Le « Comment osez-vous? » de Greta Thunberg, grand moment du mouvement climatique

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Greta Thunberg et son père Svante (derrière), le 17 septembre 2019 près du Capitole à Washington © AFP Eric BARADAT

Washington (AFP) – Avec ses « Comment osez-vous? » impérieux adressés aux dirigeants mondiaux à l’ONU lundi, la jeune Suédoise Greta Thunberg a confirmé sa place de porte-parole de toute une génération sur le climat, fruit d’un an de son propre acharnement, martèlent ceux qui la connaissent.

S’il n’a pas vraiment fait bouger les leaders qui se sont exprimés après elle, son discours de quatre minutes et demie est devenu immédiatement viral, suscitant des dizaines de milliers de partages et de commentaires sur les réseaux sociaux.

Le statut dominant de Greta Thunberg dans le mouvement climatique n’est pas si difficile à expliquer, disent ceux qui ont côtoyé la lycéenne de 16 ans, en année sabbatique et qui parle très bien l’anglais.

« Elle a fait quelque chose d’inhabituel, une grève de l’école, alors que l’école c’est vraiment important pour les enfants », dit à l’AFP Jennifer Morgan, directrice exécutive de Greenpeace International. Cette grève, elle l’a lancée à Stockholm avec sa pancarte en août 2018.

La simplicité de l’action a vite fasciné en dehors de Suède, et un an après, ces grèves, régulières ou occasionnelles, ont gagné des dizaines de pays, propagées par les réseaux sociaux.

« Sa parole est très claire, et elle a prononcé des mots au sommet qui sont ressentis par énormément de gens », juge aussi Jennifer Morgan.

« Elle parle avec tant de passion qu’on est obligés d’écouter », dit à l’AFP la directrice exécutive d’Oxfam International, Winnie Byanyima.

Cette forme d’expression –toujours brève, percutante, et illustrée de quelques données scientifiques bien choisies– contraste avec les discours d’autres jeunes, comme on a pu le voir le week-end dernier à un sommet de jeunes. Certains s’expriment déjà comme leurs aînés, récitant de longs textes sans vrai sens de la formule.

La singularité de son expression, tantôt réservée, tantôt brute, est influencée par son syndrome d’Asperger, une forme légère d’autisme, dont elle dit qu’elle l’a rendue « très directe ».

« Tout le mouvement qu’elle a inspiré, ainsi que son discours d’hier, jouent un rôle très important pour faire évoluer l’air du temps », dit à l’AFP Bill McKibben, fondateur de l’organisation 350.org, active dans le mouvement des grèves.

« Notre idée de ce qui est normal et attendu est en train de changer de plus en plus vite grâce au travail de Greta », ajoute l’écologiste, qui l’a vue à Washington et New York.

Comme la jeune Pakistanaise Malala Yousafzai pour l’éducation des filles ou l’ancien lycéen américain David Hogg qui milite contre la prolifération des armes à feu, Greta Thunberg a été accusée d’être une enfant manipulée.

Elle-même a répondu qu’elle n’était pas une marionnette: « Il n’y a personne +derrière+ moi, à part moi », a-t-elle écrit sur Facebook en février. « Et oui, j’écris mes propres discours. Mais comme je sais que ce que je dis atteindra beaucoup, beaucoup de gens, je demande souvent des avis ».

Son entourage donne à l’AFP plusieurs noms de scientifiques réputés qu’elle consulte: Johan Rockström, Stefan Rahmstorf, Kevin Anderson, Jean-Pascal van Ypersele, Glen Peters…

« Je suis convaincu qu’elle écrit ses textes elle-même pour l’essentiel, même si elle les fait relire », confirme à l’AFP le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele, en contact régulier avec elle et son père. Par messages, il l’a aidée encore la semaine dernière à préciser un point avant son intervention au Congrès américain.

Même commentaire de Kevin Anderson, de l’université de Manchester: « Je suis certain que Greta écrit ses propres discours, mais vérifie de façon appropriée la rigueur des faits, déclarations scientifiques et chiffres avec divers spécialistes ».

« Si elle passait dix minutes avec le président Trump à parler de physique et de chimie planétaires, à votre avis, qui dominerait? », demande Bill McKibben, admiratif.

Evidemment, elle ne voyage pas toute seule. Son père, le comédien devenu producteur Svante Thunberg, l’accompagne, ainsi qu’une amie de famille de longue date. Callum Grieve, de l’association Every Breath Matters, était aussi présent à Washington.

Elle ne gère pas non plus seule le déluge d’invitations et de demandes d’interviews. Les sociétés de communication spécialisées sur le climat et les ONG Climate Nexus et GSCC gèrent la logistique des demandes de presse, pro bono. De multiples ONG sont en contact pour coordonner des événements, comme 350.org, qui fait passer des invitations. « Elle n’a pas de grandes ONG derrière elle, elle est sa propre personne », dit la porte-parole de 350.org Kim Bryan.

Greenpeace Suède l’a un peu aidée l’hiver dernier avec de la nourriture et du soutien, dit Jennifer Morgan, mais à part cela, Greenpeace n’aide pas Greta Thunberg.

« Elle sait qu’elle peut nous appeler, mais elle a vraiment sa propre personnalité », dit-elle. « C’est du pur Greta ».

© AFP

5 commentaires

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    • sophie

    Greta , dont je soutiens globalement l’ engagement, va top loin avec son emportement typique de la jeunesse : radical et sans recul.

    Elle omet ( ou plutôt ignore ) que la très grande majorité des citoyens-consommateurs refuse de faire les efforts indispensables: allez leur proposer de vivre selon les principes de la « sobriété heureuse » à des voisins, des collègues de travail ,des parents . Faites le test!
    Elle omet ( ou ignore) la complexité du Monde et ce que diriger un pays, dans toutes ses dimensions, signifie.
    Enfin, comme beaucoup d’ adultes soi dit en passant, elle omet que la coopération est plus constructive que l’ accusation.

    Pour sa santé comme pour le succès de son juste combat, je me demande si Greta ne gagnerait pas à faire une pose médiatique et agir un peu dans l’ anonymat quelques temps avant de revenir sur le devant de la scène.

      • Hervé

      Que va-t-il se passer sans « sobriété heureuse »? Un désastre avec le malheureux pour la nature et la vie des hommes. La coopération n’a pas été assez constructive. Le constat est accablant. Il est donc aussi absolument nécessaire d’en tirer immédiatement les leçons. Remplacer un coopération stérile et dangereuse, par une coopération active et efficace qui terrorise les inactions et sanctionnent les hommes politiques qui ont faillit à leurs missions d’assurer une vie descente à nos jeunes générations.

    • Michel CERF

    Eh oui , les choses ne sont pas si simples , je ne vois personne autour de moi renoncer à son confort et ses habitudes , à la moindre contrainte on enfile stupidement son gilet jaune , accabler le gouvernement , c’est facile mais ses gens ne pensent qu’à leur petite personne et ignorent la complexité de concilier l’économie , le social et l’écologie .

  • je rejoins Sophie qui estime qu’une pause ne nuirait au combat de Greta et est souhaitable pour sa santé. Il n’est plus nécessaire pour elle de voyager pour faire passer son message. il est passé

    Quant au souhait de Michel de réconcilier l’économie, le social et l’écologie je rejoins tout a fait ses préoccupations : cela va être indispensable comme je l’ai dit dans mon livre sur la chaleur renouvelable :
    – l’économie pour réduire la dette
    – le social pour atténuer la pauvreté
    – l’environnement afin que chacun d’entre nous vive dans un monde équilibré et
    favorable à sa santé comme le stipule notre constitution.

    Pour y parvenir la notion de
    « sobriété heureuse » d’Hervé me semble essentiel. Je l’ai ressenti très fort pour le chauffage de l’habitat, le poste le plus lourd en terme de consommation, lorsque je me suis rendu compte dans le cadre de la « solar water economy » que la nature pour généreuse qu’elle soit ne pourra satisfaire tout le monde dans les grandes métropoles comme Paris que moyennant un rééquilibrage des besoins de chacun d’entre nous. Grâce à la mise en garde d’Hervé j’entrevois à ce sujet sur le plan fiscal une orientation qui permettrait d’éviter que le gilet jaune n’enfile trop souvent son gilet

    • Aymard

    Cette gosse a « la science infuse ». Elle devrait se déguiser en vert, couleur qui lui irait très bien avec sa G. G. !