Le point de vue de la Fondation GoodPlanet sur une COP27 qui, malgré une avancée historique, appelle à la vigilance

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BARRAGE ÉDIFIÉ EN SACS DE SABLE SUR LE DELTA DU GANGE, CHITTAGONG DISTRICT, BANGLADESH (22° 47’ 2,92’’ N – 91° 21’ 23,84 E). © Yann Arthus-Bertrand

Si l’accord conclut au terme de la COP27 est une forme de reconnaissance de la responsabilité historique des pays industrialisés dans le réchauffement, la création d’un fonds sur les « pertes et dommages » ne suffit pas. Cette avancée historique ne doit pas faire oublier la nécessité d’une sortie progressive la plus rapide possible des énergies fossiles. L’analyse de la Fondation GoodPlanet sur les enjeux, les avancées et les manques.

Les enjeux de laCOP27

30 ans après l’établissement de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, l’urgence climatique est passée du statut d’horizon lointain à une réalité tangible. De fait, chaque COP (conférence des parties, sommets au cours desquels les états-membres d’une convention se réunissent pour faire le point et prendre des décisions) est désormais attendue. Leur scénario bien rôdé (ambitions affichées, blocages des négociations sur des sujets récurrents puis prolongation des discussions pour aboutir à un accord) est scruté car le climat est devenu un des enjeux cruciaux du siècle, reconnu par tous. En 30 années d’existence, les COP climat ont alterné entre les grandes ambitions et les rendez-vous manqués avec l’Histoire.  Trouver des solutions au dérèglement climatique peut paraitre en apparence simple : il pourrait en effet se résumer en une phrase : « la combustion des énergies fossiles produit des gaz à effet de serre qui réchauffent le climat terrestre ». Les COP, souvent présentées comme des moments déceptifs, empêtrés dans des processus trop lents,  sont le reflet de la complexité du monde. Elles ont le mérite de réunir l’ensemble des parties autour d’une même table, de donner une forte visibilité au sujet, ainsi que des orientations pour y apporter des réponses. L’énergie, encore au centre de l’économie et du fonctionnement de nos sociétés, demeure un élément déterminant pour le développement d’une partie du monde pendant que les pays riches ont beaucoup de mal à effectuer des transitions drastiques de leurs modèles. La corrélation entre le climat et les questions sociales prend, en outre, de plus en plus d’ampleur et le sujet climatique devient aujourd’hui un sujet de justice sociale à intégrer pour l’ensemble des parties prenantes.

Au fil des 30 années de négociations sur le climat, de nombreux sujets ont été mis sur le devant de la scène  : responsabilité de l’émission des gaz à effet de serre, compensations, moyens financiers et techniques nécessaires pour s’adapter, et atténuer le réchauffement.

En 2022, deux rapports du GIEC ont alerté sur l’urgence d’agir face au dérèglement climatique. Alors que Le réchauffement planétaire a déjà atteint +1,2°C, le précédent sommet sur le climat en 2021 avait débouché sur le Pacte de Glasgow entérinant l’ambition de maintenir le réchauffement sous le seuil de 1,5°C proposé par l’Accord de Paris en 2015. La COP27 suscitait donc de nombreuses attentes. Le résultat obtenu est en demi-teinte grâce à une avancée majeure sur la création d’un fonds consacré aux « pertes et dommages » mais une stagnation sur le reste, qui appelle donc à de la vigilance sur le devenir des ambitions climatiques.

La création du fonds « Pertes et dommages »

L’avancée principale de cette COP est la création d’un fonds sur les « pertes et dommages ». Ce fond était demandé depuis des décennies par les pays les moins avancés et les pays en développement, au nom de la justice climatique.

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Le but de ce fonds est d’aider les plus vulnérables à faire face aux aléas et aux préjudices climatiques dont ils souffrent sans en être responsables. La création de ce fonds n’allait pas de soi puisqu’il a fallu des années pour que son principe soit enfin reconnu. Il ne s’agit pas d’un fonds d’aide à l’adaptation ou à l’atténuation, mais d’un mécanisme à part dont de nombreuses modalités restent pour l’heure inconnues. Elles devront prendre forme d’ici un an pour la COP28.

La création du fonds « pertes et dommages » doit compléter les financements existants (et insuffisants malgré les engagements) pour répondre notamment aux répercussions du réchauffement. Il permet, d’une certaine manière, de reconnaître la part de responsabilité des pays les plus émetteurs, tout en assurant un meilleur fléchage des flux financiers. Au-delà des grands principes, sa mise en œuvre sera un exercice complexe car de nombreuses questions restent en suspens. Quels seront les pays éligibles ? Sous quelles conditions et avec quels critères ? Comment reconnaitre un préjudice climatique ? Comment l’évaluer ? Ces questions sont à la fois des défis à relever pour la communauté internationale, mais elles représentent aussi des opportunités pour repenser l’action climatique. Elles devront trouver des réponses rapidement afin de le rendre opérationnel dans un proche avenir. En effet, pour le moment, la manière d’abonder le fonds n’est pas encore déterminer. Il s’avère possible d’imaginer saisir cette opportunité pour créer un mécanisme basé sur le carbone émis, en taxant au niveau mondial le carbone ou des secteurs polluants comme l’aviation ou le transport maritime jusqu’ici exemptés de contribution aux efforts.

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Il faudra également veiller à la bonne gouvernance de ce fonds pour éviter les potentiels effets inattendus néfastes ou contreproductifs qui en atténueraient la portée. Le fonds « pertes et dommages » ne doit, par exemple, pas devenir un « droit à polluer » qui dispenserait les contributeurs et les allocataires de nécessaire réduction des émissions de gaz à effet de serre. Avec ce fonds, avancée majeure de cette COP27, la communauté internationale reconnait les conséquences du réchauffement climatique pour les pays en développement et les pays les moins avancées. Cependant, elle ne reconnaît pas encore assez explicitement les causes c’est-à-dire l’utilisation des énergies fossiles et les principaux responsables, c’est-à-dire les pays industriels. Se préoccuper des conséquences est certes fondamental mais s’attaquer aux causes des dérèglements climatiques devient chaque jour plus urgent. Il serait extrêmement dommageable que ce fonds devienne un blanc-seing au « business as usual » qui perdure déjà depuis trop longtemps ou permet d’oublier la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre

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Une ambition réaffirmée, mais sans préciser les modalités tout en faisant l’impasse sur les énergies fossiles

La COP27 a réaffirmé l’ambition de maintenir le réchauffement en dessous de 1,5°C alors que dans les faits les émissions de gaz à effet de serre continuent de croitre. Plus cet objectif est brandi, plus il devient difficile à atteindre. Les concentrations de CO2 dans l’atmosphère sont à leur plus haut niveau historique : 417 PPM de CO2. Or, rien dans les accords climatiques actuels n’indique de seuils de concentration de CO2 à respecter tandis que tout repose sur les contributions déterminées au niveau national des États. Ces dernières ne font pourtant pas vraiment l’objet de contrôle sur leur portée, ni de sanctions en cas de manquements aux objectifs. Il est de plus en plus contestable de faire reposer l’ensemble des propositions faites sur les seuls engagements et bonne volonté des gouvernements. Les experts du climat et de l’ONU le disent clairement : les engagements actuels ne suffissent pas pour limiter la hausse des températures à 2 degrés, encore moins à 1,5°C. La COP27 a vu peu de nouveaux engagements en dehors de celui du Mexique et de l’Europe, cette dernière ayant faiblement rehaussé son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

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La question du rôle prépondérant des combustibles fossiles, comme cause anthropique principale du réchauffement, reste difficile à aborder. Le trio de tête des combustibles fossiles, charbon, pétrole et gaz, bien que contesté, conserve des soutiens conséquents. Certains ont plaidé pour un traité visant à programmer leur fin ou à en limiter l’usage sans que cela ne soit réellement mis à l’ordre du jour. Le texte final de la COP27 ne fait aucune mention spécifique au gaz et au pétrole. Il appelle cependant à « accélérer les efforts vers la réduction progressive de l’utilisation du charbon sans capture (de CO2) et la suppression des subventions inefficaces aux combustibles fossiles » et à « accélérer les transitions propres et justes vers les énergies renouvelables ». La question de l’énergie fossile sera au centre de la prochaine COP, mais celle-ci ayant lieu dans un pays producteur et exportateur de pétrole, il y a peu de chances qu’elle fasse l’objet d’avancées majeures.

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Les COP sont là pour discuter au niveau mondial des grandes orientations de la lutte contre le changement climatique, mais elles n’ont de sens que si leurs décisions renforcent l’action de terrain des gouvernements, des collectivités, des entreprises, des ONG et des citoyens. Bien que poussives et encore trop peu ambitieuses, elles permettent cependant de coordonner une vision mondiale et de fédérer des opinions à l’échelle internationale, levier majeur de la mise en action. A nous tous de ne pas tomber dans la résignation mais de pousser toujours plus pour une considération toujours plus importante du sujet climatique.

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La Fondation GoodPlanet

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6 commentaires

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    • Guy J.J.P. Lafond

    Très bonne réflexion. Merci.
    Et je crois que nous devons continuer d’améliorer les méthodes pour mesurer précisément l’augmentation des GES dans l’atmosphère de manière à en assurer la validité et la fidélité.
    Des mesures précises indiquant une réduction des émissions de GES d’environ 5% à 10% d’une année à l’autre nous mettraient sur la bonne voie et feraient en sorte que de plus en plus de gens voudront adhérer au projet de réduction des GES et modifier leurs comportements pour le mieux.
    Rappelons que les pays les moins développés se trouvent surtout sous des latitudes chaudes. Leurs populations ne veulent pas nécessairement migrer vers des latitudes plus froides. Leurs populations veulent continuer de développer des économies plus propres et plus respectueuses des rythmes de la nature. À partir de là, les pays les plus industrialisée, souvent sous des latitudes plus froides, devront aussi faire leurs preuves en montrant un leadership crédible. Nous, les populations du Nord, moins nombreuses, commençons par mieux isoler nos maisons et édifices publiques contre le froid de nos hivers. Nous réduirons ainsi nos combustions d’énergies fossiles. Faisons davantage usage d’énergies alternatives et de nos jambes aussi. Et faisons preuve de plus de sobriété dans tous nos choix de consommateurs. Est-ce trop demander?
    Révolution tranquille s.v.p.!
    @GuyLafond
    https://mobile.twitter.com/UNBiodiversity/status/1395129126814691329

    • DENISE

    Les symptômes climatiques que nous subissons (inondations sécheresses canicules et feux) sont liés à l’eau et pas du tout au carbone ! https://www.mediaterre.org/actu,20210106085019,1.html

    • Guy J.J.P. Lafond

    Bonjour Denise,
    Bonjour Denise,
    En effet, le cycle mondial de l’eau est perturbé en ce sens que les glaciers ne se réforment plus aussi facilement qu’au siècle dernier. Une des causes les plus probables sont la pollution par particules fines qui ont une valeur albédo nuisible . En temps normal, des glaciers alimentent lentement des rivières qui alimentent à leurs tours des fleuves. Une autre cause serait l’effet de serre par une trop grande concentration de CO2 dans l’atmosphère, en bonne partie à cause de nos activités industrielles excessives, ce qui augmente à chaque années la température moyenne observée pour l’ensemble de le Terre.
    Les forêts jouent un rôle déterminant pour réguler les températures sur Terre. Elles captent le Co2 dans l’atmosphère et prennent ainsi de l’extension. Protégeons mieux les forêts. Voir à ce propos le très bon documentaire de Yann Arthus-Bertrand, « HOME », gratuit sur internet.

    • Guy J.J.P. Lafond

    Désolé.
    Bonjour Denise,
    En effet, le cycle mondial de l’eau est perturbé en ce sens que les glaciers ne se réforment plus aussi facilement qu’au siècle dernier. Une des causes les plus probables est la pollution par particules fines, qui ont souvent une valeur albédo nuisible . En temps normal, des glaciers alimentent lentement des rivières qui alimentent à leurs tours des fleuves. Une autre cause serait l’effet de serre par une trop grande concentration de CO2 dans l’atmosphère, en bonne partie à cause de nos activités industrielles excessives, ce qui augmente à chaque années la température moyenne observée pour l’ensemble de le Terre.
    Les forêts jouent un rôle déterminant pour réguler les températures sur Terre. Elles captent le Co2 dans l’atmosphère et prennent ainsi de l’expansion. Protégeons mieux les forêts. Voir à ce propos le très bon documentaire de Yann Arthus-Bertrand, « HOME », gratuit sur internet.
    @:-)

    • Balendard

    je crois m’être déjà entretenu avec Mr Lafond à ce sujet mais pour répondre à vos préoccupations Denise je voudrais vous dire que l’eau qui engendre effectivement les problèmes que vous évoquez pourrait devenir le composant essentiel qui nous sort de nos problèmes climatiques actuels comme cela est longuement évoqué dans mon site sur l’énergie et la SWE ou l’eau (Water) occupe une position centrale. Voir

    http://www.infoenergie.eu/riv+ener/essentiel.pdf

    • Guy J.J.P. Lafond

    Merci à Mme Denise et M. Balendard.
    Tous ensemble, nous trouverons bien les meilleures solutions afin de mieux rassurer les enfants.
    À +,
    @GuyLafond