L’Allemagne accouche dans la douleur d’un grand plan climatique

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Des militants écologistes bloquent le trafic automobile sur le pont Jannowitz à Berlin le 20 septembre 2019 © AFP AXEL SCHMIDT

Sous la pression de manifestations massives dans toute l’Allemagne, les partis de la fragile coalition gouvernementale d’Angela Merkel ont fini par s’accorder sur les grands points d’une stratégie climatique vendredi après des négociations marathon.

« Il y a un accord avec beaucoup de mesures et un mécanisme de vérification annuel » visant à s’assurer que les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre seront atteints, ont indiqué à l’AFP des sources proches du gouvernement.

Les détails du compromis, conclu après quelque 18 heures d’âpres discussions, doivent être dévoilés lors d’une conférence de presse prévue vers 12h30 GMT. Auparavant, il doit être adopté en conseil des ministres.

L’enjeu consiste à prendre des mesures pour inciter les Allemands à réduire les émissions polluantes, et permettre au pays, aujourd’hui en retard, d’atteindre ses objectifs de réduction d’émissions polluantes.

L’annonce intervient alors que des dizaines de milliers de manifestants, 80.000 selon les organisateurs, s’étaient rassemblés à Berlin à l’emblématique Porte de Brandebourg, en ce jour d’un mouvement mondial de grève pour la défense du climat.

La mobilisation devrait être particulièrement bien suivie en Allemagne, où les écologistes ont le vent en poupe et enchaînent les succès électoraux.

Pression

Au total, des manifestations doivent avoir lieu dans 575 villes allemandes, « du jamais vu », a estimé la porte-parole allemande du mouvement FridaysforFuture, Luisa Neubauer dans un tweet.

Selon le projet d’accord en discussion, des investissements d' »un montant à trois chiffres en milliards d’euros », soit au moins 100 milliards d’euros, sont prévus d’ici à 2030.

Les partis se sont particulièrement disputés sur son financement, rendu extrêmement compliqué par le fait que le gouvernement refuse de contracter de nouvelles dettes, conformément à sa politique d’orthodoxie budgétaire du « Schwarze Null ».

Les négociations achoppaient en particulier sur un modèle de tarification des émissions de CO2, où l’essence, le diesel, le gaz de chauffage ou le fioul pourraient être intégrés dans un marché national de certificats et voir leur prix monter, d’environ 11 centimes par exemple pour le litre de diesel.

Question centrale: où fixer le curseur pour à la fois avoir un prix suffisamment élevé afin d’inciter les consommateurs à opter pour les solutions les moins polluantes, mais en même temps ne pas provoquer de levée de bouclier de l’opinion, à l’exemple du mouvement des gilets jaunes en France ?

Il est question dans les discussions de prix plancher et plafond sur ce marché.

Concrètement, la stratégie du gouvernement comprend aussi une panoplie de mesures destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’énergie, le bâtiment, l’agriculture, l’industrie et les transports.

Cela va de la promotion des transports publics et des trains, à l’augmentation du prix des voyages en avion en Allemagne, ou à diverses subventions pour le développement des voitures électriques ou pour des chauffages individuels efficaces et propres.

Gouvernement fragile

Parallèlement, il s’agit de mettre un coup d’accélérateur sur le développement d’énergie propre (solaire, éolien ou biomasse), dont la part dans la production d’électricité dans le pays doit monter à 65% en 2030 contre 40% actuellement.

La pression pesant sur le gouvernement Merkel est grande: il doit répondre aux attentes de la mobilisation initiée par les jeunes de FutureforFridays, mouvement créé par l’égérie suédoise Greta Thunberg. Et un accord paraît indispensable à la survie de la coalition elle-même, très fragile depuis sa difficile constitution l’an dernier.

Le ministre social-démocrate des Finances Olaf Scholz a directement lié la poursuite de la coalition, très impopulaire en Allemagne, à l’élaboration d’un « grand projet climatique ».

L’Allemagne a certes décidé en début d’année d’abandonner le charbon d’ici 2038, mais il lui reste à programmer la fermeture de ses mines et centrales. Un chantier d’autant plus délicat qu’elle doit parallèlement achever d’ici 2022 sa sortie du nucléaire, décidée en 2011 après la catastrophe de Fukushima.

Et sa puissante industrie automobile a longtemps privilégié les véhicules essence ou diesel avant de prendre sur le tard le virage de l’électrique.

Résultat: le pays qui s’était engagé à réduire les émissions de CO2 de 40% comparé à 1990, n’aura atteint qu’un tiers. En 2030, il vise une réduction de 55%.

© AFP

2 commentaires

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  • Contrairement à ce que l’on pouvait espérer suite aux accords de Paris sur le climat de fin 2015 c’est donc l’Allemagne et non pas la France qui pourrait bien faire figure de leader en ce qui concerne le changement climatique.

    Elle suit avec raison les conseils du secrétaire général de l’OCDE qui estimait il n’y a pas bien longtemps qu’il vallait mieux faire partie de ceux qu’ils établissent les règles. plutôt que de se compter au nombre de ceux qui font le choix de les adopter.

    Nous apprendrons plus en détail la nature de ces règles et il y a tout lieu de penser que notre intérêt sera de les respecter

  • Cela est stupide de ma part mais quand je dis « notre intérêt est de les respecter » je pense à la photo de ces contestataires du régime economique actuel qui les montre debout sur un bloc de glace qui fond avec une corde autour du cou qui commence à se tendre

Le journaliste Thomas Blosseville, auteur du Nucléaire (presque) facile ! : « on peut légitimement se demander si le nucléaire est une solution pour le monde tel qu’il sera dans les prochaines décennies »

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