Sécheresse : le dilemme des agriculteurs du Val de Loire

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Dans le Loiret, Les agriculteurs subissent la sécheresse printanière © AFP/Archives PHILIPPE HUGUEN

Sully-sur-Loire (France) (AFP) – Arroser le blé maintenant ou garder de l’eau pour le maïs ? Dans le Loiret, comme ailleurs dans le Centre-Val de Loire, les agriculteurs subissent la sécheresse printanière et s’inquiètent des difficiles choix à venir si la pluie n’arrive pas.

Dans son champ de Sully-sur-Loire (Loiret), Robin Lachaux, casquette orange vissée sur la tête, manœuvre son tracteur pour placer l’arroseur au bon endroit. Il oriente l’enrouleur et tire le canon à eau 450 mètres plus loin, au bout de sa parcelle.

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Retour quelques instants plus tard : il vérifie les paramètres sur l’écran de l’engin, il faudra environ 24 heures pour que le canon à eau, tiré par le tuyau, revienne à l’enrouleur et termine d’arroser une bande de 450 m de long sur 70 large.

À l’aide de son téléphone, le jeune agriculteur déclenche les pompes des deux forages de l’exploitation, situées à plus d’un kilomètre. Les tuyaux montent en pression et l’eau jaillit au loin.

Pour irriguer tout le champ, il devra recommencer la manœuvre cinq jours de suite.

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« Si on n’arrose pas aujourd’hui, c’est 50% de la récolte qui part », assure le trentenaire. « Normalement, on n’arrose pas à cette saison, mais (…) les épisodes de sécheresse commencent de plus en plus tôt. »

Dans le Loiret, il a plu deux fois moins que d’habitude sur les cinq premiers mois de 2022. Un manque de précipitations qui arrive à un très mauvais moment.

« Le blé est monté. On va arriver dans la floraison et le remplissage du grain, donc c’est la période la plus importante pour les rendements à venir. Pas d’eau, pas de grain », résume-t-il, précisant qu’une petite partie de sa récolte partira à la vente.

Robin Lachaux est avant tout éleveur : son exploitation tire ses revenus de ses 90 vaches laitières, 300 chèvres et 8.000 volailles. Blé, orge et maïs servent essentiellement à nourrir les bêtes.

« Ce qu’on craint c’est que la sécheresse continue. J’ai une capacité d’irrigation d’environ deux mois. Au bout d’un moment le débit des forages réduit. Donc, si j’arrose correctement les blés, je crains de ne pas avoir assez pour arroser correctement les maïs jusqu’à fin août », raconte-t-il.

Si le maïs pousse mal, la ferme ne pourra pas nourrir ses vaches l’hiver prochain. Il faudra donc acheter des aliments. Mais, « au vu du cours mondial des céréales », ces dépenses auront « un impact direct sur la trésorerie ». Et il ne faudra pas compter sur ses parcelles d’orge pour compenser : non irriguées, elles devraient connaître un « rendement catastrophique ».

 Territoires abandonnés

À l’autre extrémité de Sully-sur-Loire, Jean-Louis Lefaucheux aussi surveille son arroseur. Le secrétaire général de la FNSEA Loiret exploite 175 hectares, pour un cheptel d’une soixantaine de laitières.

« On est sur des terres sableuses, les premières impactées par le manque d’eau », explique le syndicaliste, alors qu’aucune pluie n’est prévue pour les dix prochains jours.

Ailleurs, dans la plaine céréalière de Beauce, les sols retiennent mieux l’eau et sont donc encore peu dégradés par la sécheresse. Mais si le ciel reste au beau fixe, la situation pourrait vite changer, prévient-il, en effritant la terre sèche et dure.

L’agriculteur puise son eau directement dans la Loire. Mais jusqu’à quand ? Des interdictions s’appliquent déjà sur des petits affluents du fleuve royal, plus en amont. Dans la région, l’Indre et l’Indre-et-Loire connaissent aussi des restrictions.

Si la pluviométrie reste la même, année après année, la pluie est désormais beaucoup moins bien répartie. Trop d’eau l’hiver, pas assez l’été.

« Il faudrait absolument généraliser le stockage de l’eau partout où c’est possible. Sinon, (…) certains territoires vont carrément être abandonnés », assure-t-il. « On ne demande pas d’irriguer à tout crin, (…) on demande de pouvoir apporter l’eau au bon moment quand on en a besoin. »

Le cultivateur plaide pour des petites rétentions d’eau, partagées entre quelques exploitations, loin des grands projets contestés par les associations écologiques et certains syndicats paysans. Le gouvernement a récemment débloqué une enveloppe d’une centaines de millions d’euros dans ce sens.

Le dérèglement climatique a rendu ces « bassines » fondamentales, selon le syndicaliste : « La souveraineté alimentaire passera par la gestion de l’eau. »

© AFP

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