L’abandon de l’écotaxe, un « échec de politique publique »

Paris (AFP) – L’abandon de l’écotaxe fait l’objet de vives critiques de la Cour des comptes, qui dénonce, dans son rapport annuel, un « échec de politique publique », une « décision sans base contractuelle » qui coûtera à l’État près d’un milliard d’euros, rien qu’en indemnisations.

« L’abandon de l’écotaxe poids lourds constitue un échec de politique publique, dont les conséquences sont probablement très durables », déplorent les Sages de la rue Cambon dans leur rapport annuel publié mercredi.

« Coûteux pour les finances publiques et dommageable pour la cohérence de la politique des transports et son financement, l’abandon de l’écotaxe poids lourds constitue un gâchis », poursuit la Cour des Comptes.

Elle déplore un pilotage du projet « centré sur des objectifs de court terme », une suspension « prise dans la précipitation », et relève qu »aucune analyse préalable de la portée de cette décision n’a été conduite ».

Ainsi, « cette décision sans base contractuelle a fragilisé la position de l’État, limitant notamment toute possibilité de rechercher, par la suite, une éventuelle faute d’Écomouv’ (consortium franco-italien chargé de la mise en oeuvre de cette taxe, ndlr) dans le retard ou les défauts du dispositif ».

La taxe sur les poids lourds était l’une des mesures phares du Grenelle de l’Environnement, et devait permettre le financement et l’entretien des infrastructures de transport.

Jamais mise en service, elle avait été suspendue en octobre 2013 après la fronde menée par les « bonnets rouges ».

Son remplacement par un « péage de transit » avait été envisagé, avant une « suspension sine die » par la ministre de l’Écologie Ségolène Royal, et, le 30 octobre 2014, la résiliation du contrat passé avec Écomouv’.

« Le mandat de négociation (donné par l’État, ndlr) finalement retenu se résumait à deux objectifs principaux: éviter tout paiement à Écomouv’ en 2014, et ne rien trancher de manière définitive au cours de cette période ». Or le report d’une partie des indemnités de résiliation a coûté 35,4 millions d’euros, souligne la Cour.

– 210 salariés licenciés –

Et l’État se retrouve au final avec une lourde ardoise: 957,58 millions d’euros d’indemnités à verser à la compagnie Écomouv’ et ses partenaires, et 70 millions d’euros pour mettre en oeuvre l’écotaxe, puis la défaire.

À ces dépenses s’ajoutent des recettes manquantes: 9,8 milliards d’euros d’écotaxe entre 2014 et 2024, et 795 millions d’euros de taxe à l’essieu pour la période 2009-2024, cette taxe ayant été abaissée en prévision de l’arrivée de l’écotaxe.

L’État a également dû procéder à la dépréciation comptable des portiques et autres équipements, « initialement valorisés à 652 millions d’euros ». Quelques équipements ont été vendus, pour des montants compris entre 2 et 30% de leur valeur initiale, rapportant seulement 2,19 millions d’euros à l’État.

La solution de remplacement adoptée, une hausse de la taxe sur les carburants (TICPE), suscite elle aussi les critiques de la Cour: « l’objectif indirect de rééquilibrage de la compétitivité relative entre les transporteurs français et étrangers en France, que portait l’écotaxe poids lourds, est mis en échec » puisque les poids lourds étrangers « se ravitaillent peu en France ».

Sur le volet social, les 210 salariés d’Écomouv’ ont été licenciés, et la Cour des comptes précise que « les reclassements envisagés pour une partie d’entre eux dans des établissements publics de l’État n’ont pas prospéré ».

Dans sa réponse à la Cour des comptes, le cabinet du Premier ministre affirme que cette décision a fait l’objet d' »analyses juridiques et financières », et que l’État a utilisé « tous les leviers dont il disposait dans le cadre des négociations avec Écomouv' », obtenant ainsi « des conditions financières plus favorables qu’initialement prévues ».

Il assure que cette décision est « réaliste et efficace sur le long terme », avec un « bilan financier qui n’est pas si défavorable pour les finances publiques ».

© AFP

5 commentaires

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  • C’est ce qui arrive lorsque l’on met la charrue avant les boeufs ou en d’autre terme lorsque l’on envisage de pénaliser les poids lourds avant d’avoir créer et mis en vente des motorisations propres à hydrogène à un prix raisonnable sur le marché.pour assurer le remplacement des moteurs diesel actuels.

    Le transport individuel en ville est un peu différent dans la mesure où les outils du genre voiture électrique ou hybride existent et sont commercialisés à un prix raisonnable si l’on tient compte des aides accordées par l’état. Reste le chauffage de l’habitat qui fait preuve d’un incroyable immobilisme des pouvoirs publics en ce qui concerne la construction de nouveaux outils pour assurer le chauffage de l’habirat.

    Une occasion de rappeler la citation de Balendard :
    L’abscence de concurrence est une plaie pour celui qui attend et une niche pour celui qui entreprend

    Un Lutin thermique février 2017

    • Mona

    Et si, à l’avenir, on consultait le peuple avant de dilapider ses impôts. Ce ne serait que du bon sens et de l’honnêteté.

    • Francis

    L’écotaxe devait être régionalisée et ne s’appliquer que dans les régions frontalières.

  • Allez parler d’écotaxe à un abruti tel que notre Macron national qui met des bus partout sur le territoire au détrîment de trains qui, eux, ne polluent pas. Nous ne sommes pas sortis de l’auberge avec ces tarés qui ne voient que pas plus loin que le bout de leur nez. Et qui, surtout, négocient leurs idées lumineuses à coup de milliers d’euro.
    Le remaniement des voies ferrées – pour les sécuriser – amèneraient un plus à un environnement déjà malade.

  • Un des objectifs de l’écotaxe était d’amener les transporteurs routiers à prendre en charge le coût d’entretien des routes gratuites, d’où son montant proportionnel au kilométrage parcouru. Il n’y aurait donc eu aucune raison de limiter sa perception aux régions frontalières.