Florac (France) (AFP) – Un temps méprisée à l’ère du béton et du ciment, la technique de construction ancestrale en pierre sèche est aujourd’hui en pleine renaissance en France et en Europe, appréciée pour sa résistance et ses vertus écologiques, patrimoniales et esthétiques.
« La pierre sèche était en voie de disparition depuis la fin du XIXe siècle quand on a commencé à utiliser massivement du ciment et du béton », raconte à l’AFP Marc Dombre, vice-président de l’association des Artisans bâtisseurs en pierre sèche (ABPS), créée en Lozère en 2002 et qui anime la filière au plan national.
Marc Dombre, comme d’autres intervenants des récentes rencontres nationales des bâtisseurs en pierre sèche, organisées à Florac (Lozère) jeudi et vendredi, parle d’une « renaissance » de ce mode de construction, « dont on a redécouvert les qualités écologiques, la résistance et la beauté ».
Présent sur tout le pourtour méditerranéen, mais également en Grande-Bretagne, en Bourgogne ou en Alsace pour délimiter les pâtures ou les vignes, cultiver en terrasses, construire des dépendances ou soutenir des voies de circulation, ce type de bâti d’origine agricole, reposant sur des assemblages manuels de pierres sans liant, utilise les matériaux locaux – granit, calcaire ou schiste.
« On peut réemployer des matériaux qui sont sur place, si bien qu’il y a une forme de recyclage perpétuel, une empreinte carbone très faible et une intégration harmonieuse dans un terroir », souligne M. Dombre, maçon-charpentier-couvreur à la retraite de 69 ans qui a appris le métier dans les Cévennes « avec les paysans du coin ».
« Souples et vivants », les ouvrages en pierre sèche répondent aux enjeux environnementaux et économiques du monde moderne: ils assurent la stabilisation de la terre, constituent d’ingénieux systèmes de gestion de l’eau en drainant les sols tout en empêchant l’érosion, favorisent la biodiversité et peuvent même résister aux séismes, souligne Hélène Bouchard Seguin.
Au-delà de la restauration de bâti ancien et de l’écoconstruction, il existe selon cette architecte qui réalise actuellement une étude sur l’usage contemporain de la pierre sèche, « un volet plus fascinant: des ouvrages d’un type nouveau, des créations artistiques ou des aménagements paysagers ». Elle cite notamment la cabane des ours du Parc zoologique de Berne, de l’architecte Patrick Thurston, un bâtiment associant pierre sèche et bois.
L’ABPS a mis en place des projets de recherche avec des ingénieurs pour perfectionner une technique en pleine évolution aujourd’hui qualifiée de « mode constructif d’excellence » et accompagner la hausse de la demande.
Afin d’assurer la transmission du savoir-faire qui se faisait auparavant de père en fils, une « école de la pierre sèche » a également été fondée par l’ABPS à l’Espinas, en Lozère, au coeur du parc national des Cévennes. « On était des artisans vieillissants mais passionnés et on a formé des tas de jeunes qui voulaient faire de cette technique à la fois ancestrale mais pas figée leur activité », se félicite Marc Dombre.
L’école délivre au niveau national deux certificats de qualification professionnelle (CQP) – celui d’ouvrier obtenu par environ 170 professionnels et celui, plus récent, de compagnon, obtenu par une vingtaine de personnes. Signe du succès de l’entreprise, les anciens élèves travaillent à plus de 80% dans le domaine de la pierre sèche. Marc Dombre déplore simplement qu’il n’y ait pas assez de femmes parmi eux: « La pierre sèche n’est pas réservée aux grands costauds, il faut juste apprendre à manipuler les pierres à plusieurs ».
Des règles professionnelles ont également été établies pour accéder à la garantie décennale en termes d’assurance et être ainsi en capacité de décrocher des marchés publics.
Au niveau international, l’ABPS a coordonné plusieurs programmes européens incluant l’Italie, l’Espagne, la Grande-Bretagne tandis que la Grèce, le Luxembourg et la Belgique s’intéressent également à nouveau à la pierre sèche. L’association cherche à encourager les chantiers partagés, y compris à l’international, souligne Marc Dombre, car « avec la pierre sèche, on apprend en faisant et on progresse dans l’échange ».
© AFP
4 commentaires
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serge Toscan-Chiaramonti
Vous préchez un convaincu.Etant moi meme paysan-murailler dans les Alpes Maritimes en France et sur la frontière Italienne.C’est vraiment un fabuleux metier d’avenir.Le probleme que nous rencontrons relativement souvent c’est le manque de pierres in situ.Souvent comme les collectivités et les privés ne savaient pas ou tout du moins ont perdu le savoir,nous avons ce problème d’approvisionnement en pierres.Peut etre faudra t’il réouvrir des anciennes petites carrières.Bien à vous.
deanna martin
et le pisé ! que du positif !
georges salles froès
Reconstruire de nouvelles cités pour tous les sans abris (et pour ceux considérés comme des exilés) qu’eux-mêmes apprennent cet art de la pierre et retrouver sa dignité d’être un humain dans le cycle naturel du vivant.
Lefebvre
Oui, à re-découvrir et ré-développer : écologique (matériaux sur place, excellent lieu de bio-diversité naturel… Vive les murs en pierre sèche ! Venez découvrir les nôtres à Blaton/Bernissart (frontalier à Condé-sur-Escaut/Valenciennes). Voir notre blog : « crêtes à cayaux : http://cretesacayaux.blogspot.com/