Honduras: des milliers d’habitants fuient la violence des gangs

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La police militaire hondurienne patrouille dans les rues de San Pedro Sula, une des villes les plus violentes au monde, le 3 septembre 2016 © AFP ORLANDO SIERRA

San Pedro Sula (Honduras) (AFP) – Après avoir perdu trois de ses enfants tués par des gangs, Geraldina n’a vu qu’une solution: déménager. Comme elle, des milliers d’habitants au Honduras ont fui pour échapper à la violence des bandes criminelles.

« Ma fille aussi a dû partir à cause des menaces. Les membres des gangs entraient chez elle et lui mettaient le pistolet dans la bouche pour qu’elle ne parle pas, car elle avait regardé quand ils ont tué son frère », raconte à l’AFP cette femme de 52 ans.

Son fils de 23 ans est mort car il refusait d’intégrer un gang du nord du pays.

Les deux autres de 19 et 22 ans, pour une raison plus absurde : des membres du gang ‘Megalocos’ (« méga-fous ») les avaient prévenus « qu’ils ne voulaient pas les voir avec le maillot de l’Olimpia », un club de football de la capitale, affirme leur mère. Ils n’ont pas voulu obéir.

Alors Geraldina est partie vivre ailleurs, abandonnant sa maison du quartier Lopez Arellano à San Pedro Sula (nord), deuxième ville du Honduras et l’une des plus violentes au monde.

Les autres habitants témoignent de leurs craintes face à ces bandes criminelles qui se déplacent comme de véritables armées, dans des véhicules de luxe et avec des armes de guerre.

« Les fusillades, qui peuvent durer une heure voire plus, sont presque quotidiennes dans le quartier », raconte Petronila. Après, « beaucoup (d’armes) restent éparpillées dans la rue ».

Les gangs – les plus célèbres sont la Mara Salvatrucha (MS-13) et Barrio 18 – contrôlent les périphéries des principales villes du Honduras, forçant les habitants pauvres à changer de quartier pour chercher plus de sécurité.

Entre 2004 et 2014, plus de 74.000 personnes ont déménagé ou fui aux Etats-Unis, selon le Commissariat national aux droits de l’homme (Conadeh).

Une enquête de cet organisme a montré que 51% d’entre elles sont parties pour quitter un quartier dangereux, 20% en raison de menaces, 17% après le meurtre d’un proche, 12% pour avoir été blessé, 10% pour avoir été victime d’extorsions. Le reste évoque la violence sexuelle, l’obligation de rejoindre un gang ou les enlèvements.

Avec l’aide d’ONG comme le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Conadeh apporte son soutien aux déplacés, mais leur nombre augmente chaque jour.

Dans les quartiers sous contrôle des gangs, ces derniers imposent même un couvre-feu : à partir de 21h, par exemple, impossible de sortir de chez soi car les criminels ont « des travaux à faire ».

Marta, 43 ans, fait des cauchemars depuis 2014, quand son fils a été enlevé par un gang.

Accompagnée de sa sœur Wendy et de son neveu, elle l’a cherché jour et nuit, jusqu’à ce que cette quête coûte la vie au neveu : son corps est apparu à la morgue avec une balle dans la tête.

« Je me demande où peut être mon fils, s’il est vivant ou mort », dit Maria. « Quand je suis sortie à sa recherche, j’avais peur de trouver des bouts de corps », frémit-elle.

Marina, 46 ans, pleure aussi la mort d’un fils, Nelson, 23 ans : tué par un gang alors qu’il venait d’être extradé des Etats-Unis, où il avait fui pour ne pas être obligé à travailler pour eux en vendant de la drogue.

Selon le Commissaire aux droits de l’homme Roberto Herrera, 16.424 Honduriens ont demandé l’aide de la Conadeh en 2015 pour émigrer vers des pays plus sûrs, le Canada et le Costa Rica en particulier.

Ce chiffre a doublé (+99%) en un an.

Selon l’Agence américaine pour le développement international (USAID), le Honduras compte 36.000 membres de gangs, semant la terreur principalement dans les quartiers pauvres.

La justice semble impuissante : « seulement 4% des crimes finissent en procès (…) en l’absence d’une enquête criminelle efficace », regrette Omar Rivera, membre d’une commission chargée de purger les rangs de la police des agents impliqués dans le crime organisé.

Le Honduras enregistre 60 homicides pour 100.000 habitants, plus de six fois la moyenne mondiale – 8,9 – établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

© AFP

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