Karlsruhe (Allemagne) (AFP) – La Cour constitutionnelle allemande a porté un coup mardi à l’une des mesures phare de la chancelière Angela Merkel en donnant en grande partie raison aux producteurs d’énergie qui réclament à Berlin des indemnités pour la sortie accélérée du nucléaire.
Le gouvernement allemand « était autorisé » à prendre l’accident de Fukushima comme raison à l’accélération « de la sortie du nucléaire afin de protéger la santé publique et l’environnement », ont estimé les juges suprêmes.
Mais les énergéticiens sont en droit de demander une compensation « adaptée » à Berlin, qui avait ordonné la fermeture de plusieurs vieux réacteurs, ajoutent-ils dans leur verdict.
La Cour n’a pas chiffré le montant de ces dédommagements, mais demandé au gouvernement de trouver un compromis avec les plaignants d’ici juin 2018.
La presse évoquait avant ce jugement des réclamations de quelque 20 milliards d’euros.
La plainte remonte à 2012: les deux géants allemands EON et RWE, ainsi que le suédois Vattenfall, troisième producteur d’énergie en Allemagne, s’estimaient lésés par la décision de Berlin d’accélérer la sortie de l’atome à fin 2022 et de mettre à la retraite les sept réacteurs les plus anciens ainsi que celui de Krümmel (Vattenfall), objet de pannes à répétition.
Il s’agissait alors d’un brutal revirement dans la politique de la chancelière conservatrice. En 2010, son gouvernement avait en effet décidé de revenir sur la sortie du nucléaire décidée à la fin des années 90 par le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder et ses alliés Verts.
Pour les industriels, il s’agissait de faire constater qu’un « droit fondamental », en l’occurrence le droit à la propriété, avait été bafoué.
« La question est simplement: a-t-on le droit, du jour au lendemain, de priver les gens – (…) puisque nous appartenons à des gens – de leur patrimoine, sans indemnisation? », avait argumenté le patron du numéro un allemand de l’énergie EON, Johannes Teyssen, lors d’une audience à la mi-mars.
L’accident nucléaire de la centrale Fukushima, partiellement détruite par un tsunami en mars 2011, a « rendu nécessaire, également en Allemagne, une réévaluation des risques liés à l’utilisation de l’énergie atomique », avait répliqué la ministre de l’Environnement Barbara Hendricks (social-démocrate) devant les juges.
Les industriels, déjà confrontés à la baisse des prix de gros, aux problèmes de rentabilité des centrales à charbon et à la concurrence des énergies renouvelables, comme l’éolien ou le solaire, jugent que la décision de Berlin a sérieusement contribué à aggraver leur situation financière.
Plombés par de lourdes pertes, EON et RWE ont décidé de se scinder pour répondre aux défis de la transition énergétique dans le pays, en séparant d’un côté les énergies fossiles, de l’autre les énergies d’avenir. Une refonte finalement bouclée en 2016.
Parallèlement à ce volet judiciaire, gouvernement et industriels se sont accordés dans les grandes lignes sur la gestion de l’arrêt du nucléaire.
Les quatre énergéticiens EON, RWE, Vattenfall et EnBW, qui appartient à l’Etat régional du Bade-Wurtemberg dirigé par les Verts, devront mettre en œuvre et financer l’arrêt définitif des centrales d’ici 2022, leur démantèlement et le conditionnement sécurisé des déchets. Huit d’entre elles sont encore en service.
Ils contribueront aussi à hauteur de 23 milliards d’euros à un fonds chargé de gérer le stockage des déchets nucléaires. Sur ce montant, ils paient une prime de risques d’un peu plus de 6 milliards qui leur permet de dégager de toute responsabilité dans leur gestion future, renvoyant ainsi les risques à l’Etat.
Si le projet de loi a été entériné, il doit encore être scellé par un contrat qui continue d’être négocié.
© AFP
3 commentaires
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dany
Il faut tenir tête et sortir du nucléaire.
ça suffit !
Un incident nucléaire n’est jamais à exclure.
voyez les résultats de fukushima/Tschernobyl ….
en faut-il plus ????
Robert BIGEAT
Loin de leur avoir fait perdre de l’argent la sortie du nucléaire a au contraire fait économiser des fortunes aux exploitants allemands de cette technologie arriérée, dépassée et ruineuse, l’électronucléaire, et il suffit de constater, en France, la situation désastreuse des finances d’EDF, nucléarisée à mort, pour le réaliser, EDF qui sombre financièrement par la faute du nucléaire et n’a plus que le budget de l’Etat, donc nos impôts, pour essayer de surnager dans ce naufrage.
Seulement les électriciens allemands ont subi de plein fouet, depuis cinq ans, avec la concurrence des renouvelables, la baisse des cours de l’électricité de gros, qu’ils produisaient, et produisent toujours, avec du gaz et du charbon essentiellement, activité devenue non rentable, et la sortie du nucléaire, qui produisait peu en pourcentage en Allemagne, dans leur « mix » pour plus cher que le charbon et le lignite, et nucléaire ayant de plus toujours été minoritaire dans leurs moyens de production, et donc n’a rien pu leur faire perdre et au contraire même. Ces électriciens ont donc, tout comme EDF mais uniquement à cause du nucléaire pour l’électricien français, un besoin urgent de refinancement, faute de quoi, c’est la production-distribution d’électricité en Allemagne qui devrait s’arrêter. Comme les banques ne veulent plus leur prêter car ces électriciens ne sont déjà que trop endettés, une « solution » a été trouvée qui obligera, sous un faux prétexte ainsi que je viens de l’exposer,suite à ce jugement abradacadabrantesque, le budget fédéral et ceux des Länders allemands à verser des fortunes à leurs électriciens, victimes, non pas du nucléaire, mais de l’effondrement de la rentabilité de leurs unités de production au gaz et au charbon. L’arrêt du nucléaire en Allemagne, est donc un prétexte présentable, mais totalement faux, pour faire accepter ces versements d’argent public aux énergéticiens allemands, ruinés, tout comme EDF d’ailleurs, mais plus tôt pour eux de 3 à 4 ans, par la montée en puissance des renouvelables, éolien et solaire, qui inondent le marché de leur électricité très bon marché à produire puisque le coût marginal de production des renouvelables tend vers zéro, quand celui du thermique traditionnel au gaz, au charbon, ou au nucléaire, reste proportionnel à la production puisque l’usage du vent et des rayons solaires est gratuit alors qu’il faut payer, gaz, charbon, lignite et uranium.
Rozé
Certes la Cour a validé la compensation mais pas à hauteur des 23 Mds demandés.
Selon mes infos quelques centaines de millions et au plus 1Mds d’euros !
Le titre racoleur cache la réalité des choses. Les grands du nucléaire allemand ne sont pas arrosés et payés sur le dos des contribuables, loin s’en faut et c’est tant mieux !