Paris (AFP) – Nouvelle étape pour le projet controversé de stockage de déchets nucléaires radioactifs à Bure (Meuse): les députés ont donné lundi leur feu vert à un scénario précisé de « réversibilité », via un texte LR-UDI définitivement adopté après ce vote identique au Sénat.
Ce projet Cigéo, à 500 mètres sous terre dans une couche d’argile à la frontière de la Meuse et de la Haute-Marne, pour 3% du volume total des déchets les plus radioactifs produits en France, et pour les déchets à la durée de vie la plus longue, fait l’objet de controverses depuis des lustres.
A la mi-journée, des militants de « Sortir du nucléaire » ont déployé près de l’Assemblée des banderoles barrées des slogans « Enterrez la loi Longuet, pas les déchets nucléaires », ou « Déchets nucléaires, vote sans issue ».
La proposition de loi des sénateurs meusiens de droite, Gérard Longuet et Christian Namy, entend préciser la définition de la « réversibilité » du stockage datant de 2006, si de nouvelles technologies permettaient leur retraitement.
Au nom du gouvernement, le secrétaire d’Etat au Développement et à la Francophonie, André Vallini, a affiché devant moins d’une trentaine de députés le soutien à « une étape importante d’un processus de long terme, qui dépasse les clivages politiques et relève de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures ». Julien Aubert (LR) a plaidé pour « un engagement irréversible » permettant la poursuite du projet.
Rapporteur PS, Christophe Bouillon a appelé à « éviter deux écueils: un projet figé s’étalant sur plus de cent ans sans laisser la possibilité aux générations suivantes de changer la copie », mais aussi « ne rien faire » alors que « ces déchets existent ».
Les écologistes critiques du gouvernement ont échoué à faire rejeter d’emblée ou renvoyer en commission un texte « écologiquement contestable et économiquement néfaste » vu le coût, estimé selon eux jusqu’à 41 milliards d’euros, et la situation financière d’EDF.
‘Tchernobyl souterrain’
Cécile Duflot, qui a déploré l’absence de la ministre de l’Environnement Ségolène Royal, a alerté sur le devenir de « 80.000 m3 de déchets radioactifs pendant des milliers à des millions d’années », « deux trains par semaine depuis la Hague pendant un siècle ». Michèle Bonneton (EELV) s’est alarmée d’un « Tchernobyl souterrain ».
Les écologistes ralliés aux socialistes ont rejeté un texte entouré d' »incertitudes » majeures. « Un hémicycle déserté pour sceller l’avenir d’un territoire pour des millénaires, est-ce sérieux? », s’est exclamé François-Michel Lambert.
Tous les amendements des deux sensibilités écologistes, comme ceux du Front de Gauche, notamment pour préciser davantage une « réversibilité » jugée bien « trop floue », ont été rejetés, leurs auteurs dénonçant une « mascarade de débat ».
Leurs « grandes peurs », « prétexte à ce que cela n’avance pas », ont été récusées par LR, l’UDI Bertrand Pancher ou les socialistes Christian Bataille et Jean-Yves Le Déaut, fervents défenseurs d’un projet né d’une réflexion de « plus d’un quart de siècle », à l’initiative de Michel Rocard. Les radicaux de gauche ont appuyé la « moins mauvaise des solutions », comme le Front de Gauche malgré des bémols.
Jean Lassalle a voté contre, redoutant « le jour où notre gouvernement sera dans l’incapacité d’agir face aux effets du nucléaire ».
Sortir du Nucléaire, les Amis de la Terre et la Coordination BureStop avaient appelé les députés à rejeter le texte, France Nature Environnement donnant un « carton rouge » au gouvernement, qui « profite de l’effet Euro2016 pour passer en douce l’enfouissement de déchets nucléaires ».
Mais la « décision ultime » d’exploitation de Cigéo « reviendra au pouvoir exécutif, qui prendra – ou pas – le décret d’autorisation de création, après une enquête publique, le tout sous le contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire », vers 2025, a assuré le rapporteur.
En cas d’autorisation, une phase industrielle pilote sera menée pendant au moins cinq ans. Si elle est concluante, les premiers déchets ne seront reçus qu’après 2030, a plaidé celui qui est aussi président du conseil d’administration de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), « conflit d’intérêts » selon les opposants.
Le site a été évacué la semaine dernière des anti-Cigeo qui l’occupaient, après une plainte de l’Andra. Outre des recours judiciaires, les militants ont prévu de nouvelles actions. « Ne transformons pas ce site de Bure en nouveau Notre-Dame-des-Landes », a alerté le PRG Jacques Krabal.
© AFP
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Oskar Lafontaine
Depuis que l’idée a été émise, il y a des décennies, d’enfouir à Bure, dans de l’argile à environ 500 mètres de profondeur seulement des déchets radioactifs hyper dangereux, tant chimiquement d’abord que radiologiquement ensuite, des avancées ont eu lieu dans les réflexions sur ce concept technico-géologique approximatif et aujourd’hui largement dépassé. Donc, et dans ce domaine aussi, la France est en retard.
La profondeur d’abord est ridiculement insuffisante, il faudrait au moins descendre à 4000 et même 5000 mètres pour espérer une tranquillité relative sur des millions d’années.
Le creusement de galeries d’autre part est bien trop onéreux, en plus de n’assurer carrément aucune protection sur des durées aussi longues. C’est une « solution » politique, donc méprisable, et en aucun cas une solution géologique au problème des déchets nucléaires.
Le creusement à 5000 mètres, vertical puis horizontal, relève de la technologie pétrolière et est devenu réalisable dans des conditions économiques raisonnables et qui s’amélioreront encore dans les années qui viennent, il était donc urgent d’attendre, et d’abord de chercher des sites plus favorables à cette profondeur.