Nantes (AFP) – « Il faut qu’on sache exactement ce qu’il se passe »: pêcheurs et chercheurs naviguent à vue face à la recrudescence des captures accidentelles de dauphins, dont plus de 1.100 ont été retrouvés échoués sur la côte atlantique depuis janvier, conduisant François de Rugy à annoncer vendredi des mesures pour tenter d’enrayer l’hécatombe.
« On a des dauphins qui arrivent à la côte avec des traces, on peut avérer que c’est de la capture accidentelle mais on ne peut pas détecter quel engin de pêche a contribué à ça. Il faut qu’on sache exactement ce qu’il se passe », demande Willy Dabin, chercheur à l’Observatoire Pelagis, spécialisé dans les mammifères et oiseaux marins.
L’Observatoire a recensé plus de 1.100 dauphins échoués sur la côte atlantique depuis début janvier, principalement en Vendée, Charente-Maritime et Gironde.
Le ministre de la Transition écologique est attendu en début d’après-midi à La Rochelle, où se situe Pelagis, pour annoncer des mesures afin de tenter d’endiguer ces chiffres préoccupants qui, selon les chercheurs, augmentent d’année en année depuis 2017.
La pêche est très active dans le Golfe de Gascogne entre décembre et fin avril. « On le sait, les captures dans les filets de pêche sont la première cause de mortalité des mammifères marins et la première menace sur leur survie », alerte Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France.
Pour un millier de dauphins échoués, environ 4.000 peupleraient les fonds marins, a estimé Pelagis.
Pourtant les chalutiers pélagiques français ont équipé dès 2005 leurs navires de pingers (des répulsifs sonores qui effarouchent les dauphins). Résultat: une réduction d’environ 60% des captures accidentelles, ont constaté pêcheurs et chercheurs.
« On nous montre souvent du doigt comme les chats noirs de l’océan alors que les chaluts pélagiques sont les plus exemplaires ! Au lieu de trouver des coupables, essayons de trouver des solutions », s’insurge Olivier Le Nézet, président du comité régional des pêches maritimes et des élevages marins de Bretagne, qui rassemble quelque 6.000 pêcheurs, soit un tiers de la profession.
Dans une vidéo, jeudi, Sea Sheperd a pourtant affirmé avoir filmé un chalutier pélagique français sans pinger, un dauphin mort dans ses filets.
Le ministère souhaite voir si d’autres flottilles devraient être équipées de pingers, augmenter le nombre d’observateurs à bord des navires et définir d’autres dispositifs de lutte.
L’augmentation de la population de dauphins ou le dérèglement climatique pourraient expliquer l’accroissement des captures accidentelles, selon M. Le Nézet, mais ces hypothèses ne sont pas confirmées par les chercheurs.
Avec les pêcheurs partenaires, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) lancera en juin le projet « Licado » pour mettre au point un pinger nouvelle génération. « Avec une nouveauté: éviter l’accoutumance de l’espèce donc déclencher les émissions sonores uniquement en présence de dauphins sur la zone », explique à l’AFP Yves Le Gall, responsable du service acoustique sous-marine à l’Ifremer.
Les chercheurs se pencheront aussi sur les fileyeurs, qui ne peuvent être équipés de pingers. « Vraisemblablement le système sonar du dauphin ne détecte pas les filets donc on va essayer de baliser les filets pour réfléchir le signal qu’il utilise quand il chasse », détaille-t-il.
Ces dispositifs actifs (pingers) et passifs (balises) seront soumis à une étude scientifique sur trois saisons de pêche, soit jusqu’en 2022.
Aux yeux de Lamya Essemlali cependant, « on ne met pas les contrôles suffisants et encore moins de sanctions suffisamment dissuasives pour enrayer le problème, donc il y a une sorte d’impunité ambiante autour de ce sujet-là qui est scandaleuse ».
Des observateurs ont embarqué sur des chaluts pélagiques français, mais cette démarche n’est pas obligatoire pour les pêcheurs. Récolter des échantillons représentatifs des flottilles permettrait pourtant de trouver des solutions concrètes pour préserver les dauphins, selon Pelagis.
Par ailleurs, Paris a annoncé sa volonté de discuter avec ses voisins européens de la problématique des échouements, le droit de la pêche relevant du droit communautaire. Les pêcheurs français demandent un effort collectif, visant leurs homologues espagnols ou portugais qui naviguent dans les mêmes eaux qu’eux.
© AFP
Un commentaire
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sophie
Comme si on ne savait pas exactement ce qui se passe!
Ce ne sont pas des mesurettes qui vont changer l’ hécatombe, ce sont de changements RADICAUX de société et de mode de vie des humains.
Il y a urgence et au lieu de saccager la France et mobiliser une énergie considérable avec cette tyrannie des boulets jaunes, les citoyens et politiques devraient tous travailler à l’ avenir que nous proposerons à nos descendants! Hélas… ils s’ occupent du pouvoir d’ achat .