Témoignages de réfugiés dans un camp en Grèce

Samos (Grèce) (AFP) – A peine le soleil levé sur la mer à Samos, Naween Rahimi, un Afghan de Kaboul, surgit d’une tente et se jette sur le visage les dernières gouttes d’eau d’une bouteille.

Près de 300 Syriens, Irakiens, Afghans et Africains de divers pays vivent dans ce camp improvisé situé sur une colline plantée d’oliviers, sur cette île grecque par ailleurs idyllique.

Ils sont arrivés ces derniers mois, avec le regain du flux de réfugiés depuis les côtes turques lié aux températures clémentes d’été et de début d’automne, et malgré l’accord UE-Turquie de mars 2016 qui a fortement ralenti les arrivées.

Celui-ci est en effet synonyme de renvoi en Turquie ou de longue attente d’un hypothétique asile en Grèce.

Pieds nus, Naween cherche un deuxième tee-shirt pour parer à la fraîcheur d’octobre, pas plus de 15 degrés.

« Nous sommes arrivés la nuit dernière, 42 sur une petite embarcation, des Chinois m’ont vendu une tente pour dix euros », raconte en anglais cet ancien interprète de l’armée américaine en Afghanistan, âgé de 28 ans, venu avec sa femme.

Autour de lui, des enfants en tongs, les plus chanceux en chaussettes, marchent sur des ordures: sacs et bouteilles en plastique, boîtes de nourriture demi-vides. L’air empeste.

Selon le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR), qui a appelé le gouvernement grec à « accélérer les préparatifs pour l’hiver », « 5.000 personnes sont arrivés en septembre » sur les îles grecques, une hausse d’environ 35% sur septembre 2016, selon un calcul de l’AFP.

– ‘Qu’est-ce qu’on fait là?’ –

« Pas de toilettes, pas d’eau, la nourriture n’est pas bonne pour le bébé », se lamente en arabe Saura, une Irakienne, en désignant ses trois enfants de deux à dix ans qui frissonnent.

Ils ont été enregistrés début octobre. Mais leur premier entretien avec le service d’asile grec n’est prévu que le 3 janvier.

« Qu’est-ce qu’on fait là? Et s’il commence à pleuvoir? » s’inquiète Naween. Il cherche à gagner Londres, où vit son oncle.

A cent mètres de là, des barbelés signalent le camp d’accueil officiel de Samos qui déborde : plus de 2.500 personnes pour 700 places. Les journalistes y sont interdits.

Les nouveaux arrivés du camp improvisé y vont chaque jour pour chercher 1 litre et demi d’eau par personne, selon Saura, et une portion de nourriture.

« Nous sommes dans l’impasse. Il faut déplacer les réfugiés vers la Grèce continentale », plaide Manos Logothetis, médecin coordinateur du centre hellénique de prévention des maladies (Keelpno) tout en soulignant qu’il faut respecter la procédure l’asile.

Outre Samos, quatre autres îles grecques de mer Egée (Lesbos, Kos, Chios et Leros) possèdent des centres d’accueil où sont bloqués 11.722 réfugiés, pour une capacité de 5.576, certains depuis plus d’un an.

Or selon le traité UE-Turquie, la Grèce est supposée les maintenir sur les îles tant qu’ils n’ont pas obtenu l’asile, une procédure très longue. Les personnes les plus vulnérables bénéficient toutefois de dérogations.

– Sous peine de ‘désastre’ –

Erasmia Roumana, responsable du HCR à Samos, assure toutefois qu’il y aura « des transferts prochainement », avant l’arrivée de l’hiver. « Car les conditions sont actuellement très difficiles (…) et c’est très dur pour tout le monde », avoue-t-elle.

Pour Bodgan Andreï, un des coordinateurs du centre de soutien aux réfugiés SamosVolunteers, « une décision politique des autorités grecques est nécessaire le plus vite possible » sous peine de « désastre ».

Car la majorité des ONG présentes depuis la vague migratoire de 2015, ont récemment quitté l’île, « leur financement étant terminé, ce qui provoque un vide », relève-t-il.

« C’est maintenant à l’Etat grec de gérer la situation », souligne Erasmia Roumana.

De nombreuses ONG souhaitent que l’accord UE-Turquie soit interprété de telle sorte que davantage de réfugiés puissent aller sur le continent mener les étapes finales de leur demande d’asile.

D’autant que, selon Irini Georgali, responsable d’un programme pour mineurs non accompagnés à l’ONG Metadrassi, « l’entassement et la marginalisation de ces réfugiés créent des tensions avec la communauté locale ».

« L’Etat nous a abandonnés », déplore de son côté Ilias Yannoulopoulos, un épicier qui redoute qu’avec le froid et la pluie, « les réfugiés se révoltent ».

Des réfugiés vivant dans un camp improvisé sur l’île de Samos en Grèce, le 13 octobre 2017 © AFP LOUISA GOULIAMAKI
Une femme et ses enfants à l’entrée d’une tente du camp de migrants improvisé de Samos, en Grèce, le 13 octobre 2017 © AFP LOUISA GOULIAMAKI
Un homme prie dans le camp de migrants improvisé de l’île de Samos, en Grèce, le 13 octobre 2017 © AFP LOUISA GOULIAMAKI
Deux personnes dorment à même le sol dans le camp de migrants improvisé de l’île de Samos en Grèce, le 13 octobre 2017 © AFP LOUISA GOULIAMAKI

 

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