lui, « le premier facteur d’essor du vélo, c’est la modération du trafic automobile par la réduction de l’espace qui lui est réservé et la limitation de la vitesse », avec la généralisation des zones à 30 km/h, pour réduire l’insécurité routière.

Ce qui donne un ultime argument à la bicyclette. « Aujourd’hui, dans Paris, on va plus vite à vélo qu’en voiture ».

© AFP

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