L’humanité à l’aube de retombées climatiques cataclysmiques, selon le prochain rapport du GIEC

dernier rapport du giec humanité cataclysmes

Une zone affectée par la sécheresse près de Tegucigalpa, au Honduras, le 22 avril 2016 © AFP/Archives ORLANDO SIERRA

Paris (AFP) – Pénurie d’eau, exode, malnutrition, extinction d’espèces… La vie sur Terre telle que nous la connaissons sera inéluctablement transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt, alerte un projet de rapport des experts climat de l’ONU obtenu par l’AFP.

[À lire sur le rapport du GIEC d’aout 2021 Le réchauffement s’accélère, « alerte rouge » pour l’humanité]

Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer, assure le Giec, et devenir douloureusement palpables bien avant 2050.

« La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes », note le résumé technique de 137 pages. « L’humanité ne le peut pas ».

Le projet de rapport rédigé par des centaines de scientifiques rattachés au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), qui fait autorité en la matière, oscille entre un ton apocalyptique et l’espoir offert aux hommes de changer leur destin par des mesures immédiates et drastiques.

Le rapport d’évaluation complet de 4.000 pages, bien plus alarmiste que le précédent de 2014, a pour vocation d’éclairer les décisions politiques.

Même si ses principales conclusions ne changeront pas, il ne sera officiellement publié qu’en février 2022, après son approbation par consensus par les 195 Etats membres.

Trop tard cependant pour les cruciales réunions internationales sur le climat et la biodiversité prévues fin 2021, notent certains scientifiques.

Parmi ses conclusions les plus importantes, figure un abaissement du seuil au-delà duquel le réchauffement peut être considéré comme acceptable.

En signant l’accord de Paris en 2015, le monde s’est engagé à limiter le réchauffement à +2°C par rapport à l’ère pré-industrielle, si possible +1,5°C.

Désormais, le Giec estime que dépasser +1,5°C pourrait déjà entraîner « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ».

Et selon l’Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de +1,5°C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40%.

« Nos enfants et petits-enfants »

« Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre », martèle le Giec, alors que la prise de conscience sur la crise climatique n’a jamais été aussi étendue.

Le climat a déjà changé. Alors que la hausse des températures moyennes depuis le milieu du XIXe siècle atteint 1,1°C, les effets sont déjà graves et seront de plus en plus violents, même si les émissions de CO2 sont freinées.

Et les êtres vivants — humains ou non — les moins à blâmer pour ces émissions sont, ironiquement, ceux qui en souffriront le plus.

Pour certains animaux et variétés de plantes, il est peut être même déjà trop tard: « Même à +1,5°C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter », souligne le rapport, citant les récifs coralliens dont un demi-milliard de personnes dépendent.

Parmi les espèces en sursis figurent les animaux de l’Arctique, territoire qui se réchauffe trois fois plus vite que la moyenne. Sur place, des modes de vie ancestraux, de peuples vivant en lien étroit avec la glace pourraient aussi disparaître.

Pas prêts

Agriculture, élevage, pêche, aquaculture…. « Dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent », observe aussi le rapport, pointant les aléas climatiques comme « principal moteur ».

Or l’humanité n’est à ce stade pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation. « Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques », prévient le Giec.

Même en limitant la hausse à 2°C, jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires auront faim d’ici à 2050 et 130 millions pourraient tomber dans la pauvreté extrême d’ici dix ans.

En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par hausse du niveau de la mer, qui entrainera à son tour des migrations importantes.

A +1,5°C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau, 400 millions à + 2°C. Et avec ce demi degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes.

« Les coûts d’adaptation pour l’Afrique devraient augmenter de dizaines de milliards de dollars par an au delà de +2°C », prédit le rapport. Encore faut-il trouver cet argent.

Le texte souligne d’autre part le danger des effets en cascade. Certaines régions (est du Brésil, Asie du Sud-Est, Chine centrale) et presque toutes les zones côtières pourraient être frappées par trois ou quatre catastrophes météo simultanées, voire plus: canicule, sécheresse, cyclone, incendies, inondation, maladies transportées par les moustiques…

Et il faut de surcroît prendre en compte les effets amplificateurs d’autres activités humaines néfastes pour la planète, note le rapport: destruction des habitats, surexploitation des ressources, pollution, propagation des maladies…

« Le monde fait face à des défis entremêlés complexes », commente ainsi Nicholas Stern, spécialiste de l’économie du climat, pas impliqué dans ce rapport. « A moins de les affronter en même temps, nous n’allons en relever aucun », estime-t-il.

Des choix radicaux

Sans oublier les incertitudes autour des « points de bascule », éléments clés dont la modification substantielle pourrait entraîner le système climatique vers un changement violent et irrémédiable.

Au-delà de +2°C, la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique de l’Ouest (qui contiennent assez d’eau pour provoquer une hausse du niveau de la mer de 13 mètres) pourraient par exemple entraîner un point de non retour, selon de récents travaux.

C’est pour cela que « chaque fraction d’un degré compte », insiste le Giec, alors qu’un autre point de rupture pourrait voir l’Amazonie –un des poumons de la planète avec les océans– transformée en savane.

Face à ces problèmes systémiques, aucun remède miracle unique. En revanche, une seule action peut avoir des effets positifs en cascade.

Par exemple, la conservation et la restauration des mangroves et des forêts sous-marines de kelp, qualifiées de puits de « carbone bleu », accroissent le stockage du carbone, mais protègent aussi contre les submersions, tout en fournissant un habitat à de nombreuses espèces et de la nourriture aux populations côtières.

En dépit de ses conclusions alarmantes, le rapport offre ainsi une note d’espoir. L’humanité peut encore orienter sa destinée vers un avenir meilleur en prenant aujourd’hui des mesures fortes pour freiner l’emballement de la deuxième moitié du siècle.

« Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux: individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernement », plaide le rapport.

« Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation ».

© AFP

À lire pour aller plus loin

Quels enseignements tirer de la crise du coronavirus pour le changement climatique, entretien avec le climatologue Jean Jouzel

Les collapsologues Pablo Servigne et Raphaël Stevens : « c’est un sevrage très dur qui nous attend car tout le monde est drogué aux énergies fossiles »

« Nous ne pouvons pas attendre de 8 milliards d’humains qu’ils disent qu’ils ne veulent pas d’une vie agréable pour sauver la planète », Carsten Schradin, directeur de recherche au CNRS

Avion, mode, viande, vidéo en ligne ou voiture, à quoi les Français, les Européens, les Américains et les Chinois sont-ils prêts à renoncer pour lutter contre le changement climatique ?

9 commentaires

Ecrire un commentaire

    • DAOUD

    Bonjour ! on continue de ses lamenter, c désolant. l’attention au sujet du problème des dérèglements climatiques a été attirée depuis plusieures années. aujourd’huit on parle de décatombe pour l’humanité, bravo ! et on y ajoute, il déjà trop tard?
    une des suggestions émise consitait en la nécessité du reboisement pour reconstituer les superficies détruites , créer des puits de carbone en des endroits judicieusement sélectionnés et pourquoi pas faire en sorte que les espaces boisés ne diminuent pas mais augmentent.
    prenos l’exemple du contineent Africain, au portes de l’Europe, qui a subit le + de dégradation, n’a pas retenu les préoccupations utiles pour sa sauvegarde de manière à faire jouer son role naturel de puit de carbone susceptible de favoriser la lutte contre le réchauffement et par là mème à la régulation des climats. A+

    • xavier78

    A nous au quotidien de limiter l’utilisation de matieres premieres et nos déplacement couteux en CO2 et ne rien attendre des gouvernements qui prendront des mesures bien trop tard

    • Solange

    BONJOUR TRISTESSE !! oui ! c’est ça l’avenir de nos enfants et petits enfants, sur toute la planète

    • Balendard

    Il va falloir que nous prenions en compte
     » Le temps qui passe » voir

    http://infoenergie.eu/riv+ener/Le%20temps%20qui%20passe.pptm

    • Balendard

    Je reviens sur ce sujet très important

    Nous avons certes poussé le bouchon un peu trop loin avec le nucléaire et la combustion mais l’opinion de AFP selon laquelle il faut « créer » de nouveaux écosystèmes pour solutionner nos problèmes énergétiques actuels est à l’évidence exagérée.

    Il « va suffire » selon le porte parole des Lutins thermiques de les respecter (les écosystèmes).

    Le ton apocalyptique du GIEC si nous ne faisons rien pour modifier nos chaînes énergétiques actuelles est justifié mais les hommes vont être capables, je pense, de changer leur destin par des mesures immédiates et drastiques. Ceci en prenant en compte le premier poste du fichier :
    http://infoenergie.eu/riv+ener/Sources%20potentielles.htm
    consistant à dominer le gâchis actuel.

    Le lecteur intéressé par ce sujet de réflexion peut prendre connaissance de l’essentiel:
    http://infoenergie.eu/riv+ener/essentiel.pdf

    • Maya

    Très peu de gens croient en cette apocalypse. Ils ne réagiront que lorsqu’ils y seront personnellement confrontés, et ce sera bien sûr trop tard. Les activités humaines polluantes vont redoubler après ces confinements dus au Covid. C’était pourtant le moment de changer et de tout repenser. Mais on ne peut pas faire repenser 7 milliards d’individus… Le véritable et unique problème de notre planete, que seuls quelques scientifiques osent évoquer, c’est la surpopulation.
    Nous sommes beaucoup trop nombreux sur cette terre, et la nature va se charger de régler le problème, comme elle l’a toujours fait. La disparition des dinosaures qui empêchaient toute autre forme de vie en est un exemple. Ce qui est vraiment dommage, c’est qu’avec nous vont disparaitre les plus belles espèces ayant jamais existé depuis des millions d’années.

    • Méryl Pinque

    Avant l’humanité, ce sont d’abord les autres animaux qui vont trinquer et qui trinquent déjà. Par notre faute.
    Nos crimes envers eux sont innombrables, innommables, inexpiables.
    Nous ne valons RIEN.

    • Gabriel MOUSSALLI

    Quelque part, je suis heureux de lire ce nouveau rapport. Car à présent, il va être de plus en plus difficile de rester climato-sceptique! Puisse ce compte-rendu changer les consciences de nouvelles personnes.
    Et, en effet, il est plus que temps de changer nos habitudes de vie en profondeur. Pour cela, il faut lâcher les peurs qui nous en empêchent, comme la peur du manque de confort, de nourriture… la peur de perdre toutes nos possessions. Car en fait, ce ne sera pas une perte que de lâcher tout ça, mais un gain! Oui, un gain dans nos relations aux autres, à la nature et à soi.
    Un nouveau monde, une nouvelle humanité peut émerger du chaos, mais il faut que chacun-chacune décide de changer individuellement. Arrêtons de pointer l’autre du doigt et prenons-nous en charge!
    Et, même si c’est déjà trop tard, ne baissons pas les bras, restons positifs. La vie ne se résume pas à celle des êtres humains sur cette terre. Si l’humanité s’éteint, la vie continue ici ou ailleurs.

    • Steph

    Regardez la production de tonnes de plastique depuis 30 ans, c’est exponentiel. C’est impossible que cela s’arrete du jour au lendemain ou inverser la courbe. C’est mort de chez mort, c’est une évidence mathématique. Et dans l’hypothèse ou rien ne viennent aggraver la situation entre temps et des raisons il y’en a beaucoup. Je prends pour exemple les aborigènes qui oralement ont transmis les dangers de la nature pour s’en prémunir sur des centaines de générations et nous on autorise des constructions sur des zones inondés il y’a 50 ans. L’homme mérite ce qui va lui arriver et pour ceux qui survivront et c’est cela qu’il faut deja commencer par esperer et preparer, auront assez de connaissances, de ressources, d’intelligence collective (arretons de croire que nous le sommes !!!) pour rebondir. Je suis autant en colere contre les climatosceptiqurs que les climatoptimistes. Sortez ces scientifiques des etudes et calculs et faites les rencontrer des économistes, des financiers, des décideurs, des Warren Buffet, des Jeff Bezos etc, etc… et mettez en corelation toutes, je dis bien toutes les courbes de croissance, developpement, climatique etc et ce serait avec un immense plaisir que m’agenourrais à plat ventre devant celui ou celle qui me demontrera que nous ne sommes pas deja dans le mur.