La Capelle-lès-Boulogne (France) (AFP) – « Chalarose des frênes, risque de chute de branches – accès en forêt interdit »: face à une épidémie portée par un champignon, cinq forêts du nord vont fermer au public le temps de les sécuriser, une première en France.
Sans remède pour combattre « Chalara fraxinea », un minuscule champignon attaquant exclusivement les frênes, particulièrement répandus dans les forêts du nord et de l’est, les autorités n’ont d’autres choix que d’abattre certains arbres dont les futures branches mortes pourraient blesser les promeneurs.
A l’entrée des cinq forêts – Boulogne-sur-Mer, Desvres, Hardelot, Vimy (Pas-de-Calais) et Nieppe (Nord)- fleurissent ainsi ces panneaux annonçant l’interdiction d’y pénétrer entre le 15 septembre et l’été 2017.
Avec le numéro « 18 » placardé sur le tronc, ce majestueux frêne d’une vingtaine de mètres de la forêt domaniale de Boulogne-sur-Mer, la plus grande du Pas-de-Calais, semble en pleine forme mais son sort est scellé. Son tort: être situé au bord d’un sentier. Plus loin, un autre, flétri et dégarni, agonise.
« Cela fait mal de couper un arbre symbolique de la région, pouvant vivre jusqu’à 200 ans, mais la sécurité passe avant tout », explique, l’air grave, Bruno Dermaux, chargé de mission à l’Office National des Forêts (ONF). Dépité, il lâche: « nous sommes pour le moment très impuissants face à la chalarose ».
Originaire d’Asie, cette maladie est apparue pour la première fois en 1992 en Pologne et sévit aujourd’hui dans 22 pays du continent où les frênes sont aussi communs en ville. Au Danemark, 90% de l’essence a été infectée.
« Ses spores se déposent avec le vent sur le feuillage du frêne. Flétrissement des feuilles, nécrose des rameaux: l’arbre dépérit en quelques années, beaucoup plus vite s’il est jeune », explique à l’AFP Benoît Marçais, directeur de recherche à l’INRA de Nancy.
« En France, le premier foyer a été découvert en 2008 en Haute-Saône, un an plus tard dans le Pas-de-Calais puis dans le Nord, région la plus touchée du territoire actuellement », car certaines de ses forêts sont peuplées jusqu’à près de 50% de frênes, davantage que partout ailleurs, poursuit le spécialiste.
Depuis, le champignon a colonisé la moitié de l’hexagone, progressant de 60 km par an: des foyers ont été retrouvés jusqu’au Poitou et dans la vallée du Rhône.
Une fois touché, l’arbre est condamné: « Seuls 1 à 5% des frênes développent une résistance. A court terme, nous devons faire le deuil de cette essence tout en isolant les spécimens génétiquement résistants », estime M. Marçais.
« Notre +chance+ est qu’une fois touché, l’arbre peut encore vivre 5 à 15 ans avec la maladie. Pas question de tous les abattre d’un coup! », abonde M. Dermaux pour qui les forêts ne sont pas menacées car « la nature a horreur du vide: elles seront juste profondément transformées ».
Les gestionnaires des forêts planchent désormais sur les essences locales qui pourraient remplacer le frêne, « comme l’hêtre, le chêne ou le bouleau pour ne pas dépeupler nos forêts », affirme à l’AFP Benjamin Cano, correspondant-observateur du département Santé des Forêts dépendant du ministère de l’Agriculture.
En parallèle, c’est l’impact économique sur la filière du bois qui le préoccupe. Avec 85 millions de m3 sur pied recensés pour un prix de vente situé entre 80 et 120 euros le m3, la France est l’un des leaders mondiaux de la vente de frêne, utilisé notamment pour l’ornement et l’ameublement, et dont l’un des plus gros acheteurs est le numéro un mondial de l’ameublement, Ikea.
« Pour nous, c’est une catastrophe! Le frêne se travaille bien et facilement, contrairement à d’autres bois », s’inquiète Marc Danel, gérant d’une scierie dans le Pas-de-Calais, réalisant 40% de son chiffre d’affaire grâce au frêne.
Une inquiétude que veut tempérer cependant M. Cano: « à moyen terme, les professionnels devront s’adapter mais il n’y a aucune raison de s’affoler: tant que l’arbre n’est pas mort, il garde ses qualités et sa valeur ».
© AFP
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