Essen (Allemagne) (AFP) – La justice allemande examine jeudi une plainte inhabituelle: celle d’un fermier péruvien qui accuse le géant de l’énergie RWE de contribuer à la fonte des glaces dans les Andes et de menacer son existence.
L’audience au Tribunal de Essen (ouest), qui doit débuter à 11H00 GMT, intervient un an après le dépôt de la plainte de Saul Luciano Lliuya, qui défendra sa cause sur place.
Pour la première fois, les deux parties se feront face, et auront « la possibilité de compléter leur exposé des faits », indique à l’AFP le porte-parole du Tribunal Johannes Hidding.
La justice doit décider si la plainte est recevable, ce que conteste fermement RWE, et si c’est le cas prononcer un verdict. Une décision peut « éventuellement » tomber dès jeudi, « mais ce n’est pas sûr », estime-t-il.
Pour Saul Luciano Lliuya, l’énergéticien allemand porte -en tant que l’un des principaux émetteurs de gaz à effet de serre de la planète- une lourde responsabilité dans le réchauffement climatique et la fonte des glaciers qu’il provoque.
Et il est légitime à ses yeux que le groupe basé à Essen paie son écot pour protéger sa ville de Huaraz, capitale de la province de Ancash, dans le nord du Pérou, menacée par une possible vague d’inondations.
Selon Germanwatch, l’association environnementale qui soutient l’initiative, le cas est unique en son genre en Europe et pourrait créer un précédent légal.
« Les grands contributeurs au changement climatique, comme RWE, doivent enfin prendre leur responsabilité pour les conséquences de leurs émissions », explique le fermier, cité dans un communiqué publié sur le site internet de l’association.
L’avocate allemande du plaignant Roda Verheyen s’appuie sur une étude climatique montrant que RWE est responsable de près de 0,5% du total des émissions depuis le début de l’ère de l’industrialisation.
M. Luciano Lluiya réclame 17.000 euros au nom de sa communauté pour financer une partie des travaux de sécurisation d’une lagune. Il demande aussi que l’entreprise lui rembourse 6.300 euros qu’il a dépensé de sa poche en mesures de protection.
Le numéro deux allemand de l’énergie se veut serein. « Nous considérons la plainte comme infondée. Il n’y a pas de base légale à la requête du plaignant », a indiqué à l’AFP un porte-parole de la firme Guido Steffen. Le plaignant n’établit pas un lien clair entre les émissions de CO2 et les risques d’inondations, et le fait même d’émettre des gaz à effet de serre n’est pas contraire à la loi, argumente l’entreprise.
L’agriculteur de 35 ans, père de deux enfants, avait confié il y a un an à l’AFP avoir passé sa vie à regarder les glaciers se détruire progressivement sous l’effet du réchauffement climatique. « Ici, il y a un responsable et il faut lui demander réparation », avait-il déclaré, en ciblant RWE.
Dans la région où il vit avec les siens, la fonte des glaciers entraîne la formation de nouvelles lagunes et surcharge les anciennes, au risque de les faire déborder et engloutir le village.
Le volume de la lagune de Palcacocha, qui avait débordé en 1941 et dévasté la région, a ainsi été multiplié par 34 depuis 1970, devenant une menace permanente, avait mis en garde l’agence américaine pour le développement international (USAID) dans un rapport de février 2014.
RWE déclare ne pas comprendre la raison pour laquelle le Péruvien s’en prend à lui en particulier. « Nous apportons une énorme contribution à la modernisation des centrales à charbon en Allemagne » et « avons investi des milliards dans les énergies renouvelables », s’est défendu le porte-parole.
© AFP
Un commentaire
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Dany
La consommation outrancière des pays riches est effectivement rsponsable.
L’Allemagne et RWE ne sont pas les seuls responsables. USA, France Chine etc…
Tous à la même enseigne.
j’ai vu fondre les glaciers d’Amérique du Sud, certains existants depuis des millénaires ont totalement disparut alors que les populations dépendaient des eaux de fonte.
En ce momment un sècheresse importante sévit sur les pays andins. il fut un temps où les eaux de fonte permettaient de compenser les caprices du climat. maintenant ce n’est plus le cas. A La Paz, capitale de Bolivie il y a des coupures d’eau régulières, les glaciers qui surplombaient la ville sont simplement rayés de la carte.