Bolivie : des indigènes nettoient le lac Titicaca pour l’exemple

lac titicaca

Des femmes indigènes aymaras nettoient les déchets sur les bords du lac Titicaca à Puerto Perez, en Bolivie, le 18 avril 2018 © AFP AIZAR RALDES

Santiago de Huata (Bolivie) (AFP) – Sous un soleil brûlant, des jupes multicolores se détachent sur les bords arides du lac Titicaca: une dizaine de femmes indigènes ramassent canettes, bouteilles et sacs plastiques, un geste pour l’exemple mais qui reste dérisoire face à la pollution de ce site sacré.

Venues de villages du Pérou et de la Bolivie proches du lac le plus haut du monde (à 3.800 mètres d’altitude), que ces deux pays se partagent, elles se sont retrouvées sur la plage de Santiago de Huata, côté bolivien, pour participer à cette journée de nettoyage organisée par une ONG plusieurs fois par an.

Longues tresses noires, jupes traditionnelles en laine (pollera) et chapeaux melon en feutre (bombin), elles nettoient bénévolement les rives de ce site où leurs familles, de l’ethnie aymara, vivent depuis des siècles.

Grand comme la Corse avec sa superficie de 8.500 kilomètres carrés, le Titicaca est vénéré par les autochtones, qui vivent essentiellement de la pêche. Il y a moins d’une trentaine d’années, les gens pouvaient encore boire l’eau de la lagune.

Les aymaras l’appellent le « lac sacré ». La tradition veut que de ses eaux soient sortis Manco Capac – fils du dieu Soleil – et son épouse Mama Ocllo, afin de fonder la ville de Cuzco, capitale de l’empire inca.

Sur les bords du lac, « on trouve du plastique, du papier, des bouteilles jetables et tous types de détritus », raconte à l’AFP Helena Condori, une commerçante du village péruvien de Juliaca, sur la rive opposée.

Equipées de gants en latex, les ramasseuses collectent les déchets, les mettent dans de grands sacs biodégradables, puis les jettent dans une décharge à proximité.

La brise est légère mais la tâche ne l’est pas car touristes et villageois abandonnent une grande quantité de détritus. Ces femmes qui cherchent à réveiller les consciences trouvent même des couches de bébés usagées.

A la saison sèche, quand le niveau des eaux baisse, apparaît alors l’ampleur du désastre, un festival de bouteilles et sacs plastique, de boîtes, de médicaments, entre autres variétés de déchets.

« Ca me blesse que nous soyons en train de nettoyer ce que d’autres jettent », se lamente Mme Condori. Elle est pourtant pleine d’entrain face à ce travail titanesque. « Cela nous fait sentir que le Pérou et la Bolivie sont plus unis que jamais », dit-elle.

Peu avant, elles ont ratissé la plage bolivienne de Puerto Pérez, également souillée par l’homme.

Mais ce sont les eaux usées, qui se déversent depuis les villes et villages entourant le lac Titicaca, qui portent le plus atteinte à l’environnement.

C’est « un problème qui est à l’origine d’une pollution importante », avertit Fanny Zeballos, ingénieure en environnement de l’ONG Agua sustentable (eau durable), qui soutient cette initiative, même si elle reconnaît qu’elle « ne sera pas suffisante ».

Une pollution insidieuse. « Notre bétail, on l’alimente avec la +totora+ (herbes du bord du lac) et il meurt de diarrhée. Nos vaches et nos moutons boivent l’eau et décèdent, c’est comme ça qu’on se rend compte qu’elle est polluée », explique à l’AFP la conseillère municipale bolivienne Reina Silva.

« Je me sens mal, je sens que je suis en train de mourir aussi », ajoute cette femme, qui fait partie de la dizaine de nettoyeuses indigènes réunies, avec à la clef une centaine de kilos de déchets collectés ce jour-là.

L’ONG Agua sustentable forme et équipe les indigènes avec du matériel de nettoyage et des outils pour mesurer le degré de pollution du lac.

Selon Juan José Ocola, responsable de l’Autorité binationale du lac Titicaca, qui dépend des ministères des Affaires étrangères des deux pays, la pollution se concentre sur certaines rives mais n’affecte pas l’ensemble du lac.

« Le lac Titicaca est exposé à un grave problème de pollution car c’est le réceptacle de tous les polluants qui sont produits » dans les alentours, explique-t-il.

Quelque 1,6 million de personnes vivent dans cette zone où se trouvent les villes de Puno et Juliaca, côté péruvien, et El Alto, qui jouxte la capitale La Paz, côté bolivien.

Si les gestes de ces femmes sont « importants », estime M. Ocola, deux actions en profondeur sont nécessaires: la construction d’usines d’assainissement des eaux et d’autres décharges pour les poubelles.

Pour tenter de faire face à ce fléau qui dure depuis des années, le Pérou vient d’annoncer la construction de 10 usines de traitement des eaux, à hauteur de 400 millions de dollars, tandis que la Bolivie va destiner 80 millions de dollars à un projet similaire dans la ville d’El Alto.

© AFP

2 commentaires

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    • DELHEZ

    Il manque une action importante: l’éducation du public. Si les gens, autochtones et touristes, continuent à jeter dans la nature, le problème ne sera pas résolu

  • OUI ! c’est vrai. Confronté à l’arrivée en masse des matières synthétiques, de la pauvreté de la population, du manque d’informations et d’éducation, le tout coiffé de corruption, les boliviens n’ont pas pris en compte leur propre environnement.
    J’ai été moi-même surpris par leurs réactions tout à fait « inconscientes » vis à vis de ce problème. Un bolivien ayant une bonne éducation, sortant d’un milieu plutôt aisé (mais il aurait pu aussi être d’un milieu pauvre), assis au milieu d’un bus me demande à moi, assis à la fenêtre, de jeter ses plastiques et bouteilles dehors. J’ai réagis, refusé etc.. argumentant que : vous peuple boliviens, honorez voire adorez la « Pachamama », la « Terre-Mère », vous lui faites des offrandes et des sacrifices, si vous l’ensemencez de déchets, un jour elle ne vous produira plus que des déchets… »… Ce monsieur, courroucé, n’a pas apprécié mais les femmes boliviennes qui ont entendu mes propos ont apprécié.
    Nous étions, avec mon épouse les seuls « gringo » à bord, je ne voulais pas être donneur de leçon, j’ai essayé de prendre un exemple qui pouvait leur permettre de comprendre. comment bien faire, comment bien dire : Ce n’est pas évident si on n’est pas des leurs, si on est touriste, même humanitaire, si on est un peu plus argenté qu’eux qui vivent souvent dans un grand dénuement.
    Nous roulions dans la pampa, à 4000 m d’altitude, les buissons, à perte de vu, tels des arbres de noël étaient garnis de plastiques multicolores, ceux largués depuis les bus et les 4×4 ou les nombreux piétons qui déambulaient à la campagne, allant aux champs, au marché, à l’école à 2,5,10 km de chez eux.
    Le vent puissant multiplie et achève l’oeuvre des humains en expédiant ces immondices dans les endroits les plus improbables les plus reculés, même s’il n’y a pas d’hommes sur place.
    http://machakwayra.org/inicio.html