Colombie: des dizaines de milliers de personnes marchent pour la paix

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Une femme brandit une pancarte "oui à la paix" lors d'une manifestation pour la paix à Cali, le 12 octobre 2016 © AFP LUIS ROBAYO

Bogota (AFP) – Au cri de « Plus de guerre! » et fleurs blanches en main, des dizaines de milliers de personnes ont marché mercredi pour la paix en Colombie, dont plus de 50.000 à Bogota, aux côtés d’indigènes et de victimes du conflit armé.

« Des accords maintenant! » scandaient les manifestants pendant cette « Marche des fleurs » réclamant une issue à la crise suscitée par le rejet, lors du référendum du 2 octobre, du pacte de paix signé avec la guérilla marxiste des Farc.

De chaque côté du cortège, qui s’est étiré sur plusieurs kilomètres jusqu’à la place Bolivar au coeur de la capitale, des milliers de bénévoles ont formé une haie d’honneur pour offrir des roses, des lys, des oeillets blancs aux indigènes et aux victimes qui défilaient.

Parmi eux, une jeune femme frêle disparaissait presque derrière une gigantesque photo de son frère, Alex Ortega, disparu il y a six ans comme quelque 45.000 autres Colombiens au cours de cette guerre fratricide qui déchire le pays depuis les années 60, et a fait en outre plus de 260.000 morts et 6,9 millions de déplacés.

« Il a été séquestré par cinq personnes. Pendant un an, nous avons reçu des demandes de rançon, puis plus rien », a expliqué à l’AFP Daisy Ortega, 29 ans. Elle ne sait toujours pas pourquoi, ni par qui son frère aîné a été enlevé alors qu’il travaillait sur la ferme de leurs parents, petits paysans de Mocoa dans le Putumayo, une des régions les plus affectées par le conflit.

Non loin d’elle, en poncho coloré, Icha Caca Blanca, 65 ans, tape doucement du bout des doigts sur un tambour traditionnel qu’elle porte autour du cou. « Nous devons marcher ensemble car nous avons tous besoin de la paix, de la paix de Dieu, la paix de l’Homme, la paix de l’amour », déclare cette femme de l’ethnie Muisca du territoire de Bacata, nom de Bogota en langue indigène.

Les étudiants de diverses universités de Bogota avaient rassemblé plus de 23.000 fleurs, données par des horticulteurs ou des particuliers, tandis que des milliers d’autres étaient vendues dans la rue aux marcheurs quand ils n’arrivaient pas, comme beaucoup, déjà munis de leur bouquet blanc.

« Nous nous mobilisons pour montrer au pays que nous, qui avons perdu le référendum d’une marge infime, ces 49%, nous sommes présents et que les accords (…) sont légitimes (…) », a précisé l’un des organisateurs, Santiago Amaya, 24 ans, tout juste diplômé en sciences politiques.

Le scrutin du 2 octobre a été marqué par une abstention record de plus de 62% et le « non » l’a emporté, à la surprise générale, à 50,2%. En convoquant ce référendum, non obligatoire, le président Juan Manuel Santos entendait donner une plus large légitimité à l’accord de paix signé le 26 septembre avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), nées en 1964 d’une insurrection paysanne.

Avec les victimes du conflit, 6.000 indigènes de la centaine d’ethnies que compte la Colombie étaient les invités d’honneur de cette marche organisée en cette « Journée de la race » par laquelle les Indiens d’Amérique latine marquent chaque 12 octobre, date anniversaire de la découverte du continent en 1492 par Christophe Colomb.

« Nous ne pensions pas qu’il viendrait tant de gens! », se réjouit Jésus David Calmabas, 29 ans, un indigène Nasa représentant sa réserve de Huella Caloto, dans la région du Nord Cauca (ouest), au sein de l’Organisation nationale indigène de Colombie (ONIC).

Alors que le cortège, qui s’était ébranlé en début d’après-midi, arrivait à peine place Bolivar, à la tombée de la nuit, dans le palais présidentiel tout proche, le chef de l’Etat continuait à s’entretenir avec les différents secteurs de la société qu’il reçoit depuis l’échec du référendum.

« La grande majorité m’a demandé que nous trouvions une solution rapide parce que l’incertitude est l’ennemie du processus », a ensuite déclaré le président Santos dans une allocation télévisée. « La paix doit nous unir! », a conclu le tout nouveau prix Nobel.

© AFP

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