50 ans de la Liste Rouge de l’UICN, un tableau sombre de l’état de la biodiversité

Baleine à bosse dans le Golfe de Guinée, au large de Port-Gentil, province de l’Ogooué-Maritime, Gabon (0°31’ S – 8°52’ E). © Yann Arthus-Bertrand/Altitude

La Liste Rouge, cette liste des espèces menacées reconnue internationalement, est établie par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) et célèbre ses 50 ans d’existence cette année. Le chargé de programme  espèce de l’UICN France Florian Kirchner explique à quoi sert cet outil d’évaluation de la biodiversité.

La Liste Rouge a 50 ans, quel bilan en tirez-vous ?

La Liste Rouge dresse un tableau sombre de la crise mondiale de la biodiversité et appelle à l’action. Elle analyse la situation de 76 199 espèces dont 22 413 sont menacées et constitue l’inventaire le plus complet en ce qui concerne les menaces sur la faune et la flore. Même si ces résultats restent parcellaires puisque nous n’avons pas encore pu tout étudier, loin de là. Il existe 1,8 millions d’espèces connues, le travail est donc titanesque. L’histoire de la Liste Rouge a commencé avec les grands mammifères et les oiseaux, mais au fur et mesure que nous étendons nos travaux, nous découvrons combien les autres grandes catégories d’êtres vivants sont menacées. Aujourd’hui, une espèce de mammifère sur quatre est menacée d’extinction au niveau mondial. C’est également le cas pour un oiseau sur huit, plus d’un amphibien sur trois. Plus récemment, on a pu mettre en évidence qu’un tiers des requins et des coraux constructeurs de récifs étaient menacés, et plus d’une espèce de conifères sur trois. La crise de la biodiversité est inquiétante car elle concerne tous les groupes d’espèces partout dans le monde.

Quelles sont les principales menaces sur les espèces ?

Il s’agit en premier lieu de la destruction des habitats naturels. Par exemple de la déforestation ou encore de la conversion des zones humides en zones agricoles ou urbaines. L’autre grande menace est la surexploitation des ressources naturelles. Elle peut entrainer la régression et la disparition d’espèces, par exemple par la surpêche pour les espèces marines ou encore par le braconnage pour l’ivoire des éléphants ou la corne de rhinocéros. Les autres grandes menaces sont les espèces introduites envahissantes, les pollutions et le changement climatique.

A quoi sert la Liste Rouge ?

C’est d’abord un outil de connaissance très utile sur l’état de la biodiversité. Elle identifie les menaces et les priorités de conservation. Elle permet d’orienter les mesures de protection de la biodiversité, que ces mesures soient portées par des ONG, des pouvoirs publics ou encore des entreprises. La Liste Rouge sert aussi de base pour l’inscription des espèces dans les conventions internationales, comme la CITES qui régule le commerce des espèces lorsque celles-ci sont menacées par leur commerce international.  

Auriez-vous un exemple d’espèce qui a pu sortir de la Liste Rouge ?

La baleine à bosse (Megaptera novaeangliae) était une espèce en danger à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle a connu ses plus faibles effectifs dans les années 60 en raison de la chasse dont elle faisait l’objet. Grâce au moratoire international sur la chasse, elle a pu se développer à nouveau et sa population est aujourd’hui estimée à 60000 spécimens. Un retour qui a permis de la retirer de la liste des espèces en danger. Arguant de ce regain des effectifs, le Japon a souhaité la chasser à nouveau ces dernières années, mais le pays y a pour le moment renoncé suite aux pressions internationales.

Et au contraire, des espèces encore menacées ?

Il y a bien sûr l’éléphant d’Afrique qui pourtant avait connu une accalmie temporaire grâce à son inscription à l’Annexe I de la CITES en 1989, qui interdit tout commerce de l’ivoire. Cette mesure avait mis un coup d’arrêt au braconnage. Mais, depuis les années 2000, le braconnage a repris de plus bel avec l’envolée des prix de l’ivoire. Il en va de même pour les rhinocéros chassés pour leur corne.

Plus près de nous, la crise ne concerne pas seulement la faune. En France, des petites plantes endémiques comme l’armérie de Belgentier et la violette de Rouen sont en danger critique d’extinction. Des espèces animales sont menacées, comme la tortue d’Hermann, ou encore l’Azuré de la sanguisorbe, un papillon. De même, en Europe, avec le lynx ibérique qui vit au Portugal et en Espagne, et dont il reste moins de 250 spécimens dans la nature. Ce félin a besoin d’espaces naturels, mais il fait face à des projets d’infrastructures urbaines. Ilest victime de collisions mortelles sur les routes. Pour l’instant, les programmes d’élevage en captivité et de réintroduction ne portent pas leurs fruits. Les efforts vont donc devoir se renforcer pour remporter la bataille de sa survie, comme pour d’autres espèces qu’on a pu sauver jusque-là.

Propos recueillis Julien Leprovost

Un commentaire

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    • chapolin

    Il faut que les être humains continuent d’évoluer avec plus de sagesse et de connaissance de la réalité … plus ils progressent et plus la sagesse, le calme et la paix deviennent des conditions d’avenir.