Paris (AFP) – Le gouvernement français va réclamer aux constructeurs automobiles une compensation du « manque à gagner fiscal » né d’une éventuelle tromperie sur les émissions polluantes de leurs véhicules, telle celle qui est reprochée à l’allemand Volkswagen, a annoncé mercredi le secrétaire d’Etat au Budget.
« L’intention du gouvernement est d’engager une action en responsabilité pour faute contre les fabricants à raison bien entendu du préjudice causé par le manque à gagner fiscal », a dit Christian Eckert lors d’une audition à l’Assemblée nationale par une mission d’information sur l’industrie automobile.
« Il n’y aura pas de complaisance ni de sévérité particulière, il y aura l’application d’un juste retour à la responsabilité des constructeurs », a précisé le ministre, tout en rappelant qu’une enquête de la DGCCRF (répression des fraudes) était en cours. « Attendons bien sûr ses conclusions », a-t-il dit.
Un dispositif destiné à faire passer un véhicule pour moins polluant qu’il ne l’est présente un avantage indu pour son constructeur dans le cadre du calcul du bonus-malus écologique.
Dans l’affaire Volkswagen, le parquet de Paris a ouvert le 19 février une information judiciaire pour « tromperie aggravée ». La DGCCRF a en outre notamment mené des perquisitions chez Renault en janvier et chez PSA en avril.
« D’autres investigations se poursuivent sur d’autres constructeurs français et étrangers », a dit le secrétaire d’Etat chargé des Transports, Alain Vidalies, mercredi soir devant les membres de la même mission parlementaire que M. Eckert.
Ces investigations « pourront le cas échéant déboucher sur de nouvelles saisines du Parquet, et nous ne pouvons à ce stade préjuger du résultat des enquêtes », a-t-il ajouté.
Fin septembre 2015, quelques jours après le début du scandale qui fait vaciller le géant allemand, la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, avait déjà dit que le gouvernement comptait demander à Volkswagen un remboursement des aides publiques versées pour l’achat de véhicules présentés comme propres.
Volkswagen a équipé 11 millions de véhicules diesel dans le monde avec un logiciel capable de fausser les résultats de tests antipollution. En France, près d’un million de véhicules des marques Volkswagen, Audi, Skoda et Seat sont concernés.
L’affaire, qui a eu un retentissement mondial, a aussi attiré l’attention des pouvoirs publics sur le décalage entre les normes d’homologation et les émissions polluantes réelles. Ces normes sont en cours de resserrement au niveau européen, et les tolérances dans leur application vont de même être réduites.
Des enquêtes menées dans plusieurs pays ont en outre épinglé des constructeurs, dont Renault, Fiat et Opel, pour des dépassements de normes importants sur certains modèles, qu’il s’agisse des émissions d’oxydes d’azote (NOx) ou de CO2.
En France précisément, une commission installée par Mme Royal à l’automne 2015 a conclu après neuf mois d’enquête ne pas pouvoir exclure que d’autres marques aient recours à des logiciels « tricheurs », malgré leurs dénégations.
L’organisme UTAC-Ceram a ainsi testé 85 véhicules diesel choisis au hasard dans le parc roulant dans des conditions différant légèrement de celles de l’homologation afin de leurrer, et ainsi de détecter un dispositif frauduleux. A chaque fois, elle a ajouté un seuil de tolérance.
Sur les 85 véhicules, environ un tiers (de 24 à 28) sont apparus « en anomalie » vis-à-vis des seuils de NOx au cours de trois tests.
Ce phénomène était encore plus marqué sur le CO2 (mesuré lors de deux tests), dont 39 et 47 véhicules dépassaient les seuils de tolérance, avait indiqué le rapport. Le document appelait à de nouveaux tests sur certains véhicules « afin d’évaluer s’ils ne doivent pas faire l’objet d’un retrait de leur certificat d’homologation ».
Au total, la commission a reçu 11 constructeurs aux modèles « en anomalie » lors de ses travaux. Ses membres doivent se retrouver jeudi au ministère de l’Environnement.
Selon le ministère, « l’ordre du jour prévoit la présentation des derniers résultats de tests effectués par l’IFPEN [ex-Institut français du pétrole, NDLR] durant l’été à la demande de la commission, et celle du rapport rendu public le 29 juillet ».
De même source, la réunion « sera aussi l’occasion d’un débat entre les membres de la commission sur les suites à donner, au-delà des pistes déjà évoquées cet été » et qui seront soumises à Mme Royal.
© AFP
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