Paris (AFP) – Le conseil d’administration d’EDF statuera jeudi sur le projet de l’électricien de construire une centrale nucléaire à Hinkley Point, en Angleterre, un chantier de 18 milliards de livres (21,5 milliards d’euros) farouchement combattu par les syndicats.
Qu’est-ce que le projet Hinkley Point?
EDF et son partenaire chinois CGN, qui assure un tiers du financement, comptent construire deux réacteurs de type EPR pour une mise en service en 2025.
Officialisé en 2013 entre le gouvernement britannique et EDF, le projet bénéficiera d’un prix garanti de 92,5 livres (environ 110 euros) par mégawattheure produit durant 35 ans, à travers un mécanisme appelé « contrat pour différence ». Le taux de rentabilité est estimé à environ 9%, mais serait amputé de 0,2% par semestre de retard.
Qu’est-ce qui bloque?
Les conditions du projet ont changé depuis 2013: Areva, concepteur de l’EPR, a renoncé à sa participation de 10% en raison de sa déroute financière, obligeant EDF à consolider le gigantesque investissement dans ses comptes.
L’endettement du groupe – 37,4 milliards d’euros fin 2015 – s’en trouvera considérablement alourdi alors qu’il est déjà confronté à un mur d’investissements, comme la rénovation du parc nucléaire français et le rachat de l’activité réacteurs d’Areva, dans un marché énergétique fortement dégradé.
Craignant pour la viabilité d’EDF, les syndicats CGT, FO, CFE-CGC plaident pour un report de deux ou trois ans, bien qu’EDF ait annoncé une série de mesures pour renforcer sa situation financière, dont un projet d’augmentation de capital d’environ 4 milliards d’euros.
Les risques industriels inquiètent aussi, les délais et les coûts ayant dérapé sur les chantiers d’EPR à Flamanville (Manche) et en Finlande.
Des désaccords au sein même de la direction sur la faisabilité à court terme d’Hinkley Point avaient conduit le directeur financier, Thomas Piquemal, à démissionner début mars. « La situation est extrêmement tendue dans l’entreprise, le PDG est plus que jamais isolé des cadres dirigeants et des syndicats », selon une source syndicale.
Que pensent Paris et Londres?
Comme EDF, dont il détient près de 85%, l’Etat français estime qu’Hinkley Point est incontournable pour assurer la crédibilité de la filière nucléaire française, en pleine refonte, et ses 220.000 emplois.
Les syndicats et le gouvernement britanniques le défendent également, malgré la sortie annoncée du Royaume-Uni de l’UE: les deux réacteurs de plus de 1.650 mégawatts chacun couvriraient jusqu’à 7% de la demande nationale d’électricité, tout en aidant Londres à réduire ses émissions de CO2.
Mais des critiques s’élèvent aussi outre-Manche. Selon un rapport du National Audit Office, équivalent de la Cour des comptes française, les coûts potentiels ont significativement augmenté pour le contribuable britannique: la subvention qu’il devra financer sur la durée du contrat pour différence est désormais estimée à 29,7 milliards de livres, contre 6,1 milliards en 2013, la chute des prix de marché ayant accentué l’écart avec le prix garanti à EDF.
Que doit décider le conseil d’administration?
L’instance de 18 administrateurs devra dire si elle mandate le PDG, Jean-Bernard Lévy, pour signer la décision finale d’investissement, qui marque le lancement effectif du projet. Un feu vert requiert la majorité des votants, mais Jean-Bernard Lévy dispose d’une voix prépondérante en cas d’égalité.
« Il est évident que les six représentants des salariés voteront contre, les représentants de l’Etat voteront vraisemblablement pour. L’incertitude porte sur les administrateurs indépendants », explique un administrateur à l’AFP.
Quelles incertitudes pèsent sur le projet?
Des procédures judiciaires pourraient fragiliser un éventuel feu vert du conseil d’administration.
Le comité central d’entreprise a assigné EDF en référé pour obtenir des informations supplémentaires sur le projet et pouvoir rendre « valablement » un avis. Une audience est fixée au 22 septembre.
Faute d’avoir obtenu le retrait du dossier de l’ordre du jour du conseil, le CCE a par ailleurs demandé à la justice d’ordonner « la suspension de tous les effets des délibérations qui seraient prises par le conseil ». Le référé sera examiné le 2 août.
De son côté, l’association EDF actionnariat salarié (EAS) dénonce « une confusion permanente entre des intérêts distincts » (ceux d’EDF, de l’Etat français, d’Areva et de la filière nucléaire française) et des « conflits d’intérêts avérés ou potentiels » chez certains administrateurs.
L’Autorité des marchés financiers enquête elle sur les informations financières communiquées par EDF au marché depuis 2013, notamment sur Hinkley Point.
© AFP
4 commentaires
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Oskar Lafontaine
Dans cette affaire douteuse d’Hinkley Point le dernier carré de nucléocrateux français encore actif, tire ses dernières cartouches, tant les éléments défavorables à ce projet se sont accumulés au fil du temps.
Le plus grave demeurant que l’EPR ne tiendra, même si, par miracle un des 4 en construction dans le monde, parvenait à fonctionner, au moins pour des essais, aucune des promesses de diminution des coûts qu’il promettait à l’origine du programme, il y a plus de vingt ans déjà, soit plus d’électricité produite et pour moins de déchets radioactifs générés.
Quant à la sécurité augmentée, il y a tromperie, car elle résultait d’abord de la double enceinte de béton renforcé en ferrailles, mais son coût de réalisation obère tout le projet. Et il faut savoir, ce qui a été trop longtemps dissimulé, que cette double enceinte n’a pas été conçue pour augmenter la sécurité, suite à Tchernobyl notamment, mais bien, et à l’inverse, parce que les risques d’une explosion nucléaire, même très limitée, alors nommé « excursion nucléaire », avec l’EPR, étaient significativement augmentés par l’emploi à haute dose de plutonium en lieu et place d’une partie de l’uranium. Dès 2011, il fut donc décidé, en raison des risques élevés d’emballement de la réaction nucléaire, emballement que des simulations de fonctionnement d’EPR, sur de puissants ordinateurs avaient révélés, de renoncer au plutonium, même sous forme de « mox » à faible dose de plutonium, d’où modifications coûteuses, retards, et doutes sur ce programme, parce que disparition de tous les avantages économiques liés à l’emploi du plutonium.
L’uranium en effet se fait rare, du moins à un coût d’extraction raisonnable, l’affaire Uramin avec Areva, nous rappelle que la recherche de nouveaux gisements d’uranium est constante, et rarement couronnée de succès. Or les centaines de réacteurs encore en fonctionnement, et ceux qu’il était prévu de construire, « était », car toutes les prévisions optimistes sur l’avenir du nucléaire, ont été revues, même en Chine, à la baisse; allaient épuiser les réserves disponibles d’uranium à un prix raisonnable, en moins de 30 à 40 ans, d’où la volonté d’employer du plutonium, issu du retraitement et donc davantage disponible. Le projet, qui échoua techniquement et lourdement, de Superphénix, partait déjà de ce raisonnement, et l’EPR n’était jamais, dans l’esprit de ses concepteurs, qu’un « Superphénix du pauvre », un Superphénix au rabais.
Depuis, la concurrence des renouvelables, éolien et photovoltaïque, en une petite dizaine d’années maintenant, est venue modifier la donne, rendant le recours à l’électronucléaire pour produire de l’électricité, totalement anti-économique, en plus d’être toujours aussi dangereux et surtout d’exiger beaucoup trop d’ingénieurs et techniciens qualifiés, très demandés par ailleurs dans l’industrie, et qui, de ce fait sont devenus hors de prix pour les producteurs d’électricité qui n’ont plus les moyens de les rémunérer au bon tarif, perdant déjà des dizaines de milliards d’euros, en ventes et capitalisation boursière, d’où, une catastrophe n’arrivant jamais seule, fuite des investisseurs, depuis cinq ans déjà..
L’électronucléaire, c’est du passé, et les administrateurs d’EDF seraient bien inspirés demain jeudi, d’en prendre acte.
grossmann
Il serait temps que les énergivotes que nous sommes réalisent ce qu’il conviendrait enfin de faire: Non pas produire plus mais consommer moins,. Voire même beaucoup moins pour le chauffage de l’habitat. Et ceci paradoxalement pour un même besoin thermique.
Balendard estime que l’Europe à tout intérêt sur ce sujet extrěmement important pour notre devenir à laisser l’Angleterre partir à la dérive. Le Brexit prouve que ce n’est pas l’Europe qui a coupé les amarres. Son opinion est que l’état français, majoritaire chez EDF devrait l’orienter pour son plus grand bien et celui de l’Europe vers une méthode de production de l’electricité assurée principalement par LE SOLAIRE
Ceci non seulement pour amémoire la qualité de notre environnement mais aussi pour des raisons sécuritaires et financières
Son livre
» la chaleur renouvelable et la riviere » explique pourquoi
Juillet 2016
Grossmann
excuse, je corrige:
Il serait temps que les énergivores que nous sommes réalisent ce qu’il conviendrait enfin de faire:
non pas produire plus, mais consommer moins. Voire même beaucoup moins pour le chauffage de l’habitat. Et ceci paradoxalement dans ce dernier cas pour un même besoin thermique.
Balendard estime que l’Europe a tout intérêt sur ce sujet extrêmement important pour notre devenir à laisser l’Angleterre partir à la dérive. Le Brexit prouve que ce n’est pas l’Europe qui a coupé les amarres. Son opinion est que sur le long terme l’état français, majoritaire chez EDF devrait orienter cette société, pour son plus grand bien et celui de l’Europe, vers une méthode de production de l’électricité assurée principalement par LE SOLAIRE et les hydroliennes, deux sources de production d’électricité prédictibles.
Ceci non seulement pour améliorer la qualité de notre environnement mais aussi pour des raisons sécuritaires et financières
Son livre
» La chaleur renouvelable et la rivière » explique pourquoi
grossmann
GOODLUCK