Paris (AFP) – C’était annoncé, désormais c’est concrétisé: quatre ONG, fortes du soutien de deux millions de pétitionnaires, ont attaqué l’Etat en justice jeudi pour « manquements » à son obligation d’action contre le réchauffement, début d’une longue procédure et nouvelle étape dans la mobilisation citoyenne sur le climat.
Greenpeace, Oxfam France, Notre Affaire à tous et la Fondation Nicolas Hulot, à l’origine de la pétition à succès baptisée « l’Affaire du siècle », ont annoncé avoir chacune déposé en ligne leur recours auprès du tribunal administratif de Paris.
Insatisfaites de la réponse du gouvernement à une demande préalable envoyée en décembre, elles sont passées à l’étape suivante, le jour même où le président Emmanuel Macron se posait de nouveau en champion du climat lors d’un « One Planet Summit » au Kenya.
« On a patienté longtemps avant d’obtenir une réponse du gouvernement, et il n’annonce aucune nouvelle mesure en profondeur! », explique Marie Pochon, coordonnatrice de Notre affaire à tous. « Il nous paraît donc assez naturel de déposer ce recours ».
Depuis Nairobi, Emmanuel Macron a estimé que « cette plainte traduit une mobilisation ».
« Je ne pense pas qu’elle mènera à un débouché judiciaire et ce n’est pas là que ça se joue. Ce n’est pas le peuple contre le gouvernement, il faut arrêter ces bêtises (…) C’est nous tous qui devons bouger, les gouvernements, les grandes entreprises, les citoyens », a-t-il dit à la presse.
Le gouvernement, dans une réponse préalable en février, avait rejeté l’accusation d’inaction, évoquant des mesures qui « commencent à porter leurs fruits », tandis que le Premier ministre Edouard Philippe recevait les ONG.
Mais dans leur « recours indemnitaire en responsabilité », les ONG demandent au juge de reconnaître les « manquements » et « d’enjoindre au Premier ministre et aux ministres compétents d’y mettre un terme ». Les requérants réclament la reconnaissance d’un préjudice moral (avec versement symbolique d’un euro) et écologique.
Ils relèvent les objectifs manqués en matière d’émissions de gaz à effet de serre (repartis à la hausse en 2016), d’efficacité énergétique, d’énergies renouvelables. Autant de défaillances affectant directement les citoyens: santé, sécurité alimentaire…
« Le sens de ce recours est d’essayer de faire tout ce qui est possible », a dit Cécile Duflot, DG d’Oxfam France, relevant que c’est « la 1ère fois qu’Oxfam dépose plainte, utilise cette arme car l’urgence est aujourd’hui une alarme ».
« Oui, l’Etat peut être condamné », selon l’ex-ministre. « Nous défrichons en effet un terrain juridique inédit, les juges eux aussi seront face à une responsabilité particulière ».
« On a un recours très ambitieux », reconnaît Me Clément Capdebos, conseil de Greenpeace, qui attend la réponse du juge dans un délai d' »un à deux ans » (5 ans en cas d’éventuels appels). « Nous avons trois objectifs: faire reconnaître expressément l’existence de l’obligation de l’Etat en matière de lutte contre le changement climatique, faire constater ses manquements, et l’injonction à agir. On demande beaucoup au juge, mais sa marge de manoeuvre est très large. »
Le recours s’appuie notamment sur la Charte de l’environnement de 2005 et la Convention européenne des droits de l’Homme.
« La valeur constitutionnelle de la Charte a été reconnue, sur le droit de vivre dans un environnement sain et respectueux de la santé, et sur l’obligation de vigilance environnementale à la charge de l’Etat », souligne Me Capdebos.
Une difficulté pourrait résider dans la complexité des liens entre dérèglement mondial et effet local.
Les avocats s’appuient sur plusieurs cas de victoires à l’étranger. Au total, plus d’un millier d’affaires ont été recensées dans le monde par des universités.
En Colombie, la Cour suprême a acté la nécessité d’agir, sur plainte de 25 jeunes. Au Pakistan, un fils d’agriculteurs a fait reconnaître le droit à la vie. Au Pays-Bas, sur plainte d’une ONG, la cour de La Haye a imposé à l’État de relever ses ambitions de réduction des GES.
Et en France, le recours des ONG, première procédure climatique à cette échelle, fait aussi suite à une autre action, portée fin janvier devant le Conseil d’Etat par le maire écologiste de Grande-Synthe (Nord), ville à risque de submersion.
« On a un grand espoir, des arguments scientifiques et juridiques solides », estime Marie Pochon.
« Mais il n’y a pas que par la justice qu’on y arrivera, à chacun d’actionner des leviers à son niveau », dit aussi la responsable de Notre affaire à tous, qui, avec les autres ONG, appelle à manifester samedi dans le cadre d’une grande journée de mobilisation climat partout en France.
© AFP
7 commentaires
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georges salles froès
Alors cette nouvelle ère !
Démission des adultes…les jeunes vont tout régler ?
Laissez-moi rire…du vent oui…C’est vrai que ça souffle fort ces derniers temps sur la planète.
Un vent de lucidité ? Pas convaincu…/…
Suite voir « mesparaboles.blogspot.be »
Michel CERF
oui le gouvernement doit faire plus mais les citoyens sont ils prets à accepter de faire des sacrifices ? les gilets jaunes ont ils manifesté pour le climat et le respect de la biodiversité ? les états unis , la chine l’inde ect sont ils de bon élèves ?
Claude Renaud
Que peut faire le gouvernement, quand par ailleurs, il vend les aéroports de Paris,
avec une concession …. de 70 ans ???
Bel optimisme !!!
Francis
Il faudrait commencer par vérifier que cette pétition n’est pas bidonnée. Rien n’empêchait de signer plusieurs fois avec des adresses e-mail différentes.
Jean-Pierre Bardinet
Il est vrai que nos misérables 0,9% des émissions totales doivent absolument être réduites pour sauver la planète du terrrrrrible réchauffement futur prophétisé par les projections de modèles numériques qui ne cessent de se planter. J’espère que ces vaillants pétitionnaires vont donner l’exemple en respirant une fois sur trois et en se déplaçant en chars à boeufs (pas en vélo, car la respiration s’accélère et le bilan carbone devient mauvais…).
Jean-Pierre Bardinet
En fait, notre bilan carbone augmente à cause des EnR fatales et intermittentes, car il faut en soutien permanent des centrales thermiques pour équilibrer le réseau en temps réel. Il faut donc arrêter cette filière qui va à l’encontre des objectifs de nos ardents pétitionnaires et développer le nucléaire générations III et IV, qui sont particulièrement vertueuses en termes de bilan carbone. Ben non, me souffle-t-on à l’oreille. Ils veulent accélérer le développement des EnR et réduire le nucléaire… C’est assez incohérent, non ?
Michel CERF
Les négationnistes ont sans doute des intérets particuliers à défendre , heureusement la jeunesse a pris conscience de la gravité de la situation , elle est nombreuse et déterminée .