Pyrénées : la neige artificielle, planche de salut du ski à Font Romeu


Un canon à neige artificielle à la station de Font-Romeu, le 10 janvier 2023 dans les Pyrénées-Orientales © AFP Charly TRIBALLEAU

Font-Romeu (France) (AFP) – La station de Font-Romeu, dans les Pyrénées-Orientales, a misé sur la neige artificielle pour préserver sa lucrative économie du ski, choix assumé y compris face au réchauffement climatique, mais critiqué par les écologistes, au moment où l’eau devient rare dans la région.

En ce début d’année, Jacques Alvarez, directeur de Font-Romeu Pyrénées 2000, a le sourire: alors que les autres stations du massif sont longtemps restées fermées faute de neige, la sienne a « tiré son épingle du jeu avec un domaine skiable ouvert de 70% », entre décembre et mi-janvier, sans pratiquement aucun flocon naturel.

Font-Romeu, parmi les stations les plus ensoleillées d’Europe, s’assure un joli tapis blanc grâce à ses 510 canons, aptes à pulvériser la neige sans attendre des température très basses, au contraire du reste des Pyrénées.

Résultat: chiffre d’affaires record, en hausse de 10% au 25 janvier par rapport à la même période de la saison passée.

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Cela fait presque cinquante ans que Font-Romeu a fait le pari des canons: « dès 1976, les premiers enneigeurs d’Europe ont été implantés ici », rappelle M. Alvarez.

Depuis, la station a fait du chemin puisque ses canons sont aujourd’hui suffisamment nombreux pour enneiger 93% des 43 km de son domaine skiable alpin.

Les canons sont alimentés par une « usine à neige », construite en 2008 au cœur des pistes, que font fonctionner nuit et jour des « snowmakers » ou « nivoculteurs », comme ils préfèrent parfois s’appeler.

Ils se relaient pour alimenter les pistes en commandant le réseau de canons qu’ils surveillent sur leurs écrans.

30 millions d’euros

La station a également investi dans des outils d’optimisation de l’or blanc: depuis l’an dernier, ses huit dameuses sont équipées de radars mesurant l’épaisseur de neige.

Aux commandes de son engin dernier cri, Loïc Lanvin, dameur comme son père, explique en montrant son écran de contrôle: « en rouge, c’est en-dessous de 30 cm de neige, en vert c’est 60 et en bleu plus d’un mètre ».

Les puissantes machines passent donc leurs nuits à répartir la neige du bleu vers le rouge, afin que l’épaisseur soit la plus homogène possible.

Grâce à ce savoir-faire, Font-Romeu croit en l’avenir du ski et ce, malgré le réchauffement climatique. La commune, explique son maire Alain Luneau (sans étiquette), vient d’ailleurs de renouveler sa délégation de service public au gestionnaire de sa station, avec à la clé « 30 millions d’euros d’investissements sur les 25 prochaines années ».

Pour justifier leur confiance, les responsables locaux s’appuient sur une vaste étude baptisée Climsnow réalisée en 2022, notamment par Météo France, qui compile données issues du GIEC, paramètres météo et indices d’humidité de l’atmosphère sur le long terme.

Grâce à ce document, assure M. Alvarez, « on sait que pendant 35 ans, les 120 jours d’exploitation nécessaires pour faire vivre le territoire, on les aura ».

« Déni », répondent les écologistes. « On n’est qu’au tout début de la catastrophe climatique qui nous pend au nez, et ils font toujours comme si les choses allaient rester telles qu’elles sont », déplore Nicolas Berjoan, secrétaire d’EELV dans les Pyrénées-Orientales.

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 « Inquiétude »

Dénonçant globalement la stratégie du tout-ski, les écologistes s’inquiètent spécifiquement de l’utilisation de l’eau nécessaire à la production de la neige artificielle.

Certes, la station ne pompe annuellement dans le lac du barrage des Bouillouses, tout proche, qu’environ 540.000 m3 d’eau pour ses canons sur un total de 18 millions.

Mais, pour les Verts, cela pose problème du fait de la forte tension sur les ressources hydriques de la zone.

L’eau des Bouillouses sert en effet à d’autres usages: hydroélectricité, alimentation des nappes phréatiques et de la Têt, fleuve côtier qui irrigue toute la vallée du Roussillon, riche en terres agricoles.

Un récent jugement du tribunal administratif de Montpellier est d’ailleurs venu exacerber les crispations.

Saisie par l’association France Nature Environnement, la juridiction a décidé fin novembre d’augmenter le débit de la Têt jugé nécessaire pour la biodiversité du fleuve: autant d’eau en moins pour l’agriculture mais aussi… pour les canons de Font-Romeu-Pyrénées 2000.

« C’est l’inquiétude », reconnaissent élus et responsables de stations qui, comme les agriculteurs, appellent désormais l’Etat à trouver très rapidement des solutions rassurant tous les acteurs économiques du territoire.

© AFP

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