Algues vertes: des associations portent plainte contre deux préfets après la mort d’un joggeur

algues vertes

Des algues vertes dans la baie de Saint-Brieuc dans les Côtes-d'Armor, le 10 août 2014 © AFP/Archives MIGUEL MEDINA

Rennes (AFP) – Deux associations ont déposé plainte vendredi avec constitution de partie civile contre le préfet de la région Bretagne et celui des Côtes-d’Armor, après le décès, il y a 15 jours, d’un coureur à pied à l’embouchure du Gouessant (Côtes-d’Armor), secteur où des sédiments anciens d’algues vertes se mêlent à la vase.

« C’est tout à fait délibérément » que les préfets de Bretagne et des Côtes-d’Armor « ont mis en danger la vie (…) de tous les usagers du littoral », accusent, dans un courrier adressé au procureur et dont l’AFP a eu copie, les associations Halte aux marées vertes et Sauvegarde du Trégor, qui veulent « se porter partie civile » contre ces préfets « en leur titre et en leur personne ».

La plainte a été déposée vendredi après-midi au greffe du tribunal de Saint-Brieuc. « Depuis 2010, nous tirons la sonnette d’alarme et nous n’avons pas été entendus », a déploré Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor.

Après avoir, dans un premier temps, écarté l’éventuelle responsabilité des algues vertes dans le décès d’un joggeur, le parquet de Saint-Brieuc a ordonné jeudi l’exhumation du corps de cet homme de 50 ans, familier des lieux, retrouvé face contre terre sur les bords de l’estuaire de la rivière, le 8 septembre.

La mort du coureur à pied s’est produite dans un secteur où 36 sangliers avaient péri à l’été 2011. Un rapport de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) avait alors mis en avant de fortes présomptions quant à la responsabilité des émissions d’hydrogène sulfuré provenant des algues en décomposition dans ces morts successives.

Halte aux marées vertes et Sauvegarde du Trégor rappellent que la toxicité des algues vertes en décomposition -et non des algues fraîches- est établie depuis les années 2010-2011, en particulier à travers des rapports d’agences sanitaires d’État, dont l’Anses et l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques).

La « putréfaction sous les sédiments, sable ou vase, d’algues vertes, en présence très faible ou même en l’absence visible à la surface », « n’est toujours pas reconnue par les autorités », reprochent les deux associations.

Et les Plans algues vertes, pilotés par le préfet de région, « n’ont pas permis de diminuer significativement ces risques, et même, n’ont eu aucun effet dans les zones où les algues ne peuvent être ramassées », comme les estuaires, soulignent-elles.

De son côté, l’association Eau et Rivières de Bretagne a demandé vendredi au gouvernement de saisir l’Anses pour mener des recherches complémentaires après le décès du joggeur.

En 2010 et 2011, l’Anses avait rendu deux avis: le premier relatif aux risques liés aux émissions gazeuses provenant des algues vertes en décomposition pour la santé des populations avoisinantes, des promeneurs et des travailleurs, et le second concernant la toxicité chez l’animal du sulfure d’hydrogène (H2S), le gaz émis par les algues en putréfaction.

« Les recommandations émises par l’Anses dans ces deux avis soulignaient la nécessité de recherches complémentaires », rappelle Eau et Rivières dans son courrier adressé à la ministre de la Santé Marisol Touraine et celle de l’Environnement Ségolène Royal.

Les algues vertes, en diminution cette année, sont désormais systématiquement ramassées sur le rivage quand elles sont encore fraîches. Mais ce ramassage reste impossible dans certains secteurs accidentés ou impraticables.

Dans les zones qui ne sont pas accessibles au ramassage, « des recherches mériteraient d’être conduites afin de caractériser la présence et les risques des molécules (…) produites lors de la biodégradation des ulves », écrivait l’Anses en 2010-2011. « Les enjeux sanitaires associés à la décomposition d’algues vertes (…) pourraient également, le cas échéant, concerner les fonds d’estuaires et les lits de certains rivières; cette hypothèse restant à explorer », considérait l’agence.

Les circonstances du décès du joggeur dans l’estuaire du Gouessant « correspondent exactement aux situations pour lesquelles l’Anses estimait nécessaire de prolonger les recherches », a souligné Eau et Rivières de Bretagne.

© AFP

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