Paris (AFP) – Impacts sur la production, sur l’environnement et risques potentiels pour la sûreté : canicule et centrales nucléaires ne font pas bon ménage, mais les acteurs du secteur se veulent rassurants.
L’eau source de préoccupation
Pour la canicule en cours, EDF n’a pas eu besoin de freiner son activité, mais l’été est loin d’être terminé.
En août 2018, la poussée du mercure avait contraint l’exploitant à moduler voire interrompre la production de réacteurs à Bugey, Saint-Alban et Fessenheim, pour cause de surchauffe du Rhône et du Grand Canal d’Alsace. À Bugey, une vigilance vient juste d’être levée, selon EDF.
Objectif : limiter l’échauffement de l’eau nécessaire au refroidissement des réacteurs, prélevée puis rejetée dans les rivières. Cette mesure, encadrée par des limites réglementaires de températures de l’eau à l’aval, vise à limiter les dégâts sur la faune et la flore environnantes.
Cette question de l’eau, outre des contraintes de production, pose aussi des contraintes de sûreté quand les fleuves et rivières atteignent un niveau et un débit trop faibles, freinés par des canicules à répétition et les sécheresses qui les accompagnent.
« En 2018, il n’y a pas eu de phénomène d’étiage perturbant l’exploitation ou mettant en cause la sûreté des réacteurs », souligne l’Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN).
Mais après un hiver déficitaire en pluies, l’état des fleuves le permettra-t-il cette année ? EDF assure qu' »il n’y a pas d’inquiétude à ce jour ».
Avec le réchauffement climatique, le débit moyen des cours d’eau devrait diminuer, de 10 à 40% à horizon 2050-2070 comparé à aujourd’hui, selon le ministère de la Transition énergétique. Ce qui promet une multiplication des conflits d’usage : agricole, domestique, industriel, énergétique etc.
Équipements renforcés
Quid de l’air ? Au cœur de la centrale, des températures élevées peuvent, en cas d’équipements sous-dimensionnés, affecter le fonctionnement des ventilations et les capacités de refroidissement des systèmes de sûreté pour évacuer la puissance du réacteur, souligne l’IRSN.
Les températures maximales de référence, fixées à la conception des centrales dans les années 70, ont été dépassées en 2003, poussant EDF à les réviser et à renforcer ses équipements.
Les performances des échangeurs thermiques refroidissant l’eau des systèmes de sûreté avec l’eau de la rivière (ou de la mer) ont été augmentées, des climatiseurs installés, des batteries froides ajoutées sur certains systèmes de ventilation…
« Dans les locaux des bâtiments de sauvegarde, il y a des pompes, des diesels, tout un tas de systèmes de sauvegarde qui fonctionnent correctement jusqu’à une certaine température », explique Olivier Dubois, adjoint au directeur de l’expertise de sûreté de l’IRSN.
Lors des examens décennaux de sûreté, EDF continue à revoir ses températures de référence, en fonction aussi des prévisions climatiques du Giec, ajoute-t-il. Les ventilations de certains locaux devront ainsi être renforcées pour les réacteurs de 900 MWe.
Diesels de secours au crible
« On considère que les modifications engagées par EDF sont suffisantes pour gérer la situation, même si les épisodes caniculaires se reproduisent », résume M. Dubois. « Sous réserve des essais sur les diesels ».
Ces groupes électrogènes (ou « diesels ») de secours sont des matériels essentiels à la sûreté en cas d’accident, dont le fonctionnement pourrait être altéré par de fortes températures extérieures, craint l’IRSN.
« Si ces diesels ne produisent pas la puissance nécessaire en cas d’accident, là c’est un vrai problème de sûreté », explique Olivier Dubois. « On a donc demandé à EDF de les tester en période de grand chaud. Car quand la température de l’air augmente, le rendement du moteur baisse ».
Un essai a été mené la semaine dernière à Dampierre, qui doit être reproduit sur toutes les centrales.
« Une canicule est une agression qui peut mettre en cause la sûreté des centrales, donc c’est important, c’est quelque chose qui se produit presque chaque année » désormais, rappelle M. Dubois.
Quant aux risques pour l’approvisionnement en électricité, RTE, le gestionnaire du réseau à haute tension, rassure, pour cet été comme les suivants. « L’été, la consommation est tellement moins importante qu’en hiver (du simple au double) qu’il n’y aura pas de problème. Et plus ça va, plus les énergies renouvelables arrivent, et plus se pose la question inverse : comment gérer la forte production ? »
© AFP
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2 commentaires
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Grossmann
Notre chaîne énergétique de production électrique nucléaire actuelle nous a rendu de bons services pendant une cinquantaine d’années mais à l’heure du réchauffement climatique on comprend quand on lit ce texte que cette chaîne énergétique qui réchauffe notre environnement en affectant notre écosystème rivière est maintenant d’un autre âge.
Il est je pense temos de tenir compte de la citation de Ban Ki-moon
« On parle parfois du changement climatique comme s’il ne concernait que la planète et non ceux qui l’habitent »
Grossmann
En complement de ce qui precede on peut dire que les performances modestes de 30 % de cette chaines du fait des déperditions thermiques sont de plus aggravées par sa complexité et sa dangerosité résultant de sa corrélation avec le militaire.
Facteur aggravant, selon Laurence DAZIANO maître de conférence en économie, la fiscalité appliquée à l’énergie électrique déjà très coûteuse en raison de la complexité de la chaîne énergétique du nucléaire française serait plus élevée que celle imposée au gaz.
Cette situation paradoxale expliquant pourquoi le prix de l’électricité facturé à l’utilisateur français est égal à 3 fois celui du gaz!
En conclusion de ce qui précède il ressort que la politique de prix menée par l’État, qui incite le consommateur français à s’orienter vers les produits fossiles pour des raisons budgétaires va à l’encontre du but recherché qui est de réduire notre empreinte carbone en abandonnant progressivement les produits fossiles pour le chauffage de l’habitat.