Séisme à Cruas: pour les voisins de la centrale nucléaire, si ça fume, « tout va bien »

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La centrale de Cruas, le 12 novembre 2019, après un tremblement de terre d'une magnitude 5,4 © AFP/Archives JEFF PACHOUD

Cela a été leur « premier réflexe »: juste après le séisme de lundi, les habitants de Cruas (Ardèche) ont vérifié que leur centrale nucléaire continuait à cracher ses panaches de vapeur, signe que « tout (allait) bien ».

« Quand ça a bougé, on est sorti de la mairie et on s’est tourné vers les tours de la centrale et on voyait que ça +fumait+ », raconte le maire de la commune Philippe Touati.

« Pour les gens très initiés, ils comprennent tout de suite qu’il n’y a aucun souci. Après, pour les moins initiés, ils voient de la fumée. C’est comme d’habitude; tout va bien », ajoute l’édile.

Située à l’entrée de la commune, les tours de refroidissement des quatre réacteurs de la centrale sont facilement visibles depuis le centre de cette coquette commune de moins de 3.000 habitants.

L’épicentre du séisme, de magnitude 5,4 sur l’échelle de Richter, se situait à une quinzaine de kilomètres de là. De quoi susciter nombre de questionnements… surtout en dehors de Cruas, selon l’édile.

« Peut-être que nous, d’avoir la centrale dans le voisinage, on s’y est habitué. Maintenant ce n’est pas une raison pour minimiser le risque potentiel », a-t-il ajouté.

Devant l’école, une assistante maternelle de 35 ans, Vanessa Charlot, dit ne pas s’être alarmée après le séisme. « Il n’y a pas eu de sirène; donc je n’ai pas eu d’inquiétude ».

A ses côtés, Laurie Ménart, mère au foyer de 34 ans, s’est surtout inquiétée « de la coupure de courant ». « Ce séisme était très impressionnant. J’ai mis une demie-heure à comprendre ce qui s’était passé », confie-t-elle.

Pourtant, quelques heures après le tremblement de terre, décision a été prise de mettre à l’arrêt les trois réacteurs sur les quatre qui étaient en fonctionnement, pour un « audit approfondi ».

Conception unique en France

« Un capteur a signalé une secousse cinq fois moins importante que le seuil de sûreté », a précisé à la presse le directeur adjoint de la production nucléaire d’EDF, Régis Clément.

Cruas est la seule centrale du parc français à disposer d’appuis parasismiques en élastomères, afin d’absorber de possibles secousses.

« Aujourd’hui, clairement, aucun désordre n’a été observé sur les installations », a-t-il poursuivi, en indiquant que des inspections visuelles étaient en cours.

EDF prévoit un rédémarrage progressif des réacteurs durant la première quinzaine de décembre, a-t-elle annoncé jeudi, mais « on ne redémarrera qu’après l’accord de l’ASN », l’Autorité de sûreté nucléaire, a prévenu M. Clément.

Selon le secrétaire CGT du comité d’établissement, Franck Santos, « toutes les centrales sont prévues contre les problèmes sismiques mais les bâtiments réacteurs de Cruas ont cette spécificité de reposer sur des plots en élastomère donc il n’y a pas eu d’alarme sur le réacteur ».

« La seule chose qu’on regrette, c’est que la décision nationale de la mise à l’arrêt a mis six heures à arriver et aurait pu être prise plus tôt », a ajouté le syndicaliste.

En veste jaune fluo, Thomas Reynaud, échaffaudeur à la centrale, se montre également rassurant : « Pour moi qui voit un peu comment ça se passe à l’intérieur, je me dis que c’est quand même assez sécurisé ».

Le coordinateur de l’association environnementale Next-Up, Serge Sargentini, a souligné pour sa part un « paradoxe ». « Le problème, ce n’est pas Cruas qui a cette conception antisismique mais c’est Tricastin qui nous inquiète car elle est d’une autre conception et les conduites y sont abîmées », estime le militant.

La centrale nucléaire du Tricastin, dans la Drôme, plus éloignée de l’épicentre du séisme, n’a pas été arrêtée, aucun seuil d’alerte n’ayant été mesuré.

De son côté, Greenpeace compte demander des « clarifications » à l’ASN.

« En principe, en France, pour la construction des centrales, on se base sur un séisme de magnitude 4,7 ou 4,8 mais celui qu’on vient de connaître (de 5,4), a dépassé ce seuil. On se demande si, en ajoutant une marge de sécurité de 0,5, les centrales sont dimensionnées pour un séisme de 5,9 », a souligné le chargé de campagne nucléaire Roger Spautz.

© AFP

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