Monaco s’étend en mer et bétonne des petits fonds côtiers

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Vue générale de Monaco le 22 août 2013 © AFP/Archives VALERY HACHE

Monaco (AFP) – Monaco, aux faux airs de petit Manhattan méditerranéen, a entrepris depuis fin août de gagner 60.000 m2 de plus sur la mer, un chantier à deux milliards d’euros. Des espèces marines seront mises à l’abri à partir de mercredi mais la destruction des petits fonds côtiers où elles s’épanouissent s’annonce irréversible.

Confié au groupe Bouygues, ces nouveaux travaux d’urbanisation en mer doivent aboutir d’ici 2025 à la construction de logements et commerces, et surtout, au doublement de l’espace du Forum Grimaldi, où Monaco accueille ses congressistes, activité économique clé de la principauté.

Après la crise de 2008, le projet initial plus ambitieux de 17 hectares a été divisé par trois, avec le souci également de minimiser les atteintes à l’environnement, affirme le gouvernement de Monaco.

Pour la première fois, des plaques de « posidonie », un herbier marin fragile, seront transplantées pour voir si elles parviennent à se régénérer plus loin. De gros rochers colonisés par une algue à la robe grisâtre, le « lithophyllum byssoides », seront déménagés par barges tandis que des plongeurs spécialisés doivent commencer à récupérer mercredi les grandes nacres repérées sur le site du chantier.

« On les déplace de quelques centaines de mètres, pour les mettre dans la réserve du Larvotto où il y en a déjà beaucoup », explique à l’AFP Jean-Luc Nguyen, directeur de la mission d’urbanisation en mer.

« C’est une opération un peu ridicule », rétorque Alexandre Meinesz, professeur émérite à l’université de Sophia Antipolis, « car c’est une espèce protégée par la loi, mais qui n’est plus tellement en danger. Dans la réserve du Larvotto à côté il y en a plus de 600, répertoriées et comptées. Donc, ce n’est pas ça qui va les sauver! » « Une rigolade », ajoute Denis Ody, responsable Océan et Côte à l’organisation de protection de la nature WWF.

« Pour la posidonie, c’est tout à fait hypothétique, c’est une opération également un peu médiatique pour montrer qu’on veut faire quelque chose. Le gros problème que l’on cache c’est la destruction irréversible des petits fonds marins recouverts (par l’ouvrage): six hectares marins, un biotope où les espèces vivent et qui devient du béton et des immeubles », reprend M. Meinesz: « Le prince Albert II se démène énormément pour un tas d’animaux et de bonnes causes mais devant son propre paillasson, comme son père, il détruit tout! »

C’est dans les petits fonds marins, compris entre zéro et 10 à 20 mètres de profondeur, que la lumière pénètre. « C’est une oasis de vie collée au littoral », explique-t-il. « Ce sont les plus riches, une nurserie où les bébés de toutes les espèces s’abritent dans les algues. »

Or, ils sont très exigus à Monaco et déjà détruits à 88% entre zéro et 10 mètres de profondeur, et à 60% jusqu’à 20 mètres, selon le Medam, inventaire officiel de l’impact des aménagements gagnés sur le domaine marin en Méditerranée. En comparaison, la destruction côté français se limite respectivement à 5% et 1%.

« Je ne mets pas en doute la sincérité de l’engagement environnemental du prince Albert II mais il ne faut pas nous raconter des trucs. On va prendre 6 hectares de petits fonds côtiers qui sont perdus pour toujours. Ce sera contigu à la réserve du Larvotto », commente M. Ody.

« J’espère que les travaux seront faits dans les règles de l’art mais on va couler 26 blocs de bétons (pour protéger le sol artificiel de la houle et des séismes, ndlr). Ensuite on va remblayer avec du sable qui vient de Sicile. Je veux bien qu’on dise que cela va se faire sans déranger le voisinage mais ils ne vont pas faire ça à la petite cuillère, grain par grain », dit-il.

Micro-État de 200 hectares dont 34 gagnés sur la mer, Monaco offre déjà un paysage saturé de tours. La côte est artificialisée à près de 90%. Les grues n’entreront en action sur le chantier du nouveau quartier qu’en 2020, après le passage des navires de dragage pour aspirer le fond de la mer et enlever les vases à partir de 2017.

« Je veux bien que Monaco ait besoin de se développer, c’est Dubaï, mais où ça va s’arrêter? », interroge M. Ody.

© AFP

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  • Bouygues est une société qui sait ce qu’il faut faire pour gagner de l’argent

    Lorsque l’on sait que l’espace public par habitant dans Paris intra-muros et dans Boulogne Billancourt sa proche banlieue est du même ordre de grandeur que l’espace privé (50 m2) on réalise combien le monde s’agglutine dans les villes en raison de la surélévation des bâtiments

    « Le rocher » est en train de prouver si besoin en était qu’il va bientôt en être de même sur le littoral.

    Personne ne doute que le Prince Albert de Monaco est un défenseur de l’environnement.
    Il faut toutefois espérer qu’il a pensé à l’essentiel: celui de se préoccuper de la chaine énergétique qui va être utilisée pour chauffer et climatiser les quelque 60 000 m2 habitable de cette extension marine.

    Il serait temps d’expliquer clairement au citoyen lambda comment, à l’exemple de Marseille, Monaco pourrait bénéficier de la présence de la mer pour assurer cette fonction en participant à l’atténuation climatique

    Voir
    http://www.rivieres.info/patri/mer-source-energie.htm

    Il n’est pas certain que l’explication qui est faite dans cette page du fonctionnement de Thassalia à Marseille soit exactement celle retenue en définitive mais elle est du point de vue des Lutins thermiques la solution qui devrait être proposée et retenue par Bouygues dans une mer fermée comme la grande bleu.

    Elle présente en effet comme le souhaite vraisemblablement le Prince Albert l’avantage de ne pas perturber les écosystèmes marins superficiels et profonds. Elle complique un peu les groupes de pompage mais nul doute que l’expérience acquise par la France à l’occasion de la STEP de Grand-maison permet de surmonter cette difficulté.
    Ceci d’autant que les débits mis en jeu sont nettement plus faibles.

    Voir http://www.infoenergie.eu/riv+ener/LCU_fichiers/RSE-grandmaison.pdf

    Au moment où l’on coule les blocs de béton pour supporter cette extension les précautions prises actuellement pour protéger la flore marine, pour louables qu’elles soient, semblent un peu dérisoires par rapport aux enjeux associés aux variations de température de l’eau de mer en surface et en profondeur qui seront constatées par rapport à l’état naturel si l’on ne choisit pas la bonne solution pour assurer les transferts thermiques entre l’eau de mer et l’habitat afin d’assurer les fonctions climatisation et chauffage.

    Ceci dit si l’on devait aspirer en permanence l’eau de surface que l’on soit en chauffage ou en climatisation en utilisant l’énergie thermique de la mer pour se chauffer et se climatiser à moindre frais avec l’énergie électrique cela est préférable que de le faire avec le gaz et la combustion.

    Balendard novembre 2016