Montréal (AFP) – Des archéologues ont appelé jeudi à agir d’urgence pour sauver des milliers de sites historiques situés dans l’Arctique qui « disparaissent rapidement » en raison du changement climatique, deux fois plus prononcé au pôle Nord que sur le reste de la planète.
Le Grand Nord compte quelque 180.000 sites archéologiques –majoritairement dans l’Arctique norvégien (60%), l’Arctique canadien (19%) et en Alaska (20%)– que « le climat froid et humide » de cette région a « préservé de manière extraordinaire » jusqu’à tout récemment, rappellent les auteurs de cette étude internationale publiée jeudi dans la revue scientifique Antiquity, consultée par l’AFP.
Or, les bouleversements engendrés par la hausse de la température de la surface de la Terre « détruisent un grand nombre de ces archives culturelles et environnementales de l’Arctique », regrettent ces archéologues originaires du Danemark, de Norvège, du Royaume-Uni, du Canada, des États-Unis et de Russie. Leurs conclusions reposent sur 46 études préalables.
La situation est pressante d’autant que « très peu de ces sites ont été fouillés » et pourraient disparaître avant d’avoir livré leurs secrets, notent-ils.
Les scientifiques pointent deux menaces en particulier: « L’intensification de la fonte du pergélisol », le sol normalement gelé en permanence qui représente un quart des terres émergées de l’hémisphère nord, et « l’érosion côtière » due à la montée des eaux et à la multiplication des tempêtes.
Ces deux conséquences majeures du changement climatique sont déjà responsables de la disparation de plusieurs villages polaires.
« C’est une catastrophe. Une majorité de sites, dont plusieurs parmi les plus importants, ont déjà disparu! », a déclaré au Globe and Mail Max Friesen, archéologue polaire de l’université de Toronto et l’un des dix co-auteurs de cette étude.
Les autres effets néfastes de l’augmentation de la température cités par les archéologues sont le verdissement de l’Arctique (la croissance des végétaux due au réchauffement du sol), les feux de toundra, l’accroissement de l’exploitation de matières premières, l’augmentation du tourisme –notamment avec la multiplication des croisières polaires bénéficiant du recul de la banquise– qui entraîne parfois le vol d’artefacts sur ces sites historiques non surveillés.
« C’est la pire catastrophe patrimoniale du monde en ce moment », a même avancé à l’AFP Matthew Betts, conservateur au Musée Canadien d’Histoire qui a organisé le mois dernier un forum avec 30 archéologues et dirigeants amérindiens afin de dégager des solutions d’urgence à cette « crise ».
« Cela se passe partout, mais le Canada a le plus long littoral de la planète donc on est en ce moment à l’apogée de la crise », a-t-il ajouté, estimant qu' »il n’y a plus le temps, nous devons tout extraire du sol avant que cela ne soit emporté » par les eaux.
L’étude souligne par exemple que trois des quatre sites archéologiques de Drew Point, dans le nord de l’Alaska, « ont disparu » en raison de l’érosion côtière. Et le site restant « est lourdement endommagé ».
A un jet de pierre de là, près de la Pointe Barrow où s’affrontent les mers des Tchouktches et de Beaufort et l’océan Arctique, la fonte du pergélisol et la montée des eaux engloutissent « rapidement (…) des terres habitées par les Autochtones d’Alaska semi-sédentaires depuis au moins 4.000 ans ».
Ce site est crucial pour comprendre le peuplement de l’Arctique canadien et du Groenland, expliquent les chercheurs, notant qu’un cimetière avec 100 dépouilles d’Amérindiens ayant vécu vers l’an 500 a quasiment disparu.
L’équipe d’archéologues polaires appelle donc les pouvoirs publics à dégager des fonds pour la protection de ces sites historiques en péril, car, selon eux, rien n’a été prévu pour le moment.
Or, « avec le climat qui continue de changer, la situation va inévitablement encore s’aggraver ».
Il est d’autant plus urgent d’agir que, selon le conservateur du Musée Canadien d’Histoire, cette « crise » a un double impact pour les communautés autochtones nordiques: en plus de voir disparaître leur patrimoine, elles perdent « les preuves permettant de revendiquer leurs droits sur ces terres ».
© AFP
Un commentaire
Ecrire un commentaire
jean Grossmann
Le réchauffement climatique de la planète ne menaçe pas que les sites archéologiques. Tout est lié et plutôt que de raisonner on observant ce qui se passe dans les régions les plus dépeuplées il me semble plus important pour notre devenir de se préoccuper de ce que sera la ville de demain. Là où sera bientôt concentré 80% des habitants de notre planète.
Cet avenir sera probablement lié à l’association de plusieurs « Solar Water Economy » complémentaires entre elles où l’eau, source de vie, occupera une position centrale
– celle de l’alimentation avec les fermes urbaine
– celle de l’énergie avec le trio enthalpie-entropie-hydrogène
voir http://www.infoenergie.eu/riv+ener/source-energie/SWE.htm
« On peut dire « on n’arrête pas le progrès ».
Au point où nous en sommes le progrés aura besoin de la science et de la raison humaine.
Les 2 premiers critères d’évaluation de l’Indice de Développement Humain (IDH), à savoir la durée de vie et le niveau d’éducation des enfants à 15 ans vont petit à petit progresser donnant raison à Simone Weil qui
disait en parlant du devoir de mémoire : « notre seul devoir est d’enseigner et de transmettre ». Toutefois pour ne pas régresser il va falloir que l’on réévalue le 3ème critère d’évaluation inclus dans cet IDH, celui qui fait appel au PIB par habitant. Ceci vu que à l’évidence, le niveau de vie n’est pas proportionnel à la quantité d’énergie dépensée par habitant mais à ce que le citoyen peut acheter avec le fruit de son travail en utilisant sa monnaie locale. Pour cette raison et dans un soucis d’équité cette réévaluation va devenir indispensable si l’on veut réussir la 2ème « Solar Water Economy », celle de la transition énergétique.
Balendard juillet 2018