Les coraux des Caraïbes en danger de mort

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Un corail malade dans l'Etat mexicain du Quintana Roo © Adaptur/AFP Armando GASSE

Disparus les rouges, jaunes et violets qui ravissaient les plongeurs. La couleur dominante des coraux est désormais le blanc, au désespoir des chercheurs qui luttent contre ce fléau qui ravage le récif des Caraïbes.

En un peu plus d’un an, les Caraïbes mexicaines ont été soumis aux coups de boutoir d’un mal mystérieux qui dévaste le tissu coralien en le calcifiant.

Cette maladie du « syndrome blanc » risque, selon les spécialistes, de tuer une grande partie du jusque-là magnifique récif mésoaméricain qui s’étend sur un millier de kilomètres tout le long des côtes du Mexique, du Belize, du Guatemala et du Honduras, le second en taille derrière la Grande barrière de corail australienne.

Avec la calcification des coraux, c’est aussi l’industrie du tourisme, vitale pour la région, qui risque de se désagréger. Ironie du sort: le tourisme pourrait être une des causes du mal.

Le « syndrome blanc », qui infecte aussi les côtes de Floride depuis 2014, a été observé pour la première fois au Mexique en juillet 2018, dans le secteur nord du récif.

Il s’est depuis étendu sur 400 km vers le sud, atteignant Belize et causant la perte d’une quantité de corail supérieure à celle perdue au cours des 40 dernières années dans la région, selon le groupe environnemental Healthy Reefs for Healthy People.

La maladie se propage en quelques semaines, tue le corail qui a mis des dizaines d’années à se développer, explique à l’AFP Melina Soto, coordinatrice de cette organisation à Mexico.

« Si nous continuons à ce rythme, cet écosystème va s’effondrer d’ici 5 à 10 ans », met-elle en garde.

Les scientifiques estiment que ce fléau est encore plus dangereux que le blanchissement corallien, une autre maladie qui affecte les coraux à travers le monde, y compris la Grande barrière.

Ce blanchissement est consécutif au réchauffement des océans qui engendre la libération dans l’eau d’algues microscopiques, les zooxanthellae, qui vivent à l’intérieur des coraux et leur donnent leurs couleurs chatoyantes.

Mais si un récif atteint de blanchissement peut retrouver ses couleurs si les conditions se rétablissent à temps, des coraux atteints par le « syndrome blanc » meurt à coup sûr.

« Le tissu corallien se détache complètement, meurt et laisse derrière lui un squelette blanc », explique Claudia Padilla, une océanographe du centre de recherche maritime de la péninsule du Yucatan, dans le sud-est du Mexique.

Pour un oeil inexpérimenté, l’impact du syndrome est encore peu visible.

« Ils ont l’air tellement beau. Je n’aurais jamais pu imaginer qu’ils étaient en train de mourir, comme le disent les spécialistes », avoue Emmanuel Fernandez, 34 ans, un ingénieur chimiste argentin qui vient de faire de la plongée à Cancun, la station balnéaire la plus courue au Mexique.

« Nous avions l’habitude de plonger et de voir des étendues florissantes de coraux. Maintenant, ils sont tous morts », se lamente Claudia Padilla.

Vingt-cinq des 40 types de coraux de la région sont atteints par le mal, selon elle. Et parmi eux, trois sont en passe de disparaitre à jamais.

Des chercheurs sont actuellement en train de constituer une banque d’ADN des coraux menacés, dans l’espoir de les faire un jour ressusciter.

Les scientifiques essaient de comprendre les causes du « syndrome blanc ».

Première suspecte : la piètre qualité de l’eau altérée par le déversement des égoûts dans la mer et une récente épidémie d’algues sargassum en décomposition, une autre urgence écologique à laquelle la région doit faire face.

Les produits chimiques importés par les touristes, comme les crèmes solaires, sont une autre cause possible. Les autorités viennent d’ailleurs d’en interdire l’usage sur les places mexicaines.

« Une particule présente dans les crèmes solaires, l’oxybenzone, freine la reproduction des coraux », affirme Christopher Gonzalez, directeur régional pour la commission des parcs nationaux.

Ce mois-ci, les autorités ont fermé provisoirement trois sections du récif qui sont pris d’assaut par des milliers de visiteurs chaque année : Palancar, Colombia et El Cielo.

La question à laquelle le gouvernement, l’industrie du tourisme et les résidents doivent désormais répondre est : comment maintenir un équilibre entre tourisme, économie et environnement.

Quelque 725.000 touristes ont visité cette année les Caraïbes, un chiffre similaire aux années précédentes, selon des données officielles.

« Si nous perdons le récif, nous perdrons notre principal activité économique, c’est à dire le tourisme », met en garde Maria del Carmen Garcia, responsable du Parc National de Puerto Morelos, situé sur le récif corallien.

© AFP

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