Nucléaire: les plaintes contre la pollution de l’eau se multiplient

greenpeace
Greenpeace a porté plainte contre un ancien centre de stockage de déchets nucléaires © AFP OLIVIER LABAN-MATTEI
Greenpeace a porté plainte contre un ancien centre de stockage de déchets nucléaires © AFP OLIVIER LABAN-MATTEI

Cherbourg (AFP) – De Genève à Cherbourg, les plaintes contre des sites nucléaires accusés de polluer l’eau avec du tritium se multiplient, alors que le degré de toxicité de ce radioélément fait débat.

« Est-ce que, une bonne fois pour toutes, on pourrait savoir la vérité » sur le tritium?, s’impatientait récemment Jacques Hamelin, vice-président chargé de l’eau à la communauté de communes de la Hague, en Normandie, à l’issue d’une commission locale d’information (CLI), qui rassemble autour de sites nucléaires élus locaux, autorité de sûreté (ASN) et industriels.

M. Hamelin est maire de Digulleville (Manche) où se trouve le plus gros centre de stockage de déchets nucléaires français (930.000 tonnes de déchets, dont 100 kg de plutonium), le CSM, contre lequel Greenpeace vient d’annoncer avoir porté plainte à Cherbourg pour pollution de l’eau, accusé de réception à l’appui. Le parquet ne communique pas sur cette affaire.

Selon l’organisation écologiste, la nappe phréatique sous le CSM est « de loin » la plus polluée de France en tritium, ce radioélément à base d’hydrogène, beaucoup plus fluide que le plutonium mais nettement moins dangereux.

Greenpeace s’émeut que soit « couramment » observé plus de 100 becquerels par litre (Bq/l) dans le ruisseau Sainte-Hélène, proche du CSM, alors que ce radionucléide est normalement à 1 Bq/l dans les rivières. Et dénonce par exemple une moyenne de 81.000 Bq/l en 2015 dans un des puits de contrôle de la nappe phréatique sous le CSM.

Pour l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), qui gère le CSM, comme pour l’ASN, le marquage au tritium n’est dû qu’à un accident de 1976. Depuis, « globalement », les taux baissent dans la nappe, selon l’ASN. Et l’Andra assure que le centre est désormais étanche, contrairement à ce que pense Greenpeace. Le CSM, où les déchets, les premières années, étaient conditionnés dans des conditions beaucoup moins strictes qu’aujourd’hui, a reçu des fûts entre 1969 et 1994.

‘Sous-estimation’

Pour le gendarme du nucléaire, le centre respecte la réglementation et les valeurs relevées dans les rivières alentours sont « extrêmement faibles », comparées au seuil de potabilité de l’eau fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à 10.000 Bq/l.

« Une consommation exclusive de l’eau de la Sainte Hélène comme eau de boisson aboutirait à une exposition à peu près 10.000 fois inférieure » à la limite d’exposition du public à la radioactivité qui est de 1 millisievert par an, hors radiologie médicale, ajoute Guillaume Bouyt, chef de l’ASN à Caen.

« L’ASN applique les normes mais est-ce-que les normes sont trop élevées ou pas ? », continue toutefois à s’interroger M. Hamelin. Et il n’est pas le seul.

Dans un rapport demandé par l’ANCLI, l’Association nationale des commissions locales d’information nucléaire, un scientifique du CNRS concluait en 2010 à une « sous-estimation » par « les instances de radioprotection » de « la toxicité » du tritium, seul radioélément dont les rejets autorisés augmentent en France. Par ailleurs « le manque de données » sur des « effets cancérogènes du tritium (…) est flagrant », selon ce rapport.

La méfiance vient aussi de l’étranger. Genève a porté plainte contre X en mars pour « mise en danger de la vie d’autrui » au pôle de santé publique de Paris. La ville suisse dénonce notamment des fuites de tritium à la centrale nucléaire du Bugey (Ain). EDF a constaté un pic à 1.800 Bq/l dans les eaux souterraines après une fuite fin 2014.

En France, parmi les procédures en cours, le tribunal correctionnel de Valence (Drôme) va examiner le 24 novembre en citation directe une plainte de Sortir du nucléaire contre EDF après un pic à 690 Bq/l dans un bâtiment réacteur du Tricastin en 2013.

A Penly (Seine-maritime), en 2013, EDF a déclaré un pic de seulement quelques dizaines de Bq/l dans les eaux souterraines. Les antinucléaires ont saisi la justice et l’exploitant a été condamné par le tribunal de police à des amendes pour un défaut d’étanchéité d’une pièce.

Les plaignants se fondent à chaque fois sur des rappels à l’ordre de l’ASN à l’exploitant.

© AFP

Un commentaire

Ecrire un commentaire

    • Pan

    Faut-il en rire ou en pleurer ? à l’heure où la justice a du mal à gérer des affaires difficiles par manque de personnel, où la violence affleure de plus en plus souvent, des écologistes l’encombrent avec des fuites au centième des normes de potabilité, elle-même établie avec des marges de précaution d’un facteur 100 à 1000 !
    Que certains Suisses s’interrogent sur la présence d’eau restant en dessous des valeurs de potabilité dans la nappe de Buget (qui ne passe pas en Suisse) est amusant, eux dont les centrales ont des rejets autorisés dans le Rhône (qui passe en France), et sont grands utilisateurs de tritium dans leur industrie horlogère.
    Le ridicule ne tue pas, mais il ne faut pas trop s’étonner des scores catastrophiques des écologistes dans ces conditions, car si les français aiment la nature, ils ne sont pas prêts à gober n’importe quelle mouche.
    Enfin, les plaignants s’appuient non pas sur les rappels à l’ordre de l’ASN mais sur la totale transparence qu’il existe dans l’industrie nucléaire depuis plus de 10 ans. Ils participent en effets à toutes les instances nationales et locales d’information.
    On attend que le même niveau de sécurité soit envisagé pour les inondations et le même niveau de transparence s’étende aux égouts des cités et des industries chimiques, mais ce n’est pas pour demain….
    et les journalistes diffusent, à défaut de penser… la contrepartie positive est que cela permet d’aiguiser notre esprit critique, mais on souhaiterait un niveau de difficulté un peu plus élevé …