Paris (AFP) – Changer le modèle agricole, séparer bonne qualité de vie et croissance matérielle, revoir le système financier… Ces pistes, esquissées par les scientifiques pour sauver la nature, sont au coeur de négociations sensibles à Paris entre 132 Etats.
Reste à voir comment les responsables politiques s’empareront de cet appel à des changements profonds de société.
Un projet de rapport de 1.800 pages, qui dresse un état des lieux des écosystèmes dans le monde et dont l’AFP a obtenu copie, est présenté depuis lundi aux membres de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) pour qu’ils en adoptent un résumé, dont le contenu peut évoluer.
Ce texte, non prescripteur, « va servir de base pour redéfinir les objectifs de l’agenda » avant une COP biodiversité très importante en Chine en 2020, expliquait à l’AFP une de ses auteurs, Yunne Jai Shine, avant le début des négociations.
Cinq facteurs contribuent à la chute brutale de la biodiversité : les changements d’utilisation des terres (dont l’agriculture), la surexploitation (chasse et pêche), le changement climatique, la pollution et les espèces invasives, avec en toile de fond la croissance démographique (11,4 milliards d’habitants attendus en 2100) et la hausse de la consommation par habitant, à l’heure où les classes moyennes des pays émergents adoptent les modes de consommation des pays riches.
Pour ralentir cette érosion, il faudrait « des changements en profondeur », selon une version provisoire du résumé du rapport.O
Finis l’agriculture intensive à outrance, la surpêche, la surconsommation et le gaspillage, ou encore l’association entre croissance économique et bien-être : pour protéger la nature, qui fournit à l’Homme des services indispensables, et assurer une bonne qualité de vie au plus grand nombre, certains secteurs doivent profondément évoluer.
« Nourrir le monde de manière durable (…) implique la transformation des systèmes alimentaires », constatent les scientifiques. Ils soulignent les conséquences néfastes de l’agriculture intensive. Les pistes sont à chercher du côté des « principes agro-écologiques », « l’aménagement des paysages et des technologies d’intensification durable ». La lutte contre la surpêche passe notamment par « des quotas de prises, une limitation de l’effort de pêche et des moratoires ».
« Réduire la demande pour les produits animaux », en premier lieu la viande, dont la production accapare une part importante des terres agricoles et génère des gaz à effet de serre, est évoqué plusieurs fois.
Le rapport s’intéresse aussi à la finance et aux investissements. Il cite un chiffre édifiant : les fonds provenant de paradis fiscaux financent 70% des navires impliqués dans la pêche illégale, non déclarée ou non réglementée et 68% des capitaux étrangers investis dans le soja et l’élevage bovin « qui transforment l’Amazonie ».
Les systèmes actuels « favorisent largement des activités privées préjudiciables pour l’environnement ». Une réponse serait « d’éliminer les subventions néfastes ».
Le produit intérieur brut (PIB) ne peut plus être le seul indicateur pour mesurer le développement d’un pays, dit en substance le texte. Plus généralement, le rapport encourage à « favoriser des conceptions où une bonne qualité de vie n’implique pas une consommation matérielle toujours croissante ».
L’impact du tourisme et du transport aérien n’est pas oublié : le tourisme a explosé au cours des 20 dernières années et son empreinte carbone a bondi de 40% entre 2009 et 2013.
Certains sujets, comme les subventions, la référence à une « évolution », « réforme » ou « transformation » du système économique ont donné lieu à des discussions plus longues, selon des sources de l’Institut international du développement durable (IISD).
Mais dans l’ensemble, « tout le monde a été constructif », selon plusieurs observateurs. « L’idée est d’avoir un document de référence solide et je crois qu’on l’a », a indiqué l’un d’eux avant l’adoption du rapport, qui doit être publié lundi.
Les scientifiques ont travaillé sur six scénarios pour les prochaines décennies. Le plus favorable sur le long terme, pour un « développement mondial durable », combine des actions en faveur de l’environnement, une régulation importante, une croissance faible de la population mondiale, une croissance économique modérée, avec une faible demande de biens de luxe, une consommation moindre de viande et encore une utilisation modérée des énergies, en particulier des énergies fossiles.
© AFP
6 commentaires
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Claude Renaud
« 11,4 milliards d’habitants en 2100 » ? Ce chiffre est basé sur nos ressources actuelles, mais que
restera-t-il en 2100 ? D’après « Le jour du dépassement global » nous vivons à crédit 5 mois de l’année,
sur ce que peut nous fournir la Nature. Au rythme actuel, en 2100, nous aurons tout épuisé : Poissons,
pétrole, presque tous les métaux, les océans seront morts par le plastique…et nous aurons 5° de plus
et le niveau des océans aura monté de 3 mètres ou plus. La Planète va devenir très hostile à l’Homme.
L’autre gros problème vital va être le manque d’eau et sans eau, pas de vie possible.
Ce chiffre de 11,4 milliards d’habitants, calculé à la virgule près, vous pouvez le diviser par quatre.
Disons, au pif, 3 milliards d’habitants.
Grossmann
Je crains que votre pessimisme ne soit justifié Monsieur Renaud.
Nous n’avons pas su « nous » les pays « dits développés » montrer l’exemple de ce qu’il faut faire aux pays en voie de développement. Ces derniers pays qui suivent malheureusement notre exemple sont l’objet d’une démographie croissante. De cela résulte le fait que nos réserves d’énergie fossile non renouvelable vont s’épuiser plus rapidement en aggravants les dérèglements climatiques actuels.
Toutefois je ne partage pas votre pessimisme concernant le manque d’eau. Il y a bien sûr des pays défavorisés à ce sujet mais je persiste à penser que le cycle de l’eau pourra continuer à nous apporter ses bienfaits pendant de nombreux siècles. Ceci au moins en France si l’on associe l’eau géothermale profonde à l’eau superficielle des rivières et de leur nappe libre pour mieux profiter de ses capacités thermiques.
Je vais tenir une petite conférence sur ce sujet début août aux sources de la Loire à l’APPEM.
Conférence qui devrait prouver qu’il y a une possibilité de reculer l’échéance que vous évoquez. La France a tout intérêt à montrer l’exemple de ce qu’il faut faire aux autres pays du monde.
je vous invite cordialement à y participer.
Claude Renaud
Pour le problème de l’eau, il est vrai que je me situe plus sur le plan planétaire que sur le plan
strictement français. Comme chacun sait, sans l’eau, pas de vie possible, ni humaine, ni animale,
ni végétale.
Vous et moi, monsieur Grossmann, avons souvent été d’accord sur beaucoup de sujets concernant
le climat et l’environnement. Mais cette fois-ci, votre optimisme s’oppose à mon pessimisme.
Si nos ressources hydriques sont bien pourvues en France, elles ne sont pas pérennes. Le cycle de
l’eau que vous prévoyez pour de nombreux siècles, risque fort de s’interrompre beaucoup plus tôt.
Je n’ai pas la prétention de vous apprendre que le cycle de l’eau est régulé par les glaciers de montagne, qui agissent comme des « châteaux d’eau », se chargent en hiver pour redistribuer et
irriguer le territoire tout au long de l’année. Le problème, est que les glaciers de montagne, en France
comme partout dans le monde, sont en train de fondre à une vitesse alarmante. Je crains qu’avant
la fin de ce siècle, il n’en reste plus grand-chose et que les torrents et rivières ne s’assèchent
complètement. Mais en plus de l’eau, et dès les années 50/60, l’Humanité aura épuisé l’essentiel de
ses ressources naturelles, le pétrole, les poissons, la plupart des métaux et terres rares, etc… puisque
nous ne voulons pas mettre un frein à notre folie consumériste.
Néanmoins, votre invitation m’honore beaucoup, mais vivant en Bretagne, je ne pourrai pas y aller.
Merci quand-même !
Grossmann
Oui bien sûr ce n’est pas réjouissant les glaciers fondent comme neige au soleil mais cependant ne vous inquiétez pas pour la pérennité concernant la présence de l’eau sur terre.
Il n’y aura certes prochainement plus beaucoup de glaciers sur terre mais il continuera à pleuvoir sur les montagnes et le cycle évaporation de l’eau de mer à la surface des océans perdurera ainsi que la condensation au-dessus des terres habitées avec le ruissellement de surface qui en résulte.
Notre monde est petit
Nous aurons probablement l’occasion de nous rencontrer un jour
joanna
Relativement à la majorité des grandes conclusions arrêtées jusqu’alors concernant les solutions écologiques, les grand points de cet état des lieux semblent s’orienter, pour une fois, vers ce qui est fondamental ( éduquer et responsabiliser, axer tous les gestes sur la qualité plutôt que la quantité et prendre conscience que tout le reste n’est qu’un pis aller qui ne fait que repousser les problèmes dans le temps). Ainsi ce rapport de 1800 pages semble encourageant!
Au niveau intergouvernemental plus qu’ailleurs il est important d’avoir des idées claires avant de mettre en place tous les actes tellement attendus que l’on entend se profiler depuis quelques décennies. Une base pour que chacun s’accorde et soit bien certain que dissonance et manque d’harmonie dans les modes de vie au sein de notre milieu naturel ne sont réellement profitables pour personne: source de maladies à plus ou moins longs termes. Qu’on le veuille ou non nous sommes tous sur le même bâteau alors plus nous affûterons nos consciences, plus efficaces seront nos actes pour rémédier aux incendies inaperçus qui se déclarent. L’espoir ne peut nous quitter!
Grossmann
J’espere comme vous Joanna que les grands points de cet état des lieux de 1800 pages s’oriente vers le fondamental.
Quoiqu’il en doit vous avez raison de dire qu’il faut éduquer et responsabiliser en orientant nos décisions vers la qualité plutôt que vers la quantité. Ceci en prenant conscience que tout le reste n’est tien ou presque. Je ne sais pas quel âge vous avez joanna mais en vous lisant j’ai pensé à mon ami Georges et
à sa grand-mère. De son vivant cette vieille dame lisait le journal « le monde » tous les jours et en parlant de sa fille qui devait avoir à l’époque 80 ans elle de plaignait en estimant que: « les jeunes ne savaient pas lire entre les lignes »
Je vous ferais pas l’affront de vous demander si vous savez lire entre les lignes. Je vous poserai seulement cette question avez vous eu la chance et le courage de lire ce rapport de 1800 pages que vous qualifiez d’encourageant?
Je suis comme Detoeuf Barenton confiseur conscient que sans confiance rien ne pourra se faire mais si vous l’avez lu merci toutefois de me dire comment je peux m’en procurer une copie.
Je reste convaincu qu’il faut se méfier des décisions hâtives parfois génératrices de déceptions amères mais cette fois voilà trop longtemps que nous réfléchissons.
Je pense maintenant en ce qui me concerne avoir les idées claires et avant de passer véritablement aux acte j’eetimr comme vous qu’il nous faut affûter nos consciences pour que nos actes soient plus efficaces
Je vais tenter d’ expliquer début août ceque nous devrions faire et vos commentaires sont les bienvenus