PARIS (AFP) – C’est un aventurier moderne des mondes perdus, un digne descendant de l’Histoire de l’exploration en France alliant défis sportifs et recherche scientifique. Le Français Evrard Wendenbaum, 37 ans, compte à son palmarès quelque 25 expéditions « engagées » dans les lieux les plus inaccessibles de la planète.
Si sa célébrité est inversement proportionnelle à ses faits d’aventure, c’est que ce diplômé en sciences de la Terre, grimpeur, photographe, réalisateur de multiples films d’expéditions, ne prend jamais le chemin des cimes, des déserts ou des forêts primaires à sa propre gloire, mais au nom de la sauvegarde et de la protection de la biodiversité, « trésors du monde vivant, patrimoines de l’Humanité », assure-t-il.
« A 30 ans, j’avais quasiment tout fait dans le domaine de l’extrême, les +expés+ les plus osées, difficiles et dangereuses sur tous les continents et dans les coins les plus inhospitaliers – des Alpes au Karakoram (Pakistan), de l’Alaska à la Patagonie, des Tien Shan (monts célestes en Himalaya) au coeur de la forêt amazonienne », explique-t-il à l’AFP.
« Mais je cherchais encore ma voie et j’ai décidé de mettre mes savoirs, mon énergie, mes capacités physiques et mon expérience au service de la science », dit-il.
‘Un héritier des années Hulot’
Stéphane Frémond, créateur et président du festival d’aventure vécue de La Rochelle (ouest de la France), confirme: « Evrard ne se contente pas de toucher les gens déjà acquis à la cause environnementale. Il oeuvre de manière à atteindre le plus grand nombre. Son profil complet le lui permet ».
En 2009, cet aventurier crée l’association « Naturevolution » puis élabore une série d’expéditions naturalistes et humanistes baptisée « Lost Worlds » (mondes perdus).
Son objet est d’emmener et de guider des équipes de scientifiques – géophysiciens, géologues, entomologistes, biologistes… – dans les dernières Terrae (quasi) Incognitae de la planète pour « explorer et étudier, sensibiliser, classer et protéger de l’avidité des hommes ».
La première expédition s’envole en 2010 pour Madagascar et le massif encore vierge du Makay, un immense labyrinthe naturel de 150 km par 30, avec des poches de végétation primaire et une faune mal connue voire inconnue. Deux autres suivront, avec la découverte d’une centaine d’espèces végétales et animales et l’obtention auprès des autorités malgaches du classement du site en « aire protégée ».
Explorateur engagé
« Avec le réchauffement, la déforestation, la surpêche, trois espèces disparaissent par heure et 100.000 par an. C’est la 6e crise d’extinction massive des espèces, la plus rapide que la Terre a connue », souligne Evrard Wendenbaum.
La deuxième expédition « Lost Worlds » entraîne en 2014 chercheurs, grimpeurs et spéléologues sur l’île de Sulawesi (Célèbes), au sud-est de Bornéo (Indonésie). Dans le Matarombéo, un massif karstique de 1200 km2, l’équipe découvre un gruyère minéral aux roches coupantes comme des rasoirs et qui abrite une biodiversité foisonnante. Elle viendra enrichir les collections du Centre national de la recherche scientifique français (CNRS) et du Muséum National d’Histoire Naturelle.
Evrard Wendenbaum met actuellement la dernière main à la préparation de sa prochaine expédition, à la fois scientifique, sportive et trans-disciplinaire. En juillet-août, il conduira une vingtaine de chercheurs, alpinistes, plongeurs sous les latitudes extrêmes boréales, dans le massif du Renland, dans l’est du Groenland, qui domine le plus grand fjord du monde, le Scoresby Sund.
Glaciers qui plongent dans la mer, vertigineuses parois de plus de 1.200 m qui jaillissent de l’eau, montagnes qui culminent à 2.300 m et protègent la calotte glaciaire, icebergs, vaste aire de toundra avec boeufs musqués et réimplantation probable du loup arctique qui en avait été éradiqué par la chasse dans les années 30: cette péninsule est quasi inexplorée, dans une région du Nord extrême qui subit de plein fouet les assauts du réchauffement climatique.
« Un des objectifs majeurs de la Société des explorateurs français (SEF) est de favoriser la création de liens forts entre sciences, recherche et exploration », explique son président Olivier Archambeau. « Evrard Wendenbaum représente l’un des archétypes actuels de l’explorateur engagé et contribue de manière extrêmement efficace à construire de nouvelles voies de l’exploration moderne », dit-il.
© AFP
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