Les canicules se répètent, marqueur du réchauffement climatique

Un homme se rafraîchit, à Lyon le 24 juin 2019 © AFP PHILIPPE DESMAZES

Un homme se rafraîchit, à Lyon le 24 juin 2019 © AFP PHILIPPE DESMAZES

Paris (AFP) – Les canicules à répétition, toujours plus précoces, sont un symptôme sans équivoque du déréglement climatique, soulignent les scientifiques au moment où une vague de chaleur recouvre une partie de l’Europe.

« Les vagues de chaleur sont le marqueur du réchauffement » planétaire, résume Jean Jouzel, ex-vice-président du Giec (experts climat de l’Onu).

« C’est à la fois ce qu’on observe, ce que le Giec attribuait déjà aux activités humaines dans ses précédents rapports, c’est là qu’il est le plus affirmatif, et clairement, le diagnostic est qu’elles vont devenir plus précoces, plus intenses, plus fréquentes ».

Toujours plus de cas

Stefan Rahmstorf, chercheur au Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), convoque la statistique : « Les étés les plus chauds relevés en Europe depuis l’année 1500 concernent tous le début du 21e siècle : 2018, 2010, 2003, 2016, 2002. Mondialement, les records de chaleur mensuels tombent cinq fois plus souvent qu’ils ne le feraient dans un climat stable ».

« Cette hausse des extrêmes de chaleur se déroule comme l’avait prévu la science, conséquence directe d’un réchauffement induit par les gaz à effet de serre liés à la combustion du charbon, du pétrole et du gaz », ajoute-t-il.

En France par exemple, ces 30 dernières années ont vu deux fois plus de vagues de chaleur que la période antérieure, et leur fréquence devrait encore doubler d’ici à 2050, souligne l’organisme national de la prévision. En 2016 et 2017 ce fut en juin et en septembre, et on pourra à l’avenir les attendre de fin mai à début octobre, débordant la seule période estivale.

Masses d’air surchauffées

Pourquoi cette recrudescence ?

« On aurait pu avoir cette configuration atmosphérique il y a un siècle », explique Etienne Kapikian, prévisionniste à Météo-France, qui surveille le phénomène en cours sur l’Europe.

« La différence est que les masses d’air aujourd’hui sont surchauffées. Les blocages anticycloniques de haute pression sont plus intenses que dans le passé, avec des masses d’air plus chaudes remontant du Sahara, ce qui amènent des extrêmes plus intenses ».

Aux degrés en plus s’ajoute le bouleversement de la circulation atmosphérique, avec le ralentissement des courants voyageant vers l’est en été, jet stream inclus, comme l’a montré le chercheur Dim Coumou, du PIK. « Ce qui favorise des conditions de chaleur et de sécheresse au-dessus du continent qui parfois se transforment en dangereuse canicule ».

Phénomènes périlleux

Selon le GIEC (le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), pics et records de chaleur croissent environ deux fois plus vite que les températures moyennes. Ainsi, si les températures prennent en moyenne 3 à 5°C dans la seconde partie du 21e siècle (par rapport à l’ère prè-industrielle), faute d’action suffisante pour réduire les émissions, les records gagneront eux 6° à 8°C.

Parfois durables, les vagues de chaleur s’accompagnent de sécheresse, et de conséquences sur la santé, notent les chercheurs.

Si l’on excepte les 75 000 morts de la canicule de 2003 en Europe, les événements climatiques provoquent en moyenne 3 000 décès par an sur le continent, relève Jean Jouzel. Avec un réchauffement de 3°C (horizon prévu si les États tiennent leurs promesses de 2015 de réduire leurs émissions), « le nombre de victimes des événements climatiques extrêmes pourrait être multiplié par 30 ou 40, dont 99% liés aux canicules », prévient le chercheur.

« Et l’Europe n’est pas la région la plus chaude de la planète », ajoute-t-il, préoccupé par l’Asie du sud-est, le Moyen-Orient ou certaines régions de Chine aujourd’hui très peuplées.

Alors que faire ? Chaque demi-degré de réchauffement global évité comptera, a montré le Giec en 2018, dans son rapport sur un réchauffement à une hausse de 1,5°C, limite pour protéger la planète d’impacts majeurs. Mais le monde est hors des clous et les émissions ont encore atteint un record l’an dernier.

Dans l’immédiat le réchauffement continuera à croître, et donc ses impacts, souligne le chercheur Hervé Le Treut, sous l’effet de gaz persistant des décennies dans l’atmosphère.

Donc il y a « urgence » à « anticiper » et à apprendre à s’adapter : « les canicules deviennent des objets dont on doit se prémunir », note-t-il, tout en œuvrant urgemment à réduire les émissions de demain.

© AFP

À lire également : Consommer plus pour affronter le climat, le cercle vicieux du réchauffement

 

6 commentaires

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    • Claude Renaud

    Toutes nos prévisions et tous nos projets ne vont pas dans le sens d’une réduction de nos gaz à
    effet de serre, loin sans faut. L’aviation fait encore des projets à 30 ans. Toutes les compétitions
    de haut niveau vont continuer à se faire autour de la planète, entrainant des déplacements incessants
    et lourds en bilan carbone. Les Jeux Olympiques d’hiver viennent d’être attribués à Milan, pour
    2026. Tous les sports mécaniques sont encore largement commentés dans la Presse. Le tourisme de
    masse, dévastateur, se développe encore et est encouragé. etc… Nous ne voulons rien céder.
    La seule espoir : un pétrole à 200 dollars ou une pénurie rapide !!!

    • Jean-Pierre Bardinet

    Les pics de chaleur et les canicules, qui ne sont pas des nouveautés en été, n’ont pas pour cause le petit réchauffement de +0,7°C en 130 ans, qui a quasiment cessé depuis près de 20 ans, mais des vagues de vents chauds venant des basses latitudes. Il faut noter que ces vents chauds n’ont pas encore atteint les zones côtières du Nord et de Bretagne, et donc on n’y trouve des températures fort agréables, ne dépassant pas 22°C.

    • Jean-Pierre Bardinet

    Dans les années 70-90, avant que les alarmistes inféodés aux thèses hypothétiques et non prouvées du GIEC ne viennent nous effrayer à propos de tout et n’importe quoi, il était normal qu’il y ait, dès le mois de juin, des pics de chaleur et des canicules en France, notamment dans le Sud et l’Est. Chacun savait gérer ces périodes chaudes, et, ô joie, aucun alarmiste, aucun Jean Jouzel, aucun média ne venait nous expliquer fort savamment que c’était une preuve de plus d’un réchauffement climatique aussi cataclysmique qu’épouvantable. C’était le temps de la raison et du bon sens, temps égaré dans l’obscurantisme de la Bien-Pensance Verte..

    • Jean-Pierre Bardinet

    @Claude Renaud,
    Vous avez oublié les déplacements incessants en avion pour les réunions sur le climat et les COP, dont les participants, donneurs de leçons, ne se privent jamais et ne viennent ni en bateau à voiles ni en chars à boeufs. S’ils veulent donner des leçons, qu’ils les appliquent d’abord à eux-mêmes et se gardent d’interdire aux gueux d’utiliser les moyens de transport qui leurs plaisent.

    • Jean-Pierre Bardinet

    L’année 1540, écrit Emmanuel Leroy-Ladurie, dans son Histoire humaine et comparée du climat, a été « formidablement xérothermique ». Ce terme d’apparence redoutable désigne simplement un climat plus chaud et plus sec. De mars à octobre cette année-là, tous les mois sont chauds et secs. Les cours d’eau sont tellement à l’étiage que l’on peut traverser le Rhin à pied. Le fameux anticyclone des Açores domine en juin dans l’Europe occidentale avant d’étendre encore son emprise vers l’Europe centrale : la Suisse du centre ne reçoit pas une goutte d’eau au mois de juillet. Comme le note un ancien recteur de l’université de Cracovie qui, tout comme l’admirable Jean Jouzel, tend à assimiler sa région à l’ensemble du globe : « sévère sécheresse à travers le monde entier » ! Mais cette chaleur abondante et sèche n’a rien d’exceptionnel au XVIe siècle : elle s’inscrit dans un « cycle tiède » de 1523 à 1562. En 1524, « l’échaudage » du mois de mai provoque une forte hausse du prix du blé, la chaleur torride favorisant l’incendie de Troyes qui détruit 1500 maisons et quelques églises. En 1545, nouveau coup de chaud et nouvelle montée du prix des céréales. C’est l’une des plus importantes crises de subsistances du siècle, et provoquée par la chaleur ! En 1556, la vendange a lieu le 1er septembre tant l’été a été brûlant ! Un curé note que « ladite sécheresse accéléra les moissons près d’un mois plus tôt que de coutume ». La moisson se révèle médiocre, en quantité mais pas en qualité. Le sire de Gouberville, qui vit dans le Cotentin, relève la brève pluie du 1er juin, la première depuis le commencement d’avril. En juillet des incendies de forêt sont signalés dans cette Normandie d’ordinaire plus humide.

    Ces canicules épouvantables ont eu lieu avec un faible taux de CO2 (280 ppm, soir 0,03%), ce qui fait que les explications faites dans cet article ne valent pas un clou.

    • Jean-Pierre Bardinet

    Nous savons que le froid tue bien plus que le chaud, donc ce que raconte Jean Jouzel, c’est du grand n’importe quoi, comme d’habitude.