Jane Wynne, l’infatigable Haïtienne qui veut sauver la planète


Jane Wynne tenant une plante à Kenskoff, en Haiti, le 5 mars, 2021 © AFP Valerie Baeriswyl

Kenscoff (Haïti) (AFP) – Sa longue chevelure blanche nouée en tresse sur son épaule, Jane Wynne arpente toujours avec le même enthousiasme le jardin médicinal planté au cœur de la montagne haïtienne: son militantisme écologique, elle l’a reçu tel un héritage génétique.

« Depuis que j’étais toute petite, mon père me disait +il ne faut pas penser à nous seulement, à Kenscoff, mais il faut aller plus large, Haïti et puis la planète. Mais pour toucher la planète, il faut commencer localement, même si c’est juste le mètre carré où nous sommes+ », se rappelle Jane, aujourd’hui âgée de 75 ans.

D’un père américain et d’une mère haïtienne, elle naît dans une commune du bord de mer à proximité de Port-au-Prince. A 10 ans, elle découvre le village de Kenscoff dans les montagnes qui surplombent la baie.

« Mon père voulait faire une ferme de démonstration car il avait déjà réalisé que l’érosion commençait », se souvient Jane.

– « Toujours la seule femme » –

Dans un pays culturellement machiste, elle a au fil des ans développé son expertise dans l’univers agricole pourtant dominé par les hommes.

« S’il y avait un groupe pour faire une plantation à la montagne, ce n’était que des hommes: je me trouvais toujours la seule femme » témoigne Jane en étouffant, telle une enfant, son rire aigu à deux mains.

Porter sur la tête l’eau pour arroser les jardins, ou les fruits d’une récolte pour aller les vendre au marché: telles sont en Haïti les tâches harassantes qui incombent aux femmes de la sphère paysanne.

« Même si j’avais une jupe, je portais toujours mes bottes pour monter à la montagne », se remémore Jane Wynne du début de sa vie d’adulte.

« On me regardait comme si j’étais une extraterrestre. Les gens se disaient: +Elle, avec des bottes? Qu’est-ce qu’elle pense? C’est un métier d’homme+ », rigole-t-elle avec malice.

Après le décès de son père en 1994, elle a repris le flambeau pour la préservation des plus de 12 hectares de la réserve écologique.

« C’est un combat familial : j’ai mes enfants qui travaillent, mes petits enfants aussi, quand ils sont en Haïti, et la famille s’est élargie » explique Jane qui compte, selon les saisons, entre 15 et 25 personnes dans son équipe.

L’un de ses deux filles, Mélissa Day, est à ses côtés au quotidien.

En Haïti où la pollution des eaux, des sols et de l’air est incontrôlée, elle sait combien immense est la mission que s’est choisie sa mère d’éveiller les consciences de ses compatriotes.

Alors qu’elle vient de passer la matinée à sensibiliser un groupe d’écoliers à la protection de l’environnement, Mélissa scrute le chemin où les jeunes n’ont pas manqué de semer quelques déchets en plastique.

« Ma mère, c’est une femme vaillante qui porte un flambeau depuis des années qui n’a pas peur de l’obscurité, elle avance » témoigne avec admiration Mélissa.

Enseignant le yoga à la Wynne Farm, la jeune quadragénaire à la silhouette élancée tente parfois de tempérer le dynamisme de sa mère.

« Jane est têtue! Heureusement je lui ai interdit de continuer à conduire sinon elle irait partout dans le pays: elle n’a pas peur » assure Mélissa en riant.

– Menaces d’hommes en armes-

Si l’insécurité s’accroît ces dernières mois en Haïti avec la prolifération des gangs, cela fait longtemps que les terres de la réserve écologique attirent les convoitises d’individus voulant bâtir des résidences dans la fraîcheur de la montagne.

« Nous avons fait face plusieurs fois à des situations désagréables, des hommes en arme, plusieurs années de menaces contre notre équipe et nos animaux » détaille sobrement Mélissa Day.

Tout en étant prudente, Jane Wynne n’a jamais jeté l’éponge.

Veillant à ce que son berger allemand Zao ne rentre pas dans l’enclos avec elle, la militante s’amuse à nourrir les deux alpagas récupérés du mini-zoo qu’avait ouvert une fondation religieuse voisine.

« Jane a la même énergie que quand elle avait 10 ans. Elle est une source qui donne tant de connaissances » témoigne Pierre Michard Beaujour, agronome qui travaille à la réserve écologique.

Infatigable, Jane Wynne veut convaincre les jeunes de l’urgence de la situation.

« Dans dix ans, les gens de Port-au-Prince en bas vont avoir beaucoup de problèmes pour trouver de l’eau parce qu’on déboise trop, on construit aujourd’hui sur le sommet ici où trois rivières prennent naissance » alerte une fois encore la militante.

Un commentaire

Ecrire un commentaire

    • huchet

    BRAVO A CETTE PERSONNE .
    HEUREUSEMENT QUE DES PERSONNES COMME ELLE EXISTE .
    JE SUIS ADMIRATIVE …….
    JE VOUS ADMIRE POUR VOTRE TRAVAIL ;