Allemagne: l’éolien, pilier de la transition énergétique, vacille

Allemagne, l'éolien

Une turbine éolienne au premier plan, devant les installation d'une centrale à charbon près de Niederaussem en Allemagne le 25 avril 2019. © AFP/Archives INA FASSBENDER

Pilier de la transition énergétique allemande, l’éolien voit plonger les investissements et affronte l’hostilité croissante des riverains, poussant le gouvernement d’Angela Merkel à organiser jeudi une réunion de crise.

Après des années de hausse de ses capacités, le secteur assure désormais un cinquième de la production allemande d’électricité, mais subit une crise ouverte aux ramifications sociales et politiques.

Plus de 600 initiatives citoyennes ont fleuri contre les nouvelles installations d’éoliennes et dans l’Est, l’arrondissement de Saale-Orla offre 2.000 euros à qui s’assure un avis d’expert contre ces modernes moulins à vent.

« Protégeons nos paysages, les hommes et les animaux »: le parti d’extrême droite AfD, prompt à surfer sur les colères du moment, a fait de la lutte contre l’éolien l’un de ses principaux thèmes de campagne lors des élections régionales dans le Brandebourg la semaine dernière.

« En ce qui concerne l’expansion de l’éolien terrestre, l’Allemagne est passée de la voie rapide à la bande d’arrêt d’urgence », résume Achim Derck, président de la fédération allemande DIHK des chambres de commerce et d’industrie.

Le nombre de nouvelles turbines installées en Allemagne depuis le début de l’année est en recul de 82% sur un an, indique la fédération allemande du secteur (EBW). En 2018, l’Allemagne s’est dotée d’une capacité supplémentaire de production inférieure de moitié à celle de 2017.

Les appels d’offres pour attribuer de nouvelles capacités de production ne trouvent pas preneurs, une tendance jugée « inquiétante » par l’agence fédérale des réseaux.

26.000 emplois supprimés

Cette crise de l’éolien « remet en cause le succès de la transition énergétique en Allemagne », déplore Hermann Albers, président de la fédération allemande de l’énergie éolienne (BWE), dans un entretien à l’AFP.

L’Allemagne compte fermer sa dernière centrale nucléaire en 2022 et se débarrasser du très polluant charbon d’ici 2038. Les énergies renouvelables, éolien et solaire en tête, doivent pour cela poursuivre leur montée en puissance pour représenter 65% de la production d’électricité en 2030, contre 40% aujourd’hui.

Selon plusieurs acteurs du secteur, le point de bascule a été atteint en 2016, lorsque le gouvernement, jugeant le secteur arrivé à maturité et les subventions trop lourdes pour le contribuable, a modifié ses aides.

L’amendement à la loi énergétique allemande (EEG) a supprimé les revenus garantis, et favorisé la mise en concurrence via des appels d’offres.

Pour les investisseurs, déjà confrontés à la concurrence étrangère et aux longs délais d’attribution des permis de construire, ce changement de cap a achevé de transformer l’éolien allemand en épouvantail.

Dans les mois qui ont suivi, 26.000 emplois ont été supprimés dans ce secteur en Allemagne, soit plus que dans le charbon, selon les chiffres récemment publiés par le Bundestag à la demande du parti de gauche Die Linke.

‘Genou à terre’

« Nous avions tiré la sonnette d’alarme. Mais la raison pour laquelle le gouvernement allemand s’est engagé sur cette voie reste à ce jour un mystère », critique M. Albers.

Le ministre allemand de l’économie, Peter Altmaier (CDU), a décidé de convoquer jeudi une consultation de crise à huis clos avec les différents acteurs du secteur, deux semaines avant l’annonce d’un vaste « plan climat » allemand, censé permettre à Berlin de rattraper son retard en terme d’objectifs climatiques.

Pour relancer l’expansion du réseau, les acteurs allemands de l’éolien exigent notamment une réglementation uniforme dans le pays, alors que les distances imposées aux éoliennes par rapport aux habitations varient d’une région à l’autre.

« Je n’ai pas l’impression que le gouvernement allemand comprenne qu’il est en train de détruire un écosystème économique source d’ingénierie de pointe, d’innovation, qui a pris du temps a être créé et qui a fait beaucoup pour la réputation de l’Allemagne », regrette Yves Rannou, patron du fabricant d’éoliennes Senvion.

Cette entreprise de 4.400 salariés, installée près de Hambourg, a annoncé fin août mettre la clé sous la porte, touchée de plein de fouet par l’effondrement du marché allemand en 2016, qui représentait 60% de ses revenus, contre 20% aujourd’hui.

« Nous ne sommes que la partie émergée de l’iceberg, les premiers à mettre genou à terre mais pas les derniers », avertit le patron.

© AFP

6 commentaires

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  • En raison de sa puissance industrielle et de son souhait de s’orienter vers les renouvelable l’Allemagne a cru pouvoir s’engager dans cette voie mais elle se rend maintenant compte au moment où l’éolien fourni sensiblement le cinquième de ses besoins en électricité qu’il lui faut regarder ailleurs.

    Protéger nos paysages en éloignant la source de production électrique de nos habitations va à l’encontre de notre intérêt de rapprocher la source de production du lieu d’utilisation. Cette considération importante est moins contraignante avec le voltaique qui présente peut-être l’inconvénient d’être intermittent mais qui en contrepartie est moins aléatoire que l’éolien.

    Une autre considération aussi importante est celle concernant le prix de revient du kWh électrique qui fait qu’avec l’éolien, ce dernier est supérieur à celui du voltaique en raison de la complexité de la chaîne énergétique avec présence de boîtes mécaniques, d’alternateurs et de couteuses pales en matériaux stratifié avec en plus un risque de casse en zone cyclonique

    Le potentiel éolien « on shore » de l’Europe est peut-être comme le pense Mr Deboyser dans le blog « révolution énergétique » plus important que l’estimation qui en avait été faite jusqu’à présent mais prétendre en mettant tout dans le même panier que cette chaîne énergétique pourrait satisfaire à elle seule l’ensemble des besoins en électricité de l’Europe en ne faisant appel ni au nucléaire ni à la combustion des produits fossiles et en oubliant le Soleil n’est assurément pas la solution.

    je vais prouver cela pour ce qui concerne la région parisienne dans une intervention que je compte faire à l’IESF début 2020

    • Tina92

    Bonjour,
    J’ai entendu parler très récemment d’une entreprise à Hambourg qui construit et utilise de grand cerf-volants bourrés de capteurs pour produire de l’électricité à un prix très intéressant (sans les gros inconvénients des éoliennes: matériaux très coûteux, laids et pas recyclables + oiseaux écrabouillés!) et de faire avancer de grands bateaux : quelqu’un connait ??
    En France , il y aussi l’utilisation de la force des marées…

    • Oui ma femme est allemande et je m’intéresse ce que fait l’Allemagne

      ce qu’il faut savoir c’est que le vent à 400 m d’altitude est sensiblement deux fois plus importants qu’à une cinquantaine de mètres du sol. Cela signifie 8 fois plus de puissance

      Quiconque fait du kitesurf sait que l’aile volante a une tendance naturelle à faire un 8 dans le ciel. Dans ce mouvement naturel la tension sur le câble relié au sol augmente et diminue dans un cycle répétitif.

      cette variation de la tension est utilisée par un mécanisme au point d’ancrage pour produire de l’électricité

  • Quoi qu’il en soit je suis plutôt terre à terre et concernant notre transition énergétique j’ai plus confiance dans la « Solar Water Economy » que dans ce dispositif.

    Je transmets tout de même le lien Goodplanet à l’APPEM dans le cas où il serait intéressé pour le Mezenc aux sources de la Loire

    • Trabut

    Le moulin d’Alphonse Daudet, ça c’est beau !
    Il faudra attendre combien de dizaines d’années (de générations) pour accepter l’esthétique aérodynamique d’aujourd’hui ?
    Le rendement d’une éolienne est 3 fois plus faible que celui des centrales thermiques (charbon, fuel, nucléaire), mais les 70 % de l’énergie PERDUE par ces dernières, n’est qu’une énorme pollution supplémentaire ! Alors que les 90% de vent, ce n’est que du vent…
    Je propose à ceux qui s’opposent aux éoliennes, et qui consomment de l’énergie (comme tout le monde) une chose qui ne se voit pas : l’enfouissement des déchets nucléaires dans le sous-sol de leur région. Intéressant non ?
    Ce Balandard (qui n’est rien d’autre que Grossemann), a des arguments partisans étonnants; quant-aux oiseaux, ça ne vole pas bien haut…

    • Oskar Lafontaine

    L’obstacle principal à l’éolien en Allemagne n’est pas cité dans cet article et c’est dommage, il s’agit de l’oppositions des populations à la pose de nouvelles lignes électriques à haute tension pour acheminer vers l’Allemagne du sud, l’électricité des éoliennes offshore en mer du Nord et mer Baltique. Les futurs riverains de ces nouvelles lignes, en plus de l’aspect esthétique discutable, s’inquiètent, et non sans raisons, des champs électromagnétiques induits par ces lignes électriques. Les enterrer, d’abord serait très onéreux et ensuite ne protégerait nullement des champs électromagnétiques intenses de ces lignes, il faudrait entourer les câbles d’un blindage spécial en mu-métal, seul alliage connu ayant la propriété rare de bloquer un champs électromagnétique, même celui qui oriente l’aiguille d’une boussole et qui continuerait d’indiquer le nord, même dans une cage de Faraday entièrement close, blindée d’un mètre d’épaisseur et plus d’acier, seul un alliage en mu-métal, le permettrait.